Le Maître de Badia a Isola est « un peintre tellement proche de Duccio et dont l'art offre une telle qualité que certaines œuvres ont été attribuées tantôt à l'un tantôt à l'autre » (G. Ragionieri[1]). Et si Enzo Carli[2] va jusqu'à considérer son œuvre comme celle du jeune Duccio, il est tout au moins « un très fin disciple de la première heure » (G. Chelazzi Dini[3]), catalogué parmi ceux de la « première génération » aux côtés notamment du Maître de Città di Castello et du Maître des Albertini[4].
La définition du corpus de ce maître anonyme tire son origine du doute entourant l'attribution de la Madone Rucellai à Duccio, après des siècles d'attribution à Cimabue. Plusieurs critiques (Perkins, Suida, Berenson, Cecchi e Toesca) réunissent un ensemble d’œuvres cimabuesques de très belle facture et très proches stylistiquement de la Madone Rucellai, sous le nom de convention de Maître de la madone Rucellai (Berenson[6]). Lorsque quelques années plus tard les historiens d'art entérinent l'attribution à Duccio, l’œuvre la plus remarquable de ce corpus devient la Madone de Badia a Isola.
Un des éléments stylistiques essentiels et caractéristiques du Maître de Badia a Isola est le rendu tridimensionnel des volumes - Stubblebine[7] parle de « peintures décidément sculpturales ». Le maître est manifestement sensible à la leçon des fresques de Giotto à Assise, probablement transmise de manière indirecte via Duccio. Ainsi la représentation architectonique du trône (non plus en bois comme chez Cimabue, mais en pierre) est très proche de celle des trônes de la voûte des docteurs à Assise - représentation reprise très précocement par Duccio à la fois dans la grande rosace du dôme de Sienne (1287-88) et dans la petite Maestà de Berne.
Duccio, Madone Rucellai
Giotto, Voute des docteurs, Assise
Duccio, rosace du Duomo de Sienne
Duccio, Maestà de Berne
Duccio, Madone Stoclet, MET
On distingue deux périodes dans sa production selon la couleur du maphorion de la Vierge : rouge dans la tradition séculaire byzantine - caractérisant ses œuvres les plus anciennes (Madone no 593, Maestà éponyme, polyptyque Ramboux); blanc selon la proposition nouvelle de Duccio (cf. Madone Stoclet) : Madone d'Indianapolis, œuvres de Montepulciano...
Gertrude Coor-Achenbach[8],[9] estimant que la douceur du style du Maître de Badia a Isola se retrouvait dans les œuvres plus tardives du peintre ducciesque Ugolino di Nerio, fils de Nerio da Siena, lui-même peintre, a donc proposé d'identifier notre maître anonyme à ce dernier.
Vierge à l'Enfant et deux anges, Montepulciano, Musée communal
Vierge à l'Enfant et saint François, Montepulciano, San Biagio
autres œuvres proposées
Maestà Kress, tempera su tavola, 230 × 142 cm, Washington (DC), National Gallery of Art, inv. 1961.9.77 - Kress 2063, provenant de l'église des SS. Quirico e Giulitta de San Quirico d'Orcia (auj. attribuée au Maître de San Quirico d’Orcia)
Madone de Buonconvento, tempera et or sur bois, 67 × 48 cm, Buonconvento, Museo d'arte sacra di Val d'Arbia (auj. attribuée à Duccio)
Crucifixion avec la Vierge et saint Jean l'évangeliste, Massa Marittima, cathédrale
Vierge à l'Enfant, Montecchio, église de la Compagnia della Grotta
Vierge à l'Enfant, de l'église de S. Rocco a Pilli (Province de Sienne).
Vierge à l'Enfant, tempera sur bois, 65 × 50 cm, Sienne, Pinacoteca Nazionale, no 583 [BRANDI 1933]
Vierge à l'Enfant et deux anges / Madone Hurd (c. 1310-20), 66,7 × 43,8 cm (cf. vente Sotheby , lot 80) (œuvre longtemps attribuée à Segna di Bonaventura)
Maestà Kress, Washington, NGA
Madone de Buonconvento
Crucifix, Grosseto, San Francesco
Bibliographie
[VAN MARLE 1924] (en) Raimond Van Marle, The Development of the Italian School of Painting (t.II), Den Haag, , p. 77-79
[BERENSON 1932] (en) Bernard Berenson, Italian Pictures of the Renaissance, Oxford, p.439
[BRANDI 1933] (it) Cesare Brandi, La Regia Pinacoteca di Siena, , p. 164-168
[CARLI 1952] (it) Enzo Carli, Duccio, Milano-firenze, , p. 4-9
[COOR-ACHENBACH 1952] (en) G. Coor-Achenbach, « A Dispersed Polyptych by the Badia a Isola Master », The Art Bulletin, t. XXXIV, , p. 311-316
[COOR-ACHENBACH 1955] (en) G. Coor-Achenbach, « Contributions to the Study of Ugolino di Nerio's Art », The Art Bulletin, t. XXXVII, , p. 153-165
[COOR-ACHENBACH 1956] (en) G. Coor-Achenbach, « The Missing Panel from a Dispersed Polyptych by the Badia a Isola Master », The Art Bulletin, t. XXXVIII, , p. 119
[BOLOGNA 1960] (en) F. Bologna, « Ciò che resta di un capolavoro giovanile di Duccio », Paragone, t. 11,
[COOR-ACHENBACH 1960] (en) G. Coor-Achenbach, « The Early Nineteenth-century Aspect of a Dispersal Polyptych by the Badia a Isola Master », The Art Bulletin, t. XLII, , p. 143
[PADOVANI 1979] (it) Serena Padovani, « Scheda », dans AA. VV., Mostra di opere d'arte restaurate nelle province di Siena e Grosseto, cat. (Siena 1979), Genève, , p. 31
[STUBBLEBINE 1979] (en) J.H. Stubblebine, Duccio di Buoninsegna and his school, Princeton (N.J.), , p. 75-85
[BELLOSI 1985] L. Bellosi, La pecora di Giotto, Turin, Einaudi, , p. 198
[BAGNOLI 1987] (it) Alessandro Bagnoli, « Ma non è Duccio. La Maestà di Badia a Isola (Siena) », Art dossier, vol. X, , p. 12-13
trad. fr : [RAGIONERI 1989 FR] Giovanna Ragioneri (trad. de l'italien par Marianne Lonjon), Duccio : Catalogue complet des peintures, Paris, Bordas, , 159 p. (ISBN2-04-019954-3)
[BRANDI 1991] (it) Cesare Brandi, Pittura a Siena nel Trecento, Florence,
[WEIDMAN 1993] (de) Dieter Weidmann, Zur Genese der Trecentomalerei in der Generation zwischen Cimabue und Giotto. : Das Werk der Maler Salerno di Coppo, Lippo di Benivieni und Guido da Siena und das Assisiproblem, Munich, Tuduv-Verlags-Gesellschaft mbh, , 150 p. (ISBN3-88073-488-7)
[ANTETOMASO1997] (it) E. Antetomaso, « Maestro di Badia a Isola », dans Enciclopedia dell' Arte Medievale, (lire en ligne)
[CHELAZZI DINI 1997] Giuletta Chelazzi Dini (trad. Maïa Rosenberger), « La peinture siennoise de 1250 à 1450 », dans Alessandro Angelini, Giuletta Chelazzi Dini, Bernardina Sani, Les Peintres de Sienne, Paris, Imprimerie Nationale Editions, (ISBN2-7433-0237-2), p. 9-261
[BAGNOLI 2003.1] (it) Alessandro Bagnoli, « I Pittori Ducceschi », dans A. Bagnoli, R. Bartalini, L. Bellosi, M. Laclotte, Duccio, Alle origini della pittura senese, Milano, Silvana Editoriale, (ISBN88-8215-483-1), p. 266-277
[BAGNOLI 2003.2] (it) Alessandro Bagnoli, « Cat.39 - Madonna col Bambino e Angeli [di Colle di Val d'Elsa] », dans A. Bagnoli, R. Bartalini, L. Bellosi, M. Laclotte, Duccio, Alle origini della pittura senese, Milano, Silvana Editoriale, (ISBN88-8215-483-1), p. 282-285
[BAGNOLI 2003.3] (it) Alessandro Bagnoli, « Madonna San Biagio », dans L. Martini (A cura di), Memorie d'arte antica. restauri a Montepulciano, catalogo della mostra, Montepulciano, , p. 11-13
[MASIGNANI 2003] (it) Silvio Masignani, « Maestro di Badia A Isola », dans A. Bagnoli, R. Bartalini, L. Bellosi, M. Laclotte, Duccio, Alle origini della pittura senese, Milano, Silvana Editoriale, (ISBN88-8215-483-1), p. 281