Sous la Ve République, au cours de la guerre d'Algérie, plusieurs juridictions d'exception temporaires ont été installées pour juger les partisans de l'Algérie française[1] :
En , dans les semaines qui précèdent l'indépendance, deux autres juridictions ont été créées en Algérie : la Cour martiale d'Alger (qui ne prononce que deux condamnations) et le Tribunal de l'ordre public, supprimé en .
Il est parfois considéré qu'avec l'arrêt Canal du Conseil d'État d', le général de Gaulle n'aurait plus eu de tribunal politique pour juger des militants accusés de crimes contre la sûreté de l'État (principalement les membres de l'OAS à l'époque). La création de la Cour de sûreté de l'État, par les lois nos 63-22 et 63-23 du , aurait alors eu pour but de remédier, au plus vite, à cette situation[3].
Or, cette idée selon laquelle la Cour de sûreté de l'État aurait remplacé la Cour militaire de justice est fausse pour deux raisons :
La Cour militaire de justice a continué de fonctionner en parallèle de la Cour de sûreté de l'État. Elle siégea jusqu'en , son existence ayant été prolongée les et par le Parlement[3]. C'est elle qui a condamné à mort Jean Bastien-Thiry.
En réalité, la Cour de sûreté de l'État a remplacé le Tribunal militaire[4], dont l'existence n'a pas été remise en cause par l'arrêt Canal. Le Tribunal militaire, qui a fonctionné sans interruption depuis , était la juridiction qui jugeait le plus d'affaires relatives à la défense de l'Algérie française. Néanmoins, cette juridiction était temporaire. La Cour de sûreté de l'État a résulté de la transformation de cette juridiction temporaire en une juridiction permanente au début de l'année .
La mission de la Cour de sûreté de l'État était de juger, en temps de paix, les crimes et les délits portant atteinte à la sûreté intérieure et extérieure de l'État, comme l'espionnage et le terrorisme. Elle avait compétence sur l'intégralité du territoire national. Elle était constituée de trois magistrats et deux officiers généraux ou supérieurs.
L'année suivante, une loi établit que les crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la nation sont jugés par des juridictions de droit commun[5].
La Cour de sûreté de l'État perdure après pour juger des militaires ayant commis des crimes et délits.
La cour d'assises spéciale, car spécialement composée de magistrats professionnels (sept en première instance et neuf en appel) est créée en , en remplacement de la Cour de sûreté de l'État[6].
En , la Cour d'assises de Paris siégeait afin de juger un anarchiste accusé de faits de terrorisme. Celui-ci a rapidement menacé les jurés de représailles, poussant plusieurs d'entre à ne pas revenir le lendemain. Afin de protéger les jurés, le législateur décide alors d'étendre la compétence de la cour d'assises spéciales au jugement des crimes qualifiés de « terroristes ». Cette procédure est un héritage de la Cour de sûreté de l'État. À la différence d'une cour d'assises ordinaire, elle n'est composée que de magistrats professionnels, sans juré, la majorité simple suffit pour condamner, sa compétence est nationale, l'instruction est centralisée et la garde à vue peut être portée à quatre jours[7]. La gauche revenue au pouvoir en , accepte en cette nouvelle juridiction d'exception et élargit sa compétence au trafic de stupéfiants en bande organisée[8]. La garde à vue est allongée à six jours en .
↑Gérard Amaté, L'affaire Colonna : Une bataille de presse, Alès, éditions Jean-Paul Bayol, , 153 p. (ISBN978-2-916913-21-6).
Bibliographie
Alain Bancaud, III.3 « La tentative de création d'un ordinaire de l'extraordinaire : la Cour de sûreté de l'État », dans « Les crises peuvent-elles échapper à l'exception judiciaire ? : Des débuts de la IIIe République à la création de la Cour de sûreté de l'État », Les Cahiers de la Justice, Dalloz, no 2 « Juger par gros temps », , p. 41–60 (ISBN978-2-9962130-2-2, DOI10.3917/cdlj.1302.0041, lire en ligne), p. 58–60.
Vanessa Codaccioni, « Au cœur de la généalogie de l'antiterrorisme, une juridiction d’exception : La cour de sûreté de l'État », Archives de politique criminelle, Pédone, no 38 « Terrorismes », , p. 47–58 (ISBN978-2-233-00808-4, DOI10.3917/apc.038.0047, lire en ligne).