Le nom du rocher sur lequel a été édifié le château a pour origine le nom Petra incisa, « pierre fendue/incisée », qui rappelle peut-être le grand travail des routes romaines mis en place par Agrippa[1] - par quoi il faut comprendre que les Romains ont commencé à entailler le rocher pour faire passer une voie. En effet selon Clerjon (1830), l'éperon de Pierre Scise s'avançait alors jusqu'au milieu de la Saône[1].
Géologie
L'éperon de Pierre Scise est une partie du socle cristallin sur la bordure est du Massif central. Sur les hauteurs dominant le château, ce granite est recouvert par le massif sédimentaire des Monts d’Or (300 m d’altitude moyenne, incliné vers l’est et modelé en cuesta) qui domine la vallée de la Saône par un talus raide quasi-continu de Fourvière à Millery ; ce talus correspond à un escarpement de ligne de faille exhumé. Le socle cristallin se retrouve en rive gauche de la Saône à hauteur du défilé de Pierre-Scize[n 1] et dans le lit-même de la Saône, en amont à l’Île Barbe[5].
Plus en aval, à la sortie du canyon de Pierre Scise, se trouvait une avancée du rocher de Pierre Scise, elle aussi dans le lit de la Saône ; elle mesurait 85 m de large pour 115 m de longueur, et émergeait d'environ 3 m en période d'eaux moyennes. Les piles centrales du pont du Change y prennent appui. Ce rocher a été détruit à la mine vers 1847[6].
Situation
Le château se trouvait sur la Pierre Scise, éperon rocheux (granitique) en rive droite (côté sud) de la Saône à l’entrée du défilé de Pierre-Scise[n 1], où la rivière s'engouffre entre la colline de Fourvière en rive droite et celle de la Croix-Rousse en rive gauche (côté nord). Il dominait la Saône d'une cinquantaine de mètres. Le nom est passé au quai Pierre-Scize qui longe la Saône au pied des vestiges de l'éperon[7],[n 2].
Situation historique
Au haut Moyen Âge, le « bourg de Lyon » est le groupe de maisons sans remparts rassemblé autour de l'église Saint-Nizier qui sert de forteresse. Un autre bourg, le Bourg-Neuf, est entre l'éperon rocheux de Pierre-Scise et l'église collégiale Saint-Paul[8] ; le château de Pierre-Scise lui sert de forteresse[9]. Plus tard, les fortifications médiévales de la ville rejoignent le château, en l’intégrant ainsi dans le système défensif de la cité[10] : vers le sud-est un vallon sépare le château de la hauteur de Fourvière, mais des murs élevés sur les vestiges gallo-romains le relient au fort sur Fourvière et aux quartiers de Fourvière, Saint-Just et Saint-Irénée[11].
Parmi les forts environnants, Pierre Scise est celui situé à l’entrée ouest de la ville[12] (c'est aussi la voie de la Gaule du nord).
Architecture
De cet ensemble assez massif, se détachait une haute tour ronde édifiée au sommet du rocher et tenant lieu de donjon.[réf. nécessaire]
Sur le côté sud du château s'étendait une terrasse ombragée par un grand arbre et arrosée d'une bonne source[11].
Il y avait une chapelle Saint-Michel dans le château (citée en 1392)[13].
Depuis le château, descendait en direction de la Saône (vers le nord-est) un escalier de plus de 200 marches[réf. nécessaire] taillé dans le roc, terminé au bas de la colline par une porte appelée porte de Pierre Scize, qui marquait le début d'un faubourg étroit et tortueux[11].
Historique
Construction à la frontière de l'Empire
Le site était certainement occupé au temps de l'Empire romain : des ouvriers déblayant la terre au pied du château ont retrouvé des vestiges de lampes sépulcrales, médailles et autres objets antiques. Mais les preuves de son existence[14] ne commencent qu'au XIIe siècle[15]. La position du site est cependant trop favorable pour n'avoir pas été mise à profit avant ce siècle. D'après Poullin de Lumina, l'archevêqueHugues y aurait assemblé en 1099 un concile des évêques de sa province[16].
Heraclius, archevêque de Lyon (1153-1163), s'y réfugie plusieurs fois lors de ses démêlés avec le barons ses voisins ; il est le premier à en faire la forteresse des archevêques lyonnais[15].
Après des périodes de troubles, l'archevêque (1193-1226) Renaud de Forez y ajoute des murs plus épais, embellit l'intérieur et fait passer la forteresse au rang de palais archiépiscopal. Ses successeurs s’installent au château[15],[n 3],[18].
Lorsque le pape Innocent IV, en butte à l’empereur Frédéric II, vient en 1244 séjourner à Lyon, l'évêque Aymeric se retire au château de Pierre Scise[19] (il résigne juste après le premier concile de Lyon en 1245).
En 1312, l'archevêque Pierre de Savoie perd la justice de Lyon par le traité du avec Philippe le Bel au profit de la couronne de France[20], mais il se réserve la juridiction temporelle du château de Pierre-Scise avec ses dépendances[21]. En 1330, douze hommes d'armes sont placés sous l'autorité du châtelain du château épiscopal[22].
En 1335, le gouverneur est le seigneur d'Iseron, qui reçoit 50 sous viennois par semaine pour cette charge ; il a sous sa commande douze hommes d'armes, chacun à 8 florins par mois[13]. Les archevêques de Lyon sont bien présents : en 1339 l'archevêque Guillaume de Sure y rend une sentence arbitrale sur les différends entre le sire de Villard et Renaud de Dortans[13] ; en 1366 l'archevêque Charles d'Alençon y excommunie le sénéchal de Lyon et les officiers du roi à la suite des troubles subséquents au traité de Brétigny et du licenciement des armées en 1364[13].
XVe siècle, la guerre de Cent Ans
En 1418, le consulat, qui attend une attaque de Bourguignons, fait renforcer plusieurs fortifications et fait tendre les chaînes sur la Saône[23].
En 1434, « si l'ennemi approche davantage, on tendra la chaîne de Saint-George pour obvier que les blés et tous vivres ne s'en aillent de la cité ; de même celle de dessous Pierre-Scise »[24]. Il s'agit des chaînes qui barrent la Saône la nuit, portées par un alignement de bateaux. Les douaniers disposaient alors, en amont de la Saône, des chaînes en travers de la rivière pour empêcher les contrebandiers de s'introduire à Lyon par voie fluviale[25]. Celle près de Pierre-Scise donne son nom au quai de « Sainte Marie aux chaînes », futur quai de Serin puis quai Saint-Vincent[23] ; elle n'est pas « dessous Pierre Scise » au sens littéral mais un peu en amont du château, comme le montre l'aquarelle par Victor-Jean Nicolle (ici plus bas).
En 1443, un capitulaire témoigne de ce qu'au moins un archevêque a conservé au château les archives du diocèse[13].
Le , à la suite du danger menaçant la ville de Lyon, Louis XI ordonne l'occupation de Pierre Scize[27],[n 4], évinçant les archevêques de Lyon. Le gouverneur de Pierre Scise et officier de l'archevêque, Odile des Estoyés, a été membre (en 1465) de la ligue du Bien public ; le bailli de Mâcon François Roger[n 4] est chargé de le destituer. Depuis, les rois ont gardé la mainmise sur le château et les archevêques sont restés dans leur palais de Saint-Just près de la cathédrale[28]. Le château est transformé en prison d'état et voit un défilé de personnages illustres et moins illustres, à commencer par Jacques d'Armagnac duc de Nemours (1475)[28]. En 1476, après plus de trois mois de séjour, Louis XI quitte Lyon, en visitant le château le 16 juillet[29].
En 1562, Pierre Scize est pris par les troupes protestantes qui tiennent la place pendant plus d'un an.
En 1588, le château est assiégé par les Gueux de Lyon[n 5]. Dans le dernier quart du XVIe siècle, Charles-Emmanuel, duc de Nemours est commandant du lieu.
A la fin du XVIIIe siècle, le commandant est M. André de Bory. À partir de 1780, le commandant de Pierre Scize est Claude Espérance de Regnauld-Alleman[33], seigneur de Bellescize[34]. Le prisonnier le plus prestigieux que connait Regnauld-Alleman est Anne-Louis Goislard, vicomte de Monsabert. En 1788, membre du parlement de Paris, il s'oppose à Loménie de Brienne qui tente de taxer les gros propriétaires, et est donc arrêter lors de la vaine tentative de faire plier le Parlement dans la lutte fiscale de ce dernier contre les ministres du roi. Cette arrestation n'obtient pas les résultats escomptés et il est rapidement libéré[32].
Château de Pierre Scize, aquarelle par Victor-Jean Nicolle (fin XVIIIe s.)[35], d'après une lithographie de Jean-Baptiste Lallemand (milieu XVIIIe s.) : « Le quai d’Alincourt à l’entrée du défilé de Pierre-Scize »[36]
Le capitaine de Fenoyl, qui avait tenté de résister aux troupes protestantes, est incarcéré en 1562[réf. nécessaire] sous la garde du baron des Adrets François de Beaumont[30].
Le duc de Nemours (déjà cité), emprisonné en septembre 1593, réussit à s'échapper en juillet 1594.
Cinq Mars et de Thou sont emprisonnés en 1642 pour complot contre Richelieu et exécutés[31]. Le duc de Bouillon, compromis dans la même affaire, séjourne lui aussi au château[41].
Philippe de Lorraine-Armagnac, dit le Chevalier de Lorraine, amant de Philippe d'Orléans frère du roi Louis XIV, en 1670. Il y reste peu de temps, pour être transféré au château d'If.
Un peu plus tard, on trouve Hennequin, marquis de Fresne, qui avait tenté de vendre sa femme à un corsaire.
François Christophe de Klinglin, éphémère Prêteur Royal de Strasbourg, y est emprisonné de 1753 à 1757[41].
Albert Jouvin de Rochefort (c. 1640 - c. 1710 ) : Le château de Pierre Ancise est le plus merveilleux à voir, bien qu’il ne soit pas de grande étendue ; car il n’est que dessus l’échine d’une partie de rocher, qui en est voisin et d’autant plus fort qu’il est escarpé du côté de la rivière, qui lui lave le pied, et de l’autre défendu d’un large espace en façon de fossé du côté de la montagne... On y monte par plusieurs degrés taillés dans le roc, et ce qu’il y a de plus plaisant, c’est une grosse source qui sort du rocher dans le chasteau, où est un donjon couvert de quelques pièces de canon, qui tiennent en défense l’entrée de la rivière de Saône et de la porte de Vèze (= Vaise) (carnets de voyage, 1672)
Alfred de Vigny: Parmi les vieux châteaux dont la France se dépouille à regret chaque année, il y en avait un, d’un aspect sombre et sauvage, sur la rive gauche de la Saône… , dans Cinq-Mars
Amédée Matagrin: Du puissant château fort, pas même une ruine !
[Combe 2007] Claire Combe, La ville endormie ? Le risque d’inondation à Lyon — Approche géohistorique et systémique du risque de crue en milieu urbain et périurbain (thèse de doctorat en Géographie, aménagement et urbanisme), Université Lumière Lyon 2, , sur theses.univ-lyon2.fr (présentation en ligne, lire en ligne).
[Cuaz 1907] Ernest Cuaz, Le Château de Pierre Scize et ses prisonniers, A. Rey, , 168 p..
[Pelletier 1980] C. Pelletier, Châteaux et maisons bourgeoises dans le Rhône, Horvath, .
[Clerjon 1830] Clerjon, Histoire de Lyon, depuis sa fondation jusqu'à nos jours, vol. 3, Lyon, Théodore Laurent, , 480 p., sur archive.org (lire en ligne).
[Vaesen & Charavay 1887 (3)] Joseph Vaesen et Étienne Charavay, Lettres de Louis XI, roi de France, t. 3 : Lettres de Louis XI, 1465-1469, Paris, libr. Renouard, , 389 p., sur gallica (lire en ligne).
[Vaesen & Charavay 1909 (11)] Joseph Vaesen et Étienne Charavay, Lettres de Louis XI, roi de France, t. 11 : Préface, itinéraire et tables, Paris, libr. Renouard, , 333 p., sur gallica (lire en ligne).
Articles
Michel Demarcq, « Pierre-Scize, la Bastille lyonnaise sous la Révolution », Rive gauche, Société d'études d'histoire de Lyon, Rive gauche, no 201,
Roman historique
[Virès 2004] Pierre Virès, Les Gueux de Lyon, Éditions des Traboules, , sur _ _ _ (ISBN2-911491-13-0).
↑Pour l'emplacement du château et de son éperon rocheux, voir les dessins et gravures reproduites dans l’article ; et la carte géoportail pour l'emplacement du quai Pierre-Scize[7].
↑Renaud de Forez fait réparer ou construire à neuf de nombreux châteaux ; Chasselay, Anse, Francheville, Saint-Cyr, Dardilly, Rochefort, Ternan, Condrieu[17].
« A nostre ame et feal conseiller Francois Royer, nostre seneschal de Lyon et bailli de Mascon, salut et dilection. Pource que nous avons este informez que nostre tres chier et ame cousin l'arcevesque de Lyon a este conssentant de ce que le sire de Beaujeu et Jehanne de Bourbon, ses frere et seur, s'en sont allez par devers et en la compaignie d'aucuns noz rebelles et desobeissans, et qu'ils ont conspire et machine et conspirent et machinent aucunes choses a l'encontre de nous et de nostre seigneurie, et mesmement contre nostre ville de Lyon, nous, pour ces causes, et pour obvier a ce que inconvenient n'en adviengne a nous ne a nostre dicte ville, vous mandons et commandons et expressement enjoignons, que incontinent et en toute diligence, vous vous transportez en icelle nostre ville de Lyon, et prenez et mectez en nostre main la place de Pierre Assise, et gardez de par nous sans en faire delivrance a quelconque personne que ce soit, jusques a ce que par nous autrement en soit ordonne, ......... Donné aux Monltiz lez Tours, le VIIIe jour de mars, l'an mil CCCC soixante sept, et de nostre regne le septiesme. LOYS. »
↑Dans le cadre des guerres de religion, les Gueux de Lyon agissent dans la même lignée que les gueux des Pays-Bas espagnols, qui se révoltent pour la liberté religieuse à partir de 1566. Voir aussi l’article « Gueux de mer ».
Pour les liens entre le mouvement français et mouvement aux Pays-Bas espagnols, voir [Weis 2010] Monique Weis, « « Les Huguenots et les Gueux ». Des relations entre les calvinistes français et leurs coreligionnaires des Pays-Bas pendant la deuxième moitié du XVIe siècle », dans M. Weis, Y. Krumenacker et O. Christin, Entre Calvinistes et Catholiques. Les relations religieuses entre la France et les Pays-Bas du Nord (XVIe – XVIIIe siècles), , sur dipot.ulb.ac.be (lire en ligne).
↑C'est le quai Chauveau et non le quai Arloing que l'on voit à droite de la chapelle de l'Observance.
Le quai Chauveau débute à 30 m en aval du pont Koenig[38] et se termine à la montée de l'Observance (immédiatement à gauche de la chapelle de l'Observance), soit environ 180 m de long. Mais cette petite distance inclut au no 1 l'un parmi les plus beaux bâtiments de Lyon : celui de l'ancienne école vétérinaire, qui loge de nos jours le conservatoire national de Lyon[39].
Le quai est nommé d'après Jean Baptiste Augustin Chauveau (1827, Villeneuve la Guyard, Yonne — 4 janvier 1917 à Paris, enterré à Loyasse), directeur de l'école vétérinaire, professeur à la faculté de médecine de Lyon. Il a mis au point des vaccins dont celui contre le charbon ; fait des découvertes en anatomie, cardiaque notamment avec le cardiographe, en physiologie et microbiologie sur les virus et les anticorps ; établi que la combustion du glucose se faisait dans les muscles ; a réalisé la première implantation de sonde cardiaque dans le monde[39].
Sources
[Courtilz 1714] Gatien de Courtilz de Sandras, Mémoires de Madame la marquise de Fresne, Amsterdam, .
Archives historiques et statistiques du département du Rhône
↑[Dallemagne 2006] François Dallemagne, Les défenses de Lyon : enceintes et fortifications, Lyon, Éditions Lyonnaises d'Art et d'Histoire, , 2e éd. (1re éd. 2006), 255 p. (ISBN978-2-84147-177-5 et 2-84147-177-2, BNF42258190).
↑Le marquis nait le 6 août 1728 à Lyon. Il embrasse la carrière militaire dès 14 ans et poursuit des combats sur plusieurs terrains d'Europe. Il quitte les armes en tant que capitaine de dragons au régiment d'Autichamp avant 40 ans. Marié alors à Marie-Alix Millanois, il est admis en 1772 à l’Académie Royale des Sciences, Belles-lettres et Arts de Lyon et devient prévot des marchands pour quatre ans[32].
↑[Petermann 2014] Damien Petermann, « Voyageurs et images urbaines de Lyon au XVIIIe siècle », Séminaire ARC 5 « Cultures au pluriel », (lire en ligne [sur halshs.archives-ouvertes.fr], consulté le ), p. 3.