Greffe (botanique)En agriculture, le greffage est un mode de reproduction végétative qui consiste à implanter dans les tissus d'une plante nommée « porte-greffe » un bourgeon ou un fragment quelconque nommé « greffon », d'une autre plante compatible ou de la même plante, pour que celui-ci continue à croître en faisant corps avec la première. Le résultat de cette opération est nommé la greffe. Le greffage entre deux arbres ou plantes différentes peut aussi être naturel : l'anastomose des racines (greffe racinaire) et plus rarement des branches ou des troncs, permet la communication physique et biochimique entre ces organismes. Le greffage d'une troisième plante, l'entre-greffe, compatible avec les deux précédentes entre le porte greffe et le greffon, est nommée entre-greffage. OrigineLa greffe sur végétaux a été inventée en Chine. Les Grecs et les Romains ont importé la technique en Europe et nombreux sont les auteurs de l'Antiquité à avoir écrit des manuels destinés à diffuser la technique. Pratiquée d'abord de façon empirique, elle commence à faire l'objet de questionnements scientifiques à partir du XIXe siècle, notamment à travers les travaux de Lucien Daniel ou Vöchting. En vieux français, greffer se disait « enter ». Intérêts du greffageSur le plan agronomique, l'intérêt de la greffe est d'associer les caractéristiques du porte-greffe, et du greffon. Tandis que le premier apporte notamment l'adaptation au sol et au climat, (par exemple la rusticité et la vigueur), le second quant à lui apporte celles des produits sélectionnés, par exemple les fruits et les fleurs que l'on désire obtenir. À titre d'exemple, pour la vigne, c'est la greffe qui a permis de continuer à produire les cépages traditionnels cultivés en France grâce à l'utilisation de plants américains, choisis pour leur résistance au phylloxéra. La greffe est très utilisée pour multiplier les variétés d'arbres fruitiers, notamment les pommiers, poiriers, les agrumes, ainsi que la vigne, les rosiers, certains légumes tels que les solanacées (aubergines, tomates, etc.) et les cucurbitacées (pastèques, melons…)[1] ainsi que d'autres espèces de plantes ornementales. Pour les arbres, la greffe sur porte-greffe nanifiant permet souvent d'obtenir des fruits plus gros au goût plus sucré et ce, plus rapidement qu'un arbre issu de semis ou bouturé de façon à pousser sur ses propres racines. En effet, les apex des racines sont émetteurs de gibbérellines qui inhibent l'induction florale. Les arbres nains ayant peu de racines, ils donnent une floribondité plus importante. Comparaison avec le bouturageCes deux formes de multiplication végétative sont très proches, la dédifférenciation et la totipotence sont les bases de cette multiplication. La bouture est réalisée sur un substrat minéral alors que la greffe est effectuée sur un « substrat végétal ». Le bouturage et le greffage permettent tous deux de reproduire une plante à l'identique à la différence du semis qui lui perpétue l'espèce mais en croisant le patrimoine génétique des parents dans leur descendance (donc en donnant un phénotype distinct). Le bouturage est plutôt utilisé par les amateurs car il est beaucoup plus simple à réaliser que le greffage et ne nécessite aucun matériel particulier. Son seul inconvénient est d'être souvent plus lent à produire des fruits ou des fleurs. De plus, certaines variétés ne se bouturent pas du tout ou très difficilement. Les pépiniéristes privilégient plutôt le greffage. Celui-ci nécessite de bonnes compétences techniques et un peu de matériel (greffoir, porte-greffe) mais il permet de produire en masse et rapidement des plants de qualité et adaptés au besoin des clients. De plus, le greffage permet d'économiser le matériel végétal. Pour faire une bouture, on utilise un rameau de 20 cm qui, si cela réussit, permet d'obtenir un plant. En greffant, à partir de ce même rameau de 20 cm, on peut prélever quatre ou cinq yeux environ, et donc obtenir quatre ou cinq plants avec un seul rameau, ce qui est appréciable lorsque la variété qu'on souhaite multiplier n'est disponible qu'en petite quantité. Réalisation de la soudureDans la grande majorité des cas, le but de la greffe est de mettre en contact les cambiums du greffon et du porte-greffe dans l'espoir que de nouveaux tissus conducteurs issus du néo-cambium, initié dans le cal de jonction, permettent le rétablissement de la circulation de la sève brute (production de vaisseaux du bois) pour protéger le greffon de la déshydratation puis de la sève élaborée (production de tubes criblés du liber). Les conducteurs présents au moment du greffage sont définitivement obstrués ou inopérants : il n'y a donc pas de raccordement de tissus mais production de nouveaux tissus. Dans le meilleur des cas, les premiers conducteurs, issus du néo-cambium n'apparaissent que le onzième jour. La soudure dépend de l’aptitude des tissus blessés (assises génératrices des plantes concernées appelées cambium et phellogène (méristèmes secondaires)) à proliférer en donnant naissance à des cellules indifférenciées susceptibles de générer des éléments conducteurs (Cambium) et des éléments protecteurs (Phellogène) au sein de l'ensemble cicatriciel. Dans le bourrelet de greffe (c'est-à-dire au point de soudure), les conducteurs du bois et du liber s'unissent de façon compliquée : les vaisseaux y sont moins nombreux, plus longs et dirigés dans tous les sens. La greffe doit permettre la continuité de la circulation de la sève. La sève ascendante éprouve plus ou moins de difficultés à franchir le bourrelet de greffe suivant l'affinité entre les deux partenaires. Différentes techniques de greffePour réaliser les greffes, il existe plusieurs techniques[2]. Greffe par approcheLa greffe par approche peut se produire naturellement (quand deux arbres poussent l'un à côté de l'autre par exemple). Les deux arbres doivent être plantés côte à côte. Cette méthode est à privilégier pour des greffes dites « difficiles ». Greffe par rameau détaché
Greffe par œil détaché
Soins post-opératoiresDans les semaines suivant la greffe, on veillera à ne pas trop arroser l'arbre pour éviter de « noyer » le greffon sous un trop plein de sève. Une greffe a échoué si elle est entrée en végétation avant le dixième jour ou s'il n'y a pas eu de production de cal entre les deux partenaires dans les quinze premiers jours. Trois semaines est un délai normal pour le départ des bourgeons du greffon pour les greffes de printemps. Exceptionnellement un greffon peut entrer en végétation deux mois et même un an après le greffage ! Dans un premier temps, laisser pousser tous les rameaux au-dessus du point de greffe. On pourra tailler les moins intéressants en été. En revanche couper aussitôt après la reprise du greffon, les gourmands situés sous le point de greffe et ceci régulièrement les deux premières années pour éviter que le porte-greffe domine le greffon et l'atrophie rapidement. Si du raphia a été utilisé pour ligaturer, vérifier régulièrement qu'il n'y ait pas de strangulation (et desserrer si nécessaire). Si des moyens de ligature modernes (flexibandes, buddy tape) ont été utilisés, il n'y a rien à faire car elles sont photodégradables. Pour protéger le greffon des oiseaux, on recommande parfois de fixer un rameau en arc de cercle au-dessus du greffon afin que les oiseaux se posent dessus et non sur le greffon. Dans les zones venteuses, il est conseillé de placer pendant les premiers mois une atèle rigide entre le porte-greffe et le greffon pour éviter la casse lors de fortes bourrasques. Si des fleurs apparaissent rapidement sur le greffon, coupez-les afin d'éviter de concentrer toute l'énergie de la plante vers un fruit qu'elle n'a pas encore la robustesse de supporter. Dans le même ordre d'idées, pour éviter que les jeunes rameaux cassent sous le poids des fruits lors de la première année de production, mieux vaut ne pas en laisser trop si la fructification est importante. Outils et matérielPour greffer, il faut utiliser un greffoir (couteau très tranchant) désinfecté. Il existe deux types de greffoirs :
On peut aussi utiliser un couteau bien aiguisé à fine lame ou un cutter. Il faut aussi un sécateur. Et pour réaliser la greffe, il y a aussi besoin de bande à greffer ou de raphia, de mastic à greffer (avec une spatule) ou tout simplement de téflon, aujourd'hui très largement utilisé pour le surgreffage de la vigne pour sa facilité d'application. Le mastic permet une meilleure cicatrisation de la plante, ce qui augmente la chance que la greffe se développe rapidement. GreffonLe greffon est, soit un bourgeon avec un lambeau d'écorce (Ecusson, Chip budding), soit une portion de rameau comportant environ deux ou trois bourgeons, prélevé sur un rameau provenant de la variété ou du cultivar que l'on souhaite multiplier. Sélection du greffonUn greffon est toujours prélevé sur une branche jeune (un rameau d'extrémité de l’année) bien vigoureuse et ne présentant aucune trace suspecte de maladie. Mieux vaut prélever le matin car c'est le moment où le greffon sera le plus rempli de sève. Conservation du greffonPour les arbres, le greffon se récolte en hiver (courant janvier) lorsque l'arbre est au repos complet. Ceci n'est pas valable pour la greffe en écusson pour laquelle on prélève le greffon juste avant l'opération. Une fois prélevés, les rameaux sont rapidement mis en bottes, étiquetés puis placés en jauge (enterrés horizontalement dans une tranchée remplie d'un mélange de sable et de tourbe au pied d’un mur au Nord ou au réfrigérateur entouré d'un linge humide (mais pas trempé) dans un sac poubelle noir, jusqu'au moment de la greffe en mars-avril (au moment du débourrement du porte-greffe). Dans le cas d’une conservation au réfrigérateur, on surveille régulièrement que le linge ne se dessèche pas. La température de conservation devra être de 3 à 5 degrés Celsius et l'hygrométrie ambiante d'environ 95 %. Anciennement, il était d'usage de transporter les greffons plantés dans une pomme de terre pour éviter qu'ils ne se dessèchent. Porte-greffePlusieurs critères interviennent dans le choix d'un porte-greffe :
SurgreffageLe surgreffage est une technique consistant à greffer une deuxième fois un végétal. On pratique le surgreffage lorsqu'on souhaite changer la variété, d'un arbre en greffant en couronne ses charpentières, d'un cep de vigne en greffant en chip budding ou en T-budding son tronc, l'intermédiaire se trouvant être dans ce cas l'ancienne variété dont on souhaite se débarrasser. Il arrive aussi que certains cultivars soient incompatibles avec le porte-greffe qu'on souhaite utiliser. Il faut dans ce cas pratiquer un surgreffage avec un porte-greffe intermédiaire compatible, ce qui nécessite un processus de deux à trois ans.
On peut ramener ce processus à deux ans si on plante directement la première année des plants déjà greffés sur table au préalable. Selon une étude de 1995[4], chez les pommiers et poiriers, le surgreffage d'un porte-greffe nain sur un porte-greffe vigoureux diminue la vigueur de celui-ci et ceci est proportionnel à la longueur du « sur-greffon »[5], ce qui prouve que l'effet du porte-greffe n'est pas uniquement lié à son système racinaire mais aussi au phloème et xylème du porte-greffe intermédiaire. Les arboriculteurs doivent donc veiller à avoir des porte-greffes intermédiaires de même longueur s'ils ne veulent pas obtenir des arbres de taille hétérogène. Une étude italo-néerlandaise[6] a prouvé qu'un greffon intermédiaire de M9 d'une longueur de 35 cm greffé sur MM106 donnait un arbre comparable à un autre greffé sur un M9 standard. L'avantage d'un tel montage est de conserver les avantages des deux porte-greffes (résistance au puceron lanigère sur la partie enterrée, meilleur enracinement grâce au MM106 et arbre nain donc plus productif grâce au M9). Le MM106 ne confère pas sa résistance au puceron lanigère au M9 mais la sensibilité se retrouvant uniquement localisée sur la partie aérienne (M9), il est plus facile de la traiter. Le surgreffage d'une variété naine sur une variété plus vigoureuse peut provoquer un drageonnage important. En revanche, chez les Prunus, il semble que seul le système racinaire influe. Exemples
AffranchissementAffranchir un arbre consiste à enterrer sa base, de façon que le point de greffe se retrouve sous terre. Ainsi, la partie greffée enterrée a de bonnes chances d'émettre des racines au-dessus du point de greffe (marcottage). Lorsque ce système racinaire devient suffisant, le porte-greffe dépérit ou cohabite avec l'ancien[7]. L’affranchissement permet donc de cultiver sur ses propres racines une variété qui ne se bouture pas bien. Une culture sur propres racines permet le plus souvent de former des arbres plus vigoureux mais qui fructifieront moins rapidement que sur porte-greffe nains. Il est à noter qu'un arbre affranchi peut également donner des fruits moins gros et moins sucrés qu'un arbre sur porte-greffe[Note 1]. Le point de greffe pouvant constituer une « porte d'entrée » pour les maladies et autres champignons du sol, il arrive qu'une tentative d'affranchissement mène à la mort de l'arbre. Greffes inter-génériquesOn lit souvent qu'on ne peut greffer ensemble que des variétés appartenant au même genre voire à la même espèce botanique. Cela reste en fait très variable selon plusieurs critères. Certaines variétés ne se greffent pas du tout, d'autres uniquement sur des plants de la même espèce ou de la même variété (on parle d'homogreffes), d'autres n'acceptent que des plants du même genre et d'autres encore acceptent d'être greffées sur des plants d'autres genres voire d'autres familles botaniques (hétérogreffes). Les autogreffes sont des greffes réalisées entre tissus provenant de la même plante (à la suite de la casse accidentelle d'un rameau par exemple). Ainsi, dans la traduction de L'économie rurale de l'auteur romain Palladius Rutilius (IVe siècle) par Cabaret Dupaty, on apprend que dès l'Antiquité, les Romains utilisaient des porte-greffes atypiques : par exemple, du pommier ou du châtaignier greffés sur du saule, du cerisier sur du peuplier ou du citronnier sur du poirier. Cependant les traductions sont sujettes à caution car les Romains n'utilisaient pas de classification scientifique des plantes, et l'identification des plantes dans les textes latins n'est jamais évidente. Plus récemment, l'agronome russe Mitchourine a développé plus de 300 nouvelles variétés de fruits grâce à ce type de greffe. Il a développé le concept controversé de « mentor » ou l’un des deux partenaires (porte-greffe ou greffon) est choisi (en fonction de sa nature génétique, de son âge, etc.) de manière à avoir le maximum de chances d'être « éduqué » par l’autre. Certaines combinaisons ne sont pas réversibles : on peut ainsi greffer du poirier sur cognassier, alisier, néflier, cognassier sur aubépine, cerisier sur Prunus mahaleb, lilas sur troène mais pas l'inverse (même si cet échec n'apparaît parfois que dix ans plus tard[8]). En fait, la capacité d'une variété à bien supporter le greffage avec une autre est liée aux différences physiologiques importantes dans l’absorption, l’accumulation et l’utilisation des métabolites. Le porte-greffe doit donc produire un large spectre d'isoperoxydases dans ses tissus. Les variétés de pomme telles que Winter Banana ou Northern Spy, ou Beurré Hardy chez les poires, sont connues pour leur large spectre de compatibilité et sont, pour cette raison, souvent utilisées comme intermédiaire de greffage. Des maladies à virus ou l'âge des deux partenaires peuvent également jouer dans les problèmes d'incompatibilité[9]. Limites et risques liés au greffage
Cette homogénéisation génétique a effectivement peut-être contribué à la rapide diffusion de la graphiose de l'Orme. La conservation de souches et variétés en banque de graines ou banque de gènes ne permet pas de conserver une diversité génétique aussi importante que celle de population naturelles ou de plein champ, ni surtout une évolution adaptative temporellement mieux ajustée à celles des ravageurs et pathogènes de l'espèce[réf. nécessaire].
Une greffe affecte-t-elle le microbiote de la plante greffée ?Les porte-greffe et les plantes greffées sont, de plus en plus, issues de cultures industrielles et proviennent donc d'un nombre limité de parcelles. De plus on sait en effet que des groupes souvent spécifiques de bactéries et champignons s'associent symbiotiquement à une espèce ou à un cultivar pour former leur microbiote, tant au niveau des racines qu'au dessus de la surface du sol sur les tiges, feuilles (phyllosphère[15]), fleurs... contribuant ainsi à la croissance et à la survie, ou à la résilience aux maladies de leurs hôtes[16]. Il semble également que le génotype d'une plantes hôte puisse au moins partiellement « choisir » ou contrôler la composition de son microbiome[16] et il ne fait plus de doute que comme chez l'humain et les autres animaux, pour le végétal, un « bon » microbiote améliore la capacité de sa plante hôte à se nourrir et s'abreuver dans le sol, mais aussi à résister à certaines maladies et aux stress abiotiques[17],[18],[19],[20]. Notes et référencesNotes
Références
Voir aussiArticles connexesBibliographie
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