La Palme d'or est la principale récompense décernée par le jury du festival de Cannes, qui a lieu chaque année en mai depuis 1946. Elle est accordée au meilleur film de la sélection officielle. Cette appellation date de 1955, succédant à celle de Grand Prix du Festival international du film.
En 1954, à l'initiative de Robert Favre Le Bret, les organisateurs chargent plusieurs joaillers de concevoir une distinction reprenant, comme symbole de victoire, le motif de la feuille de palmier des armes ancestrales de la vieille cité cannoise[4], elles-mêmes issues du blason abbatial et de la légende de saint Honorat. À l'approche de l'an Mil, le village de Cannes fut cédé à l'abbaye de Lérins dont la palme était l'emblème en référence au palmier sur lequel grimpa le saint pour que la mer puisse nettoyer l'île des serpents qui l'infestaient. Elle rappelle aussi la palme bénie que rapportaient les Cannois en revenant du pèlerinage annuel aux îles de Lérins[5],[6].
Le projet retenu est celui de Lucienne Lazon. Sa feuille de palmier repose sur un socle en terre cuite réalisé par le sculpteur Sébastien. Une fois élaborée, la récompense prend le nom de « Palme d'or » en 1955 et revient, pour la première fois, à l'Américain Delbert Mann pour le film Marty[4].
Le nouveau prix ne fait pas l'unanimité : il est décerné jusqu'en 1963 et le conseil d'administration revient au « Grand Prix du festival » avec la formule diplôme-œuvre d'art[4]. En 1975, la Palme d'or est définitivement réhabilitée mais son appellation n'est officialisée que cinq ans plus tard[4]. Elle devient le logo du festival au cours des années 1980[4]. Sa configuration évolue avec le temps : elle passe notamment d'un socle arrondi à un socle pyramidal en 1984[3].
Elle est ensuite modernisée en 1992 par Thierry de Bourqueney puis en 1997 par Caroline Gruosi-Scheufele, présidente de la joaillerie suisse Chopard qui depuis cette date, a l'exclusivité de sa réalisation ainsi que celle des deux palmettes, remises en prix d'interprétation à deux comédiens[4]. Les autres prix de la compétition officielle sont décernés sous forme de diplômes (papier parchemin enroulé autour d'un ruban rouge). La palme pèse 118 grammes d'or jaune et mesure 13,5 centimètres de long pour 9 centimètres de large. Son coût est estimé à un peu plus de 20 000 euros[7]. Elle est travaillée à partir d'un lingot d'or de 18 carats (75 % d'or et 25 % d'alliage de cuivre et d'argent), coulé à 760 °C dans un moule en plâtre où a été préalablement placée une copie en cire qui fond sous l'effet de la chaleur mais laisse son empreinte[8],[9]. La palme est ensuite limée, ciselée et polie puis fixée avec sa tige légèrement courbée et ses 19 folioles sculptées sur un coussin en cristal d'un kilogramme, taillé en diamant. Pour 2022, le cristal est remplacé par un quartz rose[10]. Le trophée est alors placé dans un écrin en maroquin bleu[4]. Plus de 40 heures de travail sont nécessaires à sa réalisation[9]. La palme est fournie gracieusement par le joaillier qui la garde dans ses coffres jusqu'au dernier moment. Une copie à l'identique est toujours conservée en cas d'accident matériel ou d'attribution ex æquo. Le nom de son récipiendaire est annoncé en dernier lors de la proclamation du palmarès[3]. En 2014, Chopard abandonne l'or recyclé habituel et se lance dans la fabrication de la première palme équitable, certifiée Fairmined, en collaborant avec deux coopératives du désert d'Atacama, au Chili, qui exportent l'or vers la Suisse pour la confection de la récompense[9],[11],[12]. En 2017 et en 2022, pour les éditions anniversaires du festival, la palme est incrustée de diamants[13],[10].
Prestige critique et commercial
Considérée comme l'une des distinctions cinématographiques les plus importantes, son attribution comprend des enjeux artistiques, financiers et médiatiques majeurs : gage de qualité pour le public français et international, elle permet à son lauréat d'obtenir une renommée mondiale, de trouver facilement un distributeur et de multiplier par dix, voire par cent le nombre de spectateurs en salles[14] même si ce boom de fréquentation est moins évident dans les années 2000[15].
Bien que le festival ne consacre sa compétition qu'aux films de cinéma, certaines palmes étaient initialement destinées à être diffusées à la télévision, en téléfilm ou mini-série. Quelques fois, cette diffusion eut lieu avant la sélection cannoise, car le festival autorise (hors films français) les sorties locales. C'est le cas de Padre Padrone[21], Les Meilleures Intentions[22],[23] ou Elephant[24].
En , le festival Cannes 1939, organisé à Orléans, est allé plus loin, projetant tous les films prévus pour cette première édition annulée et décernant un palmarès. Toutefois, la Palme d'or y a été remplacée par un « Grand prix Jean-Zay Cannes 1939 », décerné cette fois à Monsieur Smith au Sénat, de Frank Capra, également primé pour l’interprétation masculine de James Stewart et par un Prix du jury lycéen[31],[32].
Parité
Graphique de comparaison des réalisateurs en compétition officielle au Festival de Cannes (1999-2019)[33].
Pour la vingtaine de films en lice chaque année, il n'y a jamais eu plus de cinq réalisatrices, 2022 étant un record absolu avec vingt-un hommes et cinq femmes concourant pour la Palme d'or[34].
Critiques
Les critiques peuvent être consécutives au choix du jury, qui ne récompense pas forcément le favori des festivaliers et de la presse[36],[37]. Il est reproché que la Palme d'or consacre certains réalisateurs pour des films considérés comme faibles ou mineurs dans leurs filmographies[38],[39],[40],[41],[42],[43].
La Palme d’or a par moments été accompagnée d’autres prix décernés par le jury officiel.
Au début des années 2000, il est décidé que, comme pour l'œuvre récompensée du Grand Prix ou du Prix de la mise en scène, le film lauréat de la Palme d'or ne peut plus obtenir d’autres récompenses. L'attribution d'un prix ex æquo à deux films n'est plus applicable à la palme. Cette dernière ne peut donc revenir désormais qu'à un seul long métrage. Cette limite ne vaut que pour la sélection officielle, les prix décernés par d’autres institutions ou d'autres jurys (comme le Prix FIPRESCI ou le Prix du jury œcuménique) ne sont pas concernés.
La Palme d'or peut quelquefois être un gros succès au box-office. Certains films d'auteurs arrivent à dépasser le million de spectateurs, objectif rarement atteint sans la médiatisation engendrée par le Festival de Cannes.
↑« Cannes 2004 : Palmarès », sur Écran Noir : « Une Palme éphémère. Car quid de cette Palme quand son sujet sera oublié, obsolète ? Une Palme politique. Plutôt que cinématographique. […] De nombreux oublis, une Palme "Miramax " (Tarantino produit par Miramax, Moore produit par Miramax), et finalement un palmarès qui avoue : il n'y avait pas de films palmables cette année. Tarantino est un bon bluffeur : il a su donner le prix au film qui serait le plus couvert par les médias. Mais le cinéma dans tout ça? ».
↑Olivier Delcroix, « Palme d'or 2014 : Nicolas Winding Refn a-t-il barré la route à Xavier Dolan ? », Le Figaro, (lire en ligne, consulté le ).
↑L'acteur fit pression avec un passage en force sans consulter ses collègues pour distinguer All that Jazz quand le jury avait voté pour récompenser Kagemusha (« Cannes : Kirk Douglas, un président de jury de caractère », sur La Presse, ).
↑G. Jacob, La vie passera comme un rêve, chapitre 54 « Till l'espiègle (un cas d'école) », page 292.