Marie-Monique RobinMarie-Monique Robin Marie-Monique Robin en 2009 à la Fête de la Fraternité à Montpellier.
Marie-Monique Robin est une journaliste d'investigation, réalisatrice et écrivaine française, née le à Gourgé (Deux-Sèvres). Elle reçoit le prix Albert-Londres en 1995 et le prix norvégien Rachel Carson[1] en 2009. Le , elle est décorée de la Légion d'honneur à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), remise par la sociologue Dominique Méda[2]. ParcoursMarie-Monique Robin naît et grandit à Gourgé dans les Deux-Sèvres où ses parents sont agriculteurs[3]. Elle étudie les sciences politiques à l’université de la Sarre, en Allemagne, et est diplômée du centre universitaire d'enseignement du journalisme de l'université de Strasbourg. Elle commence sa carrière avec France 3 Région puis travaille pour l’agence CAPA de 1989 à 1999 avant de devenir journaliste indépendante. Depuis 1989, elle réalise une quarantaine de films d’investigation et obtenu une trentaine de prix dont le prix Buffon du festival international du film scientifique, plusieurs prix au festival international du scoop d’Angers[4] ou au Festival international du grand reportage d'actualité et du documentaire de société[5]. Ses films, qui sont souvent le fruit d’une longue enquête de terrain, offrent un regard critique sur la situation des droits de l’homme dans différentes régions du monde notamment en Amérique latine où elle s’est rendue plus de 80 fois[6]. Elle enquête ainsi sur l’utilisation de la coca par les indigènes en Colombie (Mama Coca, 1990), sur la prévention du sida à Cuba (Sida et Révolution, 1989) ou encore sur l’implication de l’armée française dans l’opération Condor (Escadrons de la mort, l'école française, 2003). On lui doit aussi plusieurs documentaires réalisés en France notamment La Révolte des femmes battues (2000), L'École du soupçon (2005) qui montre les dérives de la lutte contre la pédophilie. En 2002, elle réalise un film sur la recherche scientifique concernant les phénomènes paranormaux (Le Sixième Sens : science et paranormal) où elle filme en particulier la voyante Maud Kristen[7]. Depuis 2004, elle s’intéresse plus particulièrement aux menaces qui pèsent sur la biodiversité et à l’appropriation du vivant par les géants de la biotechnologie (Les Pirates du vivant et Blé : chronique d’une mort annoncée, 2005), et aux conséquences sanitaires de l'emploi de produits controversés, dans l'industrie agro-alimentaire (Notre Poison quotidien, 2010) et dans l'agriculture, notamment ceux à base de glyphosate (Le Monde selon Monsanto, Le Roundup face à ses juges, 2008 et 2017). Mais elle enquête aussi sur des expériences de villes en transition (Qu'est-ce qu'on attend ?, 2016) Son dernier documentaire, Nouvelle cordée, 2019, porte sur l'expérience positive des Territoires zéro chômeur de longue durée. En 2021, elle fait paraître un livre qui cherche à dégager les leçons de la pandémie de Covid-19. Écrit à partir d'entretiens inédits avec plus de soixante chercheurs du monde entier, l'ouvrage considère que la pandémie prouve que la destruction des écosystèmes (par la déforestation, l’urbanisation, l’agriculture industrielle) et la globalisation menacent directement la santé planétaire[8]. Cette enquête donne lieu à un documentaire qu'elle présente en avant-première en mai 2022[9]. Résidente de Pierrefitte-sur-Seine[10], Marie-Monique Robin est également l’autrice de plusieurs essais dont certains ont connu un réel succès public (Les 100 photos du siècle, vendu à plus de 600 000 exemplaires). C'est une des particularités de son travail d'investigation : chacun de ses livres raconte en détail l’enquête menée à l’occasion d’un de ses films et approfondit son propos par un complément documenté. EngagementEn 2013, elle a soutenu la création du parti politique Nouvelle Donne[11]. En 2018, elle a soutenu en devenant marraine le collectif pour le Triangle de Gonesse qui lutte contre le projet EuropaCity, méga-centre commercial prévu dans le Val-d’Oise[12]. En , elle rejoint le parlement de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale[13]. Filmographie
Publications
Détails sur certaines œuvresVoleurs d'yeux, 1993Voleurs d'yeux est un documentaire réalisé en 1993 et traitant de la question du trafic d'organes. Pour son film, la journaliste enquête en Argentine, au Mexique, en Colombie, aux États-Unis et en Europe et met en relation la pénurie d'organes notamment en Europe et les cas avérés de trafic d'organes en Amérique latine[17]. Acclamé et primé dans un premier temps, le film a été par la suite l'objet d'une polémique centrée sur un des témoins du reportage, un enfant retrouvé sans yeux. La véracité du vol des yeux de cet enfant est en effet contestée par des ophtalmologistes qui affirment qu'il a été victime d'une infection. Le prix Albert-Londres (en plus de cinq autres prix) a été décerné à Marie-Monique Robin pour ce documentaire. Suspendu au moment de la polémique, il a été confirmé, le jury n'ayant relevé « aucune intention frauduleuse »[18],[19]. Les 100 photos du siècle, 1998Entre 1998 et 2000, Marie-Monique Robin réalise 100 courts métrages de 6 minutes et rédige une série d’articles sur 100 photographies ayant marqué l’histoire du photojournalisme au XXe siècle. Le principe de la série est de retrouver et d’interviewer pour chaque photographie sélectionnée, son auteur et les protagonistes ou les plus proches témoins vivants de la scène immortalisée. Marie-Monique Robin rencontre ainsi Conrad Schumann, le Vopo berlinois de la célèbre photographie de Peter Leibing, Jan Rose Kasmir, la jeune pacifiste à la fleur saisie par Marc Riboud, ou encore Kim Phuc, l’enfant brûlée au napalm pendant la guerre du Viêt Nam. Il faut parfois plusieurs mois et une enquête minutieuse pour que l’équipe de CAPA avec la complicité des photographes ou de leurs éventuels ayants droit retrouve certains des protagonistes de ces scènes que la photographie a fait entrer dans la mémoire collective. La série sera d’abord diffusée sur Arte et dans les pages du Figaro Magazine puis sur une trentaine de chaînes étrangères. Elle donnera lieu à un livre du même nom[20]. Le Sixième Sens, 2002Le Sixième Sens, science et paranormal propose un panorama des phénomènes dits paranormaux (transmission de pensée, rêves prémonitoires, lévitation, etc.) à travers le récit d’histoires, de témoignages, de croyances ancestrales, d’expériences menées notamment à l’université d'Édimbourg et dans des centres universitaires américains comme à Princeton. À la sortie du film, le magazine Le Monde télévisions écrivait : « Boudés par les scientifiques, surtout en France, les phénomènes paranormaux intéressent de nombreux parapsychologues, professeurs et neurologues à travers le monde. Tous cherchent à comprendre, à l'aide d'expériences souvent troublantes, ce qui se passe dans le cerveau lorsqu'une personne entre dans ce qu'ils appellent un « état modifié de conscience » […] sans chercher à convaincre à tout prix, cette enquête s'attache surtout à l'étude des phénomènes observés quotidiennement par ces drôles de chercheurs […] mais cette enquête manque d'un regard critique permettant de comprendre pourquoi, en France, voyance rime toujours avec croyance »[21]. Escadrons de la mort, l'école française, 2003Le livre et le film documentaire sont fondés sur une enquête montrant les liens unissant les services secrets français à leurs homologues argentins et chiliens (DINA). Robin montre que les méthodes contre-insurrectionnelles utilisées durant la guerre d'Algérie (1954-1962), notamment l'usage généralisé de la torture, avaient été enseignées par des Français aux forces de sécurité argentines, qui les utilisèrent lors de la guerre sale de 1976 à 1982 et au cours de l'Opération Condor. Ce film obtient le Prix du meilleur documentaire politique décerné par le Sénat français. Par ailleurs, Escadrons de la mort, l'école française a contribué à l'arrestation d'anciens généraux de la dictature argentine. En effet, la réalisatrice parvient à rencontrer certains d'entre eux et à obtenir d'importants aveux concernant notamment la pratique de la torture et l’élimination systématisée des opposants politiques. Ces vidéos constitueront des preuves lors de leur jugement en Argentine[22]. Le Monde selon Monsanto, 2008Le film Le Monde selon Monsanto raconte l’histoire de la firme de Saint-Louis. Implantée dans quarante-six pays, Monsanto est devenue le leader mondial des organismes génétiquement modifiés (OGM) (plus de 90 % de part de marché), l’entreprise produisant aussi des PCB (pyralène), des herbicides (comme l'agent orange pendant la guerre du Viêt Nam) ou les hormones de croissance bovine et laitière qui seront interdites en Europe. Le documentaire explique que depuis sa création en 1901, la firme a accumulé les procès pour empoisonnement ou pollution, tout en se présentant aujourd’hui comme une entreprise des « sciences de la vie », convertie aux vertus du développement durable. Dans son enquête, la journaliste soutient que « pour imposer ses OGM au monde, Monsanto a d’abord infiltré les sphères scientifiques et réglementaires »[23]. Traduit dans 15 langues, le film et le livre connaissent un succès international. En France, le documentaire sort au moment où le débat autour des OGM divise une partie de la classe politique et suscite l'hostilité d'une majorité de la population[24],[25]. Torture made in USA, 2008-2009Torture made in USA montre comment « la torture est devenue un instrument de la politique américaine dans sa lutte contre le terrorisme, tout en posant la question de la responsabilité des hauts responsables de l’administration Bush et de leur poursuite pour « crimes de guerre »[26]. Les nombreux témoignages recueillis dans le film tendent à prouver que les sévices subis par les prisonniers irakiens dans la prison d'Abou Ghraib n’étaient donc pas dus à quelques « brebis galeuses » - selon la version officielle - mais à une politique consciente et légitimée par l’administration Bush et ce en dépit même du droit américain et des conventions de Genève. Ces témoins sont entre autres le général Sanchez, ancien chef des forces de la coalition en Irak, Michael Scheuer, concepteur du programme des détentions secrètes de la CIA ou encore Janis Karpinski, commandant des prisons en Irak en 2003 et 2004. Le film explique par ailleurs que ce programme a néanmoins généré des doutes et des résistances au sein du département d’État et des services de Colin Powell. Ce film a été diffusé sur Arte en 2011. Il est soutenu par Amnesty International, Human Rights Watch et l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture. Notre poison quotidien, 2011Le film et le livre abordent la question de la mise en circulation des molécules créées par l’homme lors des dernières décennies. Il met en relation certains problèmes de santé contemporains (recrudescence du cancer, maladie d’Alzheimer etc.) avec la présence de ces nouvelles molécules dans notre corps. L’auteur étudie tout particulièrement le système d’évaluation et d’homologation qui autorise la présence dans les aliments de produits comme les pesticides, l’aspartame et le Bisphénol A. Marie-Monique Robin affirme que « Les débats d’experts, sur les produits utilisables et les doses admissibles, sont totalement fermés au public. Sans parler des cas où ils s’appuient sur des tests bidonnés par les industriels, les modèles scientifiques qu’ils appliquent sont dépassés. En effet, ils continuent à évaluer les produits chimiques séparément, ignorant l’« effet cocktail », alors même que l’on sait qu’un quart de nos aliments contiennent les résidus d’au moins deux pesticides. Et leurs avis partent du postulat de Paracelse, formulé au XVIe siècle, selon lequel « c’est la dose qui fait le poison » »[27]. Sacrée croissance !, 2014Dans ce documentaire, Marie-Monique Robin part à la rencontre des initiatives et des « lanceurs d'avenir »[28] présentés comme des alternatives possibles au dogme de la croissance économique, responsable de toutes les crises de notre société. L'enquête est mondiale : de Toronto avec le projet Fresh City Farm, au Bhoutan avec le concept de bonheur national brut, en passant par le Brésil avec la monnaie locale de la Banque Palmas. La journaliste a également interrogé des experts comme Rob Hopkins, des économistes et des sociologues comme Dominique Méda. Dans ce film, Marie-Monique Robin questionne ainsi l'économie et la question du bien vivre à travers les thèmes de l'agriculture urbaine, des monnaies locales, de la transition énergétique ou encore des villes en transition[29]. Dans le livre (préfacé par Matthieu Ricard [lire en ligne]), la journaliste imagine le monde tel qu'il pourrait être en 2034 si les initiatives présentées dans le film étaient réalisées à l'échelle mondiale[30]. Qu'est-ce qu'on attend ?, 2016À la suite du film Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent, l'enquête de Marie-Monique Robin porte sur l'expérience d'Ungersheim, une petite commune d’Alsace (2 200 habitants) en transition (municipale, énergétique, alimentaire). La transition passe par exemple par la création d'une centaine d'emplois en dix ans, et une remarquable participation bénévole[31]. Selon Rob Hopkins, l'initiateur des villes en transition, la championne internationale des villes en transition est cette petite commune française[32]. Le film s'attache à faire parler les acteurs de ce changement, dont le maire Jean-Claude Mensch[33]. Ils livrent leurs motivations et leurs espoirs, leurs tâtonnements - parfois leur scepticisme - face aux changements qu'implique cette transition[34]. Le Roundup face à ses juges, 2017C'est un film documentaire français de 90 minutes sorti le 29 novembre 2017 et un livre traitant des dangers sanitaires du pesticide de la marque Roundup vendu par la société Monsanto. Le film[35] se présente sous la forme d'une simulation de procès qui s'est tenue sous le nom « procès Monsanto » à La Haye du 14 au 16 octobre 2016[36]. La firme Monsanto a refusé d’y participer[37]. D'après la réalisatrice, l'occasion du film a permis aux victimes de se fédérer contre l’ennemi commun : « Ce tribunal leur a non seulement offert une tribune devant de vrais juges, mais aussi un accompagnement juridique pour étayer et structurer leurs dossiers afin qu’elles puissent, éventuellement, porter plainte ».[5] Viennent y témoigner victimes et spécialistes, qui réclament la poursuite au pénal des multinationales dont les activités menacent la santé des hommes. Quatre témoins originaires de quatre pays différents racontent le procès. Le film montre ainsi la mobilisation de la société civile mondiale pour faire reconnaître l'écocide[38],[39]. Notes et références
Voir aussiLiens externes
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