Élisabeth Henriette Marthe Lorimier naît le 7 août 1775 à Paris[2]. Elle est la fille d'Antoine Jean Lorimier et de Marie Marguerite Gangnat.
Éducation et expositions
Henriette Lorimier est l'élève du peintre d'histoire Jean-Baptiste Regnault et de son épouse Sophie Regnault, et elle expose au Salon ses portraits et tableaux de genre de 1800 à 1806 et de 1810 à 1814.
Le premier de ses tableaux qui fit l'objet de succès fut La Chèvre nourricière qui représente une jeune mère incapable d'allaiter son enfant, regardant tristement une chèvre qui remplit ce devoir à sa place. L'artiste fait figurer son œuvre dans son Autoportrait de 1807 (Dijon, musée Magnin). Les critiques s'exclamèrent que seule une femme pouvait avoir réalisé une telle peinture et confirmèrent que de tels sujets étaient appropriés pour les peintres féminins.
Cet éloge doit être considéré dans son contexte de 1804 et avec le fait que l'achat du tableau en 1805 par Caroline Bonaparte, l'épouse du Prince Murat, lança Henriette Lorimier dans les lumières de Paris au temps de l'Empire. Cet élan culmina avec l'achat, deux ans plus tard en 1807, de sa seconde œuvre majeure par l'impératrice elle-même.
Jeanne de Navarre (1806)
Le tableau[4] dépeint Jeanne de Navarre, fille de Charles II (roi de Navarre), veuve de Jean IVduc de Bretagne mort en 1399, dont elle fut la troisième épouse. Future reine d'Angleterre, elle figure sur ce tableau avec son second fils, Arthur, futur duc de Bretagne. Cette peinture est décrite comme exemplifiant la mère, dans la mesure où la duchesse remplit son devoir d'éducation envers son fils et lui apprend la piété filiale.
Exposé au Salon de 1806[5], ce tableau a connu un immense succès. L'impératrice Joséphine l'a immédiatement acquis pour sa galerie de tableaux du château de Malmaison où il est resté jusqu'à son décès en 1814. Il est maintenant exposé dans le salon de musique de l'impératrice[6].
C'est l'un des premiers exemples du style dit « troubadour ». Ce goût pour l'évocation du Moyen Âge fut mis à la mode par Alexandre Lenoir qui créa en 1795 le musée des Monuments français dans lequel furent exposés selon un parcours chronologique les statues et monuments français soustraits aux destructions révolutionnaires. Des milliers de visiteurs vinrent ainsi contempler les tombeaux des grandes figures du passé rassemblés en un même lieu jusqu'en 1816, date de la fermeture du musée sur ordre de Louis XVIII.
Pour bien des critiques, ce tableau était un exemple du succès qu'une femme pouvait obtenir dans ce genre de peinture. L'auteur d'une revue de salons qui parut dans le Mercure de France[7] félicita Henriette Lorimier pour ne pas s'être écartée des sujets gracieux dans lesquels son sexe avait l'avantage.
De plus, un article publié dans L'Athéneum, une publication de l'époque, insista qu'elle devait se maintenir dans ce domaine de composition : « Nous lui promettons un succès plus grand encore si elle se contente de dépeindre les douces émotions de l'âme, les sentiments tendres et délicats, en bref de représenter les scènes de la vie domestique, et de laisser les sujets historiques aux hommes. »[réf. nécessaire]
Portrait de la marquise de Reinepont dans le château de Saint Privat (1817), collection privée.
Vie privée, milieu intellectuel et artistique
Vers 1808, Henriette Lorimier rencontre l'écrivain et diplomate François Pouqueville qui revenait de ses aventures dans les geôles ottomanes et qui fut lui aussi lauréat des prix décennaux. À cette époque, il vit une grande passion avec lady Eliza Cossin. Il est ensuite envoyé en Grèce comme consul général auprès d'Ali Pacha de Janina. Ce n'est qu'après le mariage de l'Anglaise et le retour en France de François Pouqueville en 1817 qu'ils vécurent ensemble jusqu'à la mort de ce dernier en 1838. Ils ne purent se marier car Pouqueville avait été ordonné prêtre dans sa jeunesse[réf. nécessaire], mais Henriette Lorimier fait réellement partie de la famille Boulard-Pouqueville, dont elle dotera les deux filles Cornélie et Eliza. Le couple est inhumé dans deux tombes voisines au cimetière du Montparnasse.
La première exposition d'Henriette Lorimier au Salon de Paris a lieu en 1800. Elle y participera jusqu'en 1814.
1800 :
Une tête d'après nature (n°255).
1801 :
Portrait en pied d'une jeune artiste (n°234) ;
Portrait demi-nature d'une jeune personne (n°235).
1802 :
Une jeune fille près d'une fenêtre, pleurant le passage d’Atala (n°200), 1801, huile sur toile, 152 × 124 cm, collection particulière française, objet classé au titre des Monuments Historiques[10] ;
Un portrait de femme en pied, demi-grandeur (n°201).
1804 :
Une jeune femme — N'ayant pu continuer d'allaiter son enfant, elle le regarde téter la chèvre qui la supplée, et s'abandonne aux réflexions que sa situation fait naître no 310 ; acheté par Caroline Bonaparte
1806 :
Jeanne de Navarre — Elle conduit son fils Arthur au tombeau qu’elle a fait élever à la mémoire de son époux Jean IV, duc de Bretagne, surnommé le conquérant, mort en 1399, et l'entretient des vertus et des malheurs de son père no 362 ; acheté par l'impératrice Joséphine ; Rueil-Malmaison, château de Malmaison.
↑Archives en ligne de la Ville de Paris, état-civil reconstitué, fiche n° 46/51 [1].
↑Acte de naissance d’Élisabeth Henriette Marthe Lorimier, Archives en ligne de la Ville de Paris, état-civil reconstitué, fiche n° 8/51, cote 5Mi1 50 [2]
↑Le graveur M. Gudin en fit une estampe notable. Charles Joseph Gabet, Dictionnaire des artistes de l'École française du XIXe siècle, Paris, Vergne éditeur, 1831.
↑Contrairement à ce qui est souvent écrit, ce n'est pas François Pouqueville, mais son frère cadet Hugues qui fut intime avec la comtesse de Ségur à une époque plus tardive (1850-1867) (cf. Olga de Pitray, Ma chère maman, 1891).
Magnin, Un Cabinet d'un amateur parisien en 1922. Peintures et dessins de l'école française, sculptures, II, Paris, 1922 (no 474, repr. (Haudebourg-Lescot).
Magnin, Musée Magnin, Peintures et dessins de l'école française, Dijon, 1938 (no 498 (attribué à Haudebourg-Lescot).
François Pupil, Le style troubadour, Nancy, 1985 (p. 501.
Dessins et tableaux de maîtres anciens et modernes, catalogue de l'exposition inaugurale de la galerie Charles et André Bailly, p. 50, 1988.
Alain Pougetoux, « Peinture troubadour, histoire et littérature : autour de deux tableaux des collections de l'Impératrice Joséphine », Revue du Louvre, no 2, 1994, p. 51-60.
Alain Pougetoux, « Un autoportrait d'Henriette Lorimier », Bulletin des musées de Dijon, no 1, 1995, p. 47-51.
I. Julia et J. Lacambre, dans Les années romantiques, [catalogue d'exposition], Nantes, Paris, Plaisance, 1995-1996 (p. 468 (répertoire Haudebourg-Lescot).
L. Starcky, Les Peintures françaises, catalogue sommaire illustré, préface d'Emmanuel Starcky, avec la participation d'Hélène Isnard, Dijon, musée Magnin, Paris, 2000 (no 340,
Margaret Denton, « A Woman's Place: The gendering of genre in post-revolutionary French Painting », History, 21, 1998, p. 219-246.
Charles Gabet, Dictionnaire des artistes de l'école française au XIXe siècle, Paris, Mme Vergne, 1831, p. 457.
Margaret Oppenheimer, Women Artists in Paris: 1791-1814, Ph. D. dissertation, New York, Institute of Fine Arts, 1996.
Les Chefs-d'œuvre du Musée de Grenoble, préface de Jean Robiquet, Paris, Petit Palais, 1935.