Intégrité écologiqueDe manière générale, l'intégrité écologique désigne le degré d'intégrité d'un milieu naturel (un paysage, un écosystème, un cours d'eau ou une zone biogéographique...). Ce territoire est "intègre" s'il n'est pas écologiquement fragmenté, ou si sa connectivité écologique est suffisamment conservée pour que son écopotentialité ou ses fonctionnalités puissent s'exprimer et pour qu'il puisse continuer à fournir ses services écologiques.
Éléments de définition, selon les paysEn Europe francophone, la notion d'intégrité écologique (ou écopaysagère) évoque aussi la non-fragmentation des écosystèmes, par des infrastructures de transports (quasi-infranchissables par la plupart des espèces) ou par des zones "polluées" ou très artificialisées hostiles à la faune, à la flore, aux champignons, etc. ;
Au Canada, l'intégrité écologique est définie par la Commission sur l'intégrité des parcs nationaux du Canada de la manière suivante :
Les écosystèmes sont intègres lorsque leurs composantes indigènes abiotiques et biotiques (plantes, animaux et autres organismes) et leurs processus (comme la croissance et la reproduction) ou le déroulement des cycles biogéologiques et naturels sont intacts (dunes ou berges non fixées, clairières et lisières non fixées, etc.). Cette notion chez les anglosaxons appelle souvent celle d’écosystème en bonne santé, que la Directive européenne cadre sur l'eau (DCE) désigne par bon état écologique des écosystèmes aquatiques et du bassin versant. Écologie du paysageEn écologie du paysage, le principal facteur d'« intégrité » est le fait qu'un espace ne soit pas fragmenté par exemple par des infrastructures de transport ou une pollution du milieu par des insecticides, fongicides ou herbicides ou d'autres facteurs tels que la pollution lumineuse pour l'environnement nocturne. Si les milieux naturels d'un espace sont préservés, sans être fragmenté pour les espèces qui l'occupent ou qui devraient naturellement l'occuper, on dit qu'il y a intégrité écopaysagère, situation généralement associée à un haut degré de naturalité. Dans le domaine de gestion des cours d'eau et de leurs ressources halieutiques, la notion de continuité piscicole désigne « la reconquête des axes de vie des grands migrateurs ». C'est - avec la notion de « réservoirs biologiques » l'un des éléments majeurs de la Trame bleue qui en France renvoie au SDAGE et à son programme de mesures. Ce SDAGE doit lister les axes prioritaires pour la protection des poissons migrateurs amphihalins ou de leurs zones potentielles d’accueil, notamment sous forme cartographique[4]. Double dimension ; spatiale et temporelleL'importance spatiale des continuums écologiques est maintenant admise par la communauté scientifique, mais une nouvelle dimension, celle de la continuité temporelle est depuis peu également explorée. À titre d’exemple, dans le milieu forestier, de nombreuses espèces produisent des propagules (dont spores de bryophytes, lichens, fougères.. en l’occurrence) nombreuses, mais qui semblent finalement nécessiter des conditions de transport, germination et/ou survie qui ne se trouvent que dans des cœurs d’habitat et surtout dans des forêts anciennes ;
L’importance de la continuité temporelle de l’état boisé pourrait être lié à plusieurs facteurs : • la lenteur de la colonisation d’un peuplement jeune (la croissance de certains lichens est elle-même très lente) ; • certains des bryophytes et lichens ici recherchés sont devenus plus rares et plus localisés qu’il y a 130 ans et plus ; ils produiraient donc moins de propagules, qui se dispersent moins, réduisant d’autant les chances de nouvelles colonisations ; • certains équilibres importants ne sont peut-être atteints et conservés que dans les forêts les plus anciennes (humus, thermohygrométrie plus stable, porte-propagules plus grands et plus riches en propagules, nourriture plus abondante (ex : pollen et spores d’épiphytes) favorisant des espèces qui disperseraient mieux les propagules ou faciliteraient leur survie (via leurs excréments, mucus, nécromasse, etc.) dans les forêts anciennes.. espèces vectrices plus nombreuses là où les vieux arbres et bois-morts ou sénescentes sont plus abondants ;
Les lichens (hors espèces ubiquistes et pionnières) semblent très sensibles aux facteurs de continuité spatiale et temporelle, peut-être en raison de la nécessaire double présence du champignon et de l’algue symbiotique pour son apparition. Le lichen est très résistant à la déshydratation, au froid, aux UV, à la chaleur et, l’algue qui le constitue est très vulnérable aux conditions difficiles, plus fréquentes dans les forêts jeunes, également moins résilientes. La croissance des lichens est très lente (il faut jusqu’à un siècle pour quelques centimètres gagnés en diamètre pour certaines espèces). Il se pourrait aussi qu’il faille pour certaines espèces un temps long pour atteindre une maturité permettant un grand nombre de propagules viables. Enfin dans les forêts jeunes, les individus pionniers ont probablement une moindre diversité génétique que dans une forêt ancienne. Il ne suffit par ailleurs pas que l’état boisé soit continu ; l’âge même des arbres a une importance (âge moyen de la forêt et, âges des plus vieux arbres). Ainsi, à titre d’exemple, un hêtre commun de 400 ans, étudié dans un peuplement ancien, abritait onze espèces indicatrices ou de liste rouge, alors que les arbres voisins inventoriés, âgés d’à peine 110 ans n’abritaient qu’une seule espèce de cette liste. Selon cette étude suédoise, les hêtres ne commencent à fournir un bon support aux lichens « patrimoniaux » que 150 à 200 ans après leur naissance[6]. En termes de biologie de la conservation, cette étude est un argument de plus en faveur de la conservation de zones protégées (ici forestières, avec des groupes de très vieux arbres et groupe de vieux arbres, au sein desquelles des taches de régénération doivent néanmoins entretenir les stades pionniers, ce qui se fait dans la nature à l’occasion des chablis, petites épidémies ou feux naturels). Ces données éclairent et renforcent aussi l’importance de la prise en compte de la continuité spatiale, mais aussi temporelle des milieux, dans les cas de réserves naturelles, réintroductions d’espèce, ou de gestion se voulant écologique et donc différentiée d’un espace. Lois et réglementationsDes habitats ou réseaux d'habitats naturels peuvent être légalement protégés dans certains pays : L'Europe tente de mettre en place un réseau écologique paneuropéen, dans le cadre d'une Stratégie paneuropéenne de protection de la diversité biologique et paysagère.
Aux États-Unis un projet similaire de réseau écologique panaméricain se trouve confronté aux intérêts du canal de Panama qui a séparé les deux sous-continents et qui fait l'objet dans les années 2005-2010 d'un projet d'élargissement. L'intégrité paysagère et/ou écologique peut théoriquement et pour partie être restaurée par des mesures de « mitigation » (renaturation), éventuellement dans le cadre de mesures administratives imposées de type mesures compensatoires ou mesures conservatoires qui après Cartographie des corridors biologiques imposent la construction d'écoducs, généralement dans le cadre d'études d'impacts, avec enquêtes publiques.
En France : * Le projet de Loi Grenelle II vise à modifier le Code de l'Urbanisme pour que les Directives territoriales d’aménagement et de développement durables intègrent dorénavant la « préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers, des sites et des paysages, de cohérence des continuités écologiques[8] ». Difficulté cartographiqueLa plupart des pays ont longtemps collecté des données environnementales leur permettant de produire des cartes intéressantes, mais s'arrêtant souvent aux frontières de chaque état. Or les logiciels calculent le degré de fragmentation d'un territoire à partir de données dérivées de cartes, de réseaux de transports et d'occupation du sol, elles-mêmes maintenant souvent dérivées d'images satellitales, de cartes ou de photos aériennes. Ces logiciels produisent des erreurs sur les zones proches de certaines bordures des cartes. Plus précisément ils confondent les frontières des pays (si ces dernières ne sont pas des fleuves ou des littoraux) avec une limite écopaysagère (« effet de bordure »). On remédie à ce problème en intégrant une large bande du ou des pays riverains au calcul, ou par des moyens d'extrapolation et des ajustements du logiciel, mais ceci nécessite de disposer de données comparables ou_ rendues comparables, c'est-à-dire produites aux mêmes époques et avec des méthodologies comparables[9]. Voir aussiArticles connexes
Liens externes
Bibliographie
Notes et références
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