Doré c. Barreau du QuébecDoré c. Barreau du Québec[1] est un arrêt important de la Cour suprême du Canada en matière de déontologie des avocats, lequel a été rendu en 2012. Les faitsÀ titre de juge, Jean-Guy Boilard préside, de 2001 à 2002, le mégaprocès des Hells Angels arrêtés dans le cadre de l'Opération Printemps 2001. Le 18 et , alors qu'il entend une demande d'arrêt des procédures d'un des accusés, il se montre particulièrement virulent à l'encontre de l'avocat de la défense, Gilles Doré. Dans le jugement qu'il rend le , il se montre très critique envers l'avocat Doré qu'il accuse de faire de la « rhétorique ronflante et de l'hyperbole » et d'être outrecuidant[2]. L'avocat Gilles Doré lui répond par une lettre, devenu encore plus critique :
Suites disciplinairesL'avocat DoréL'avocat Doré est quant à lui suspendu pour 21 jours à la suite de sa lettre[4]. Le juge BoilardLa plainte de l'avocat Doré est transmise au Conseil de la magistrature qui envoie une lettre au juge Boilard lui reprochant son comportement[5]. Le comité indique :
Le , Boilard décide de se retirer du mégaprocès des Hells Angels. Il se fait remplacer par le juge Réjean Paul. Pour ce désistement inattendu, il fait l'objet d'une plainte auprès du Conseil canadien de la magistrature. Il est finalement blanchi[7]. Historique judiciaire subséquentDoré conteste la mesure disciplinaire dont il est l'objet. Le Comité de discipline du Barreau rejette l'argument de Doré. Ensuite, il fait appel de cette décision devant le Tribunal des professions, qui rejette la demande de Doré, estimant qu'il n'a pas fait preuve d'objectivité. La Cour supérieure du Québec maintient le jugement du Tribunal des professions. La Cour d'appel rejette la demande en pourvoi, a confirmé la réprimande et a refusé l'argument de la liberté d'expression en fondant son analyse sur le test Oakes de l'article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés. Décision de la Cour suprêmeLa Cour suprême a jugé que « un avocat qui critique un juge ou le système judiciaire n’est pas automatiquement passible d’une réprimande. Une telle critique, même exprimée vigoureusement, peut être constructive. Cependant, dans le contexte d’audiences disciplinaires, une telle critique sera évaluée à la lumière des attentes raisonnables du public quant au professionnalisme dont un avocat doit faire preuve. Comme l’a conclu le Comité de discipline, la lettre de Doré ne satisfait pas à ces attentes. Son mécontentement à l’égard du juge était légitime, mais la teneur de sa réponse ne l’était pas. À la lumière du degré excessif de vitupération dans le contenu de la lettre et de son ton, la conclusion du Comité selon lequel la lettre de D justifiait qu’il soit réprimandé repose sur un juste équilibre, soit un équilibre proportionné, entre le droit de D à la libre expression et l’objectif de la loi qui consiste à garantir que les avocats agissent avec « objectivité, modération et dignité ». Par conséquent, cette décision est raisonnable.» La seule question portée en appel devant la Cour était de savoir si la décision du Conseil de discipline portait atteinte à son droit à la liberté d'expression en vertu de l'art. 2b) de la Charte. Incidence théorique en droit administratifUne décision unanime a été rédigée par la juge Abella. La Cour a conclu qu'une approche plus souple est nécessaire pour appliquer les valeurs de la Charte aux décisions de droit administratif touchant une seule personne, et qu'une pleine application de l'art. 1 analyse a créé trop de difficultés. La Cour a poursuivi en concluant que la norme de contrôle applicable à la décision d'un tribunal administratif en ce qui concerne l'incidence sur les droits garantis par la Charte d'une personne en particulier est la « décision raisonnable » et non la « décision correcte ». Autrement dit, une cour de révision n'interviendra que si la décision était déraisonnable. Si la décision était raisonnable, même si le tribunal de révision serait parvenu à une conclusion différente, le tribunal de révision n'interviendra pas. Compte tenu de la norme de contrôle, la Cour a conclu qu'une décision sera raisonnable si le décideur met en balance les valeurs de la Charte et les objectifs de la loi en procédant comme suit :
Un tribunal qui contrôle la décision du décideur doit décider si la décision reflète une mise en balance proportionnelle des protections de la Charte en question. En appliquant l'analyse ci-dessus au cas de Doré, la Cour a conclu que la question était de savoir comment équilibrer le droit à la liberté d'expression et la critique ouverte du processus judiciaire avec la nécessité d'assurer la civilité dans la profession juridique. La Cour a ensuite conclu que la décision du Conseil de discipline de réprimander Doré n'est pas une mise en balance déraisonnable. Notes et références
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