Chronique du prêtre de Dioclée
La Chronique du prêtre de Dioclée ou Duklja (en serbo-croate : Ljetopis popa Dukljanina) est le nom donné à une chronique médiévale écrite à la fin du XIIIe siècle par un prêtre anonyme de la Dioclée. Son plus ancien exemplaire conservé est en latin et date du XVIIe siècle. Les historiens modernes pensent qu'il fut compilé entre la fin du XIIe et le début du XVe siècle. Les historiens considèrent que cette chronique est globalement truffée d'inexactitudes et qu'elle contient des passages fictifs. Elle narre l'histoire de la Dalmatie et des régions voisines du Ve siècle jusqu'au milieu du XIIe siècle. Elle contient aussi des passages à demi empruntés à la mythologie concernant les débuts de l'histoire des Slaves du Sud-Ouest. La section "La vie de saint Jovan Vladimir" est considérée comme un récit fictif correspondant à une histoire antérieure. Auteur et dateL'œuvre aurait été réalisée par un "prêtre de Duklja" anonyme (le prêtre Diocleas, connu en serbo-croate sous le nom de pop Dukljanin). L'œuvre n'est connue qu'à travers ses rédactions latines issues d'une imprimerie du XVIIe siècle[1],[2]. Dmine Papalić, un noble de Split, découvrit le texte et le transcrivit en 1509–10. Il fut ensuite traduit par Marko Marulić en latin en 1510, sous le titre Regnum Dalmatiae et Croatiae gesta[3]. Mavro Orbin, un historien ragusan, l'inclut (parmi d'autres ouvrages) dans son Il regno de gli Slavi (vers 1601); Johannes Lucius fit de même vers 1666. Ces rédactions latines affirment que l'original était écrit en slave. La chronique écrite en latin fut achevée entre 1299 et 1301 dans la ville de Bar (Monténégro) qui faisait alors partie du royaume de Serbie. Son auteur était le presbytre Rudger (ou Rudiger), archevêque catholique de Bar probablement d'origine tchèque. [4] Ce dernier aurait vécu vers 1300 : les frontières bosniaques mentionnées coïncident avec un texte anonyme, l'Anonymi Descriptio Europae Orientalis (Cracovie, 1916), qui a été daté de l'année 1308. [5] Les recherches du début du 21e siècle ont établi que Rudger existait vers 1296–1300. [6] Les chapitres 1 à 33 de la chronique reposent sur des traditions orales et les affabulations de son auteur. Leurs caractère historique est largement rejeté par les historiens. [7] [8] Les trois chapitres suivants contiennent toutefois des données historiques inestimables sur cette période[9],[10]. Le chapitre 36 par exemple, sur Saint Jovan Vladimir, est un résumé d'une hagiographie plus ancienne datée entre 1075 et 1089, époque à laquelle la dynastie Vojislavljević s'efforçait d'obtenir l'insigne royal du pape, et d'élever leur région au rang d'archevêché. Ce chapitre contient des données historiques d'une importance considérable et qui se sont avérées fiables. [7] Les chapitres 34 et 35, qui traitent du père et des oncles de Vladimir, se reposent probablement sur le prologue de cette hagiographie. [8] D'autres théories - obsolètes et réfutées - avançaient la thèse que l'auteur avait vécu dans la seconde moitié du XIIe siècle. [6] Certains historiens croates ont avancé la théorie [11],[10],[9] que l'auteur anonyme était un certain Grgur Barski (Grégoire de Bar), évêque de Bar, qui vivait à la seconde moitié du XIIe siècle. L'évêché de Bar n'existait toutefois plus à cette époque. Dans sa réimpression de 1967 de l'œuvre, l'historien yougoslave Slavko Mijušković déclara que la chronique est un produit littéraire purement fictif, que l'on pouvait attribuer au XIVe ou au début du XVesiècle[12]. L'historien serbe Tibor Živković, dans sa monographie Gesta regum Sclavorum (2009), conclut que les parties principales de la chronique remontaient aux années 1300-1310.[13] ContenuRegnum Sclavorum (1601) peut être divisé de la manière qui suit[14] :
Il y a 47 chapitres dans le texte, de tailles diverses et sur des sujets variés. Folklore et traductionsL'ouvrage consiste en fait en un certain nombre de manuscrits différents mais semblables, issus d'une source originale qui n'a pas survécu mais qui est supposée avoir été écrite par le prêtre de Dioclée lui-même (ou par d'autres moines copistes lui donnant une aide). Il est généralement admis que ce prêtre avait inclus dans son œuvre du folklore et de la littérature issus de sources slaves qu'il avait traduits en latin[15]. Parmi les traductions, on trouve "La légende du prince Vladimir", censée avoir été écrite par un autre ecclésiastique de Dioclée (plus précisément Zečanin de Krajina). Dans sa version originale, il s'agissait d'une œuvre hagiographique, une "Vie de saint Vladimir" plutôt qu'une "Légende". Le prince Vladimir, le protagoniste de l'histoire, ainsi que le roi Vladislav qui ordonna l'exécution de Vladimir, étaient des personnages historiques. Toutefois "La légende du prince Vladimir" contient aussi des éléments non historiques. La chronique fut également complétée par un évêque de Bar résolu à démontrer la supériorité de son diocèse sur celui de l'évêque de Split . En 1986, la chronique fut traduite du croate en ukrainien par Antin V. Iwachniuk[16]. La traduction fut financée par le Fonds d'études et de recherche ukrainiennes Iwachniuk de l'Université d'Ottawa. ÉvaluationValeur historique, fictionDiverses allégations inexactes ou fausses dans la chronique en font une source peu fiable. Les historiens modernes émettent de sérieux doutes sur elle et la considèrent globalement comme un ensemble de pensées fictives ou de vœux pieux. Une opinion qui ne fait pas consensus va jusqu'à rejeter l'intégralité de l’œuvre. Il est communément admis qu'elle donne un aperçu unique de cette époque du point de vue de la population indigène slave[17]. L'ouvrage décrit les Slaves locaux comme un peuple pacifique amené par les dirigeants Goths, qui avaient envahis la région au Ve siècle. Il ne donne toutefois pas d'explications sur comment et quand cela s'est produit. Cette version contredit les informations contenues dans le texte byzantin De Administrando Imperio. La Chronique mentionne également un Svetopeleg ou Svetopelek, le huitième descendant des envahisseurs goths originaux. Elle le désigne comme le principal dirigeant des terres qui couvrent la Croatie, la Bosnie-Herzégovine, le Monténégro (Dioclée) et la Serbie. Il est également crédité de la christianisation des peuples Goths ou Slaves - une attribution purement fictive. Ces affirmations sur un royaume unifié font probablement écho au royaume morave. Elle fait peut-être aussi référence aux Avars . La paroisse du prêtre était située au siège de l'archevêché de Dioclée. Selon les ajouts de l'évêque Grégoire de la fin du XIIe siècle, cet Archevêché couvrait une grande partie de l'ouest des Balkans, comprenant les évêchés de Bar, Budva, Kotor, Ulcinj, SVAC, Skadar, Drivast, Poulat, Travonie et Zahumlje. En outre, il mentionne que la Bosnie (Bosnam) et la Rascia (Rassa) sont serbes. Il décrit le sud de la Dalmatie, composé de Hum (/Zahumlje), de la Travonie et de la Dioclée (la majeure partie de l'Herzégovine et du Monténégro contemporains, ainsi que des parties de la Croatie et de l'Albanie), comme croates (la « Croatie rouge »). Cette description est incompatible avec toutes les autres œuvres historiques qui se réfèrent à cette période. L'archevêque de Bar a ensuite été nommé Primas Serbiae. Raguse avait des prétentions pour devenir le centre ecclésiastique naturel de la Dalmatie du Sud. Toutefois la Dioclée (Bar) reçut ce statut, d'autant que le Pape désirait que la Serbie soit rattachée à la Dioclée. Région de BosnieLa région de la Bosnie est décrite dans la chronique comme s'étendant depuis la zone à l'ouest de la rivière Drina, "jusqu'à la montagne de pins" (en latin : ad montem Pini, en croate : do gore Borave)[18]. L'emplacement de cette montagne de pin est inconnu. En 1881, l'historien croate Franjo Rački proposa qu'il s'agissait de la montagne de "Borova glava" près du champ de Livno[19]. L'historien croate Luka Jelić proposa que la montagne était située soit entre Maglaj et Skender Vakuf, au nord-ouest de Žepče, soit que c'était la montagne Borovina située entre Vranica et Radovna selon le travail de Ferdo Šišić en 1908[20]. En 1935, l'historien serbe Vladimir Ćorović a écrit que le toponyme se réfère à la montagne de Borova glava, par étymologie et parce qu'elle est située sur le bassin versant de la rivière. [21] [22] En 1936, l'ethnologue slovène Niko Županič l'avait également interprété pour placer la frontière occidentale de la Bosnie sur une montagne, mais il la plaça au sud-est de Dinara[23]. L'historien croate Anto Babić, en partant du travail de Dominik Mandić en 1978, conclut que le terme se référait approximativement à un endroit situé entre le bassin versant de la Sava et la mer Adriatique[24],[25]. L'historienne serbe Jelena Mrgić-Radojčić indiqua également l'existence d'une montagne "Borja" située dans le nord de la Bosnie contemporaine, avec une étymologie comparable. [21] Les références
Sources
Bibliographie
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