Paradis (Divine Comédie)Paradis
Le Paradis est la troisième partie (cantica) de la Divine Comédie de Dante Alighieri. Les parties précédentes sont l'Enfer et le Purgatoire[1]. Il s'agit d'une allégorie racontant le voyage de Dante dans le Paradis, guidé par Béatrice, qui symbolise la théologie. Dans le poème, le Paradis est décrit comme une série de sphères concentriques entourant la Terre, comprenant la Lune, Mercure, Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter, Saturne, les étoiles fixes, le Primum Mobile et enfin, l'Empyrée. Il a été écrit au début du XIVe siècle. De manière allégorique, le poème représente l'ascension de l'âme vers Dieu. IntroductionLe Paradis reprend la vision médiévale de l'Univers, avec la Terre entourée de sphères concentriques contenant des planètes et des étoiles. Le Paradis commence au sommet du Mont Purgatoire, appelé le Paradis terrestre (c'est-à-dire le jardin d'Eden), à midi le mercredi 30 mars (ou 13 avril) 1300, après le dimanche de Pâques. Le voyage de Dante à travers le Paradis dure environ vingt-quatre heures, ce qui indique que le voyage entier de la Divine Comédie a duré une semaine, du jeudi soir (Enfer I et II) au jeudi soir. Après s'être élevée à travers la sphère de feu censée exister dans la haute atmosphère terrestre (Canto I), Béatrice guide Dante à travers les neuf sphères célestes du Ciel, jusqu'à l'Empyrée, qui est la demeure de Dieu. Les neuf sphères sont concentriques, comme dans le modèle géocentrique standard de la cosmologie médiévale, dérivé de Ptolémée[2]. L'Empyrée est non-matérielle. Comme pour son Purgatoire, la structure du Ciel de Dante est donc de la forme 9+1=10, l'une des dix régions étant de nature différente des neuf autres. Au cours de son voyage, Dante rencontre et converse avec plusieurs âmes bienheureuses. Il prend soin de préciser que toutes ces âmes vivent en fait dans la félicité avec Dieu dans l'Empyrée : « Mais toutes ces âmes honorent l'Empyrée et chacune d'entre elles a une vie douce bien que certaines sentent plus l'Esprit éternel, d'autres moins. »[3]. Alors que les structures de l'Enfer et du Purgatoire sont basées sur différentes classifications du péché, la structure du Paradis est basée sur les quatre vertus cardinales (Prudence, Justice, Tempérance et Force) et les trois vertus théologales (Foi, Espérance et Charité). Les Sphères du CielEn visitant la Lune, Béatrice explique à Dante les raisons de ses marques, (Chant 2). Les neuf sphères du ciel de Dante sont la Lune, Mercure, Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter, Saturne, les étoiles fixes et le Primum Mobile. Elles sont associées par Dante aux neuf niveaux de la hiérarchie angélique. Dante s'appuie également sur des associations traditionnelles, comme celle entre Vénus et l'amour romantique. Les trois premières sphères (qui tombent dans l'ombre de la Terre) sont associées à des formes déficientes de force, de justice et de tempérance. Les quatre suivantes sont associées à des exemples positifs de Prudence, de Fortitude, de Justice et de Tempérance, tandis que la Foi, l'Espoir et l'Amour apparaissent ensemble dans la huitième sphère. Première Sphère (La Lune : L'Inconstant)Lors d'une visite sur la Lune, Béatrice explique à Dante les raisons des marques sur sa surface, en décrivant une expérience scientifique simple en optique. Elle fait également l'éloge de la méthode expérimentale en général (Chant II) :
La croissance et la décroissance de la lune sont associées à l'inconstance[5]. Par conséquent, la sphère de la lune est celle des âmes qui ont abandonné leurs vœux, et qui sont donc déficientes dans la vertu de force d'âme (Chant II). Dante et Béatrice y rencontrent Piccarda, sœur de Forese Donati, ami de Dante, qui est morte peu après avoir été retirée de force de son couvent. Ils rencontrent également Constance de Sicile, qui selon Dante a été retirée de force d'un couvent pour épouser Henri VI (chant III)[6]. Béatrice fait un discours sur la liberté de la volonté, le caractère sacré des vœux et l'importance de ne pas collaborer avec la force (chant IV) :
Béatrice explique qu'un vœu est un « pacte conclu entre un homme / et Dieu »[8], dans lequel une personne offre librement son libre arbitre comme un don à Dieu. Les vœux ne doivent donc pas être pris à la légère, et doivent être respectés une fois prononcés, à moins que le respect du vœu ne soit un plus grand mal, comme dans le cas du sacrifice de leurs filles par Jephté et Agamemnon (chant V)[9]. Deuxième sphère (Mercure : l'ambitieuse)En raison de sa proximité avec le soleil, la planète Mercure est souvent difficile à voir. De manière allégorique, cette planète représente ceux qui ont fait le bien par désir de gloire, mais qui, étant ambitieux, ont manqué de vertu de justice. Leur gloire terrestre est insignifiante à côté de la gloire de Dieu, tout comme Mercure est insignifiant à côté du soleil[9]. Dante rencontre ici l'empereur Justinien, qui se présente avec les mots « César j'étais et je suis Justinien »[10], indiquant que sa personnalité demeure, mais que son statut terrestre n'existe plus au Ciel [11] (chant VI). Justinien raconte l'histoire de l'Empire romain, en mentionnant, entre autres, Jules César et Cléopâtre et déplore l'état de l'Italie de l'époque, étant donné le conflit entre Guelfes et Gibelins et l'implication des « lys jaunes » de France [11] (chant VI) :
Par association, Béatrice discute de l'Incarnation et de la Crucifixion du Christ, qui ont eu lieu à l'époque romaine (chant VII). Troisième sphère (Vénus : les amants)La planète Vénus (l'étoile du matin et du soir) est traditionnellement associée à la déesse de l'amour, et c'est pourquoi Dante en fait la planète des amoureux, qui étaient déficients dans la vertu de la Tempérance (Chant VIII) :
Dante rencontre Charles Martel d'Anjou, qu'il connaissait[14], et qui lui fait remarquer qu'une société qui fonctionne bien a besoin de personnes de différentes sortes. De telles différences sont illustrées par Cunizza da Romano (amante de Sordel), qui est ici au Paradis, tandis que son frère Ezzelino III da Romano est en Enfer, parmi les violents du septième cercle[15]. Le troubadour Folquet de Marseille parle des tentations de l'amour, et fait remarquer que (comme on le croyait à l'époque) le cône de l'ombre de la Terre touche juste la sphère de Vénus. Il condamne la ville de Florence (plantée, dit-il, par Satan) pour avoir produit cette « fleur maudite » (le florin) qui est responsable de la corruption de l'Église, et il reproche au clergé de se concentrer sur l'argent plutôt que sur l'Écriture et les écrits des Pères de l'Église (chant IX) :
Quatrième sphère (le soleil : les sages)Au-delà de l'ombre de la Terre, Dante a affaire à des exemples positifs de Prudence, Justice, Tempérance et Fortitude. Au sein du Soleil, qui est la source d'illumination de la Terre, Dante rencontre les plus grands exemples de prudence : les âmes des sages, qui contribuent à éclairer le monde sur le plan intellectuel[17] (Chant X). Au départ, un cercle de douze lumières brillantes danse autour de Dante et Béatrice. Ce sont les âmes de :
Cette liste comprend des philosophes, des théologiens et un roi, et compte des représentants de toute l'Europe. Thomas d'Aquin raconte la vie de Saint François d'Assise, et son amour pour Dame Pauvreté (Chant XI). Douze nouvelles lumières apparaissent, dont saint Bonaventure, franciscain, qui raconte la vie de saint Dominique, fondateur de l'ordre auquel appartenait Thomas d'Aquin. Les deux ordres n'ont pas toujours été amicaux sur terre, et le fait que les membres d'un ordre louent le fondateur de l'autre montre l'amour présent au Ciel[18] (Chant XII). Les vingt-quatre lumières tournent autour de Dante et Béatrice, chantant la Trinité, et Aquin explique la présence surprenante du roi Salomon, qui est placé ici pour sa sagesse royale, plutôt que celle philosophique ou mathématique (Chants XIII et XIV). Cinquième Sphère (Mars : Les guerriers de la foi)Les âmes de la Cinquième Sphère forment une croix grecque, que Dante compare à la Voie lactée, (chant XIV). La planète Mars étant traditionnellement associée au Dieu de la guerre, Dante fait de cette planète le foyer des guerriers de la foi, qui ont donné leur vie pour Dieu, faisant ainsi preuve de force d'âme[19]. Dante dit que les sages sont « perplexes » quant à la nature de la Voie lactée, mais dans son Convivio, il avait décrit sa nature.
Dante rencontre son ancêtre Cacciaguida, qui a servi dans la deuxième croisade[21]. Cacciaguida fait l'éloge de la république de Florence du XIIe siècle et déplore le déclin de la ville depuis cette époque (Chants XV et XVI). Le fait que la Divine Comédie se situe en l'an 1300, avant l'exil de Dante, a permis aux personnages du poème de « prédire de mauvaises choses pour Dante »[22]. En réponse à une question de Dante, Cacciaguida dit la vérité sans détour. Dante sera exilé (Chant XVII) :
Cependant, Cacciaguida charge également Dante d'écrire et de raconter au monde tout ce qu'il a vu de l'Enfer, du Purgatoire et du Paradis. Enfin, Dante voit d'autres guerriers de la foi, comme Josué, Judas Maccabée, Charlemagne, Roland et Godefroy de Bouillon (chant XVIII). Sixième Sphère (Jupiter : Les justes souverains)La planète Jupiter est traditionnellement associée au roi des dieux, aussi Dante fait-il de cette planète la demeure des souverains qui ont fait preuve de justice. Les âmes épellent ici le latin pour « Aimez la justice, vous qui jugez la terre », après quoi le M final de cette phrase se transforme en la forme d'un aigle impérial[24] (chant XVIII) :
Sont présents dans cette sphère David, Ezéchias, Constantin et Guillaume II de Sicile, ainsi que deux païens : Trajan converti au christianisme selon une légende médiévale et à la stupéfaction de Dante Riphée le Troyen, qui a été sauvé par la miséricorde de Dieu dans un acte de prédestination[26],[27]. Trajan est déjà apparu dans la Divine Comédie comme un exemple d'humilité sur une terrasse d'orgueil. Sur cette terrasse, Dante voit Trajan entouré de ses soldats en route pour une conquête militaire, mais Trajan s'arrête après qu'une femme en deuil lui a demandé de rendre justice aux meurtriers de son fils[28],[27]. Les âmes forment l'aigle impérial de la justice divine, parlant d'une seule voix de la justice de Dieu [29] (Chants XIX et XX). Dante profite de ce moment opportun devant l'aigle pour s'interroger sur l'accessibilité du Paradis aux personnes nées avant le Christ ou vivant dans une région où le christianisme n'était pas enseigné. Dante commence sa question en posant l'hypothèse d'une telle personne (Chant XIX) :
La seule faute de cet homme instruit et savant, né au mauvais endroit pour connaître le salut, est son manque de foi et de baptême. Le ciel lui sera-t-il refusé ? Pour répondre à la question de Dante, l'aigle dit (Chant XIX) :
Au cœur même du salut se trouve la croyance que Jésus-Christ est le Messie. Peu importe qu'une personne soit née avant ou après le Christ, à Florence ou au bord de l'Indus, elle peut croire que le Christ viendrait ou était venu pour sauver l'humanité. C'est la petite ouverture qui permet à des personnes comme l'homme de l'exemple de Dante de monter au Ciel. Septième sphère (Saturne : les contemplatifs)La sphère de Saturne est celle des contemplatifs, qui incarnent la tempérance[32]. Dante rencontre ici Pierre Damien, et discute avec lui du monachisme, de la doctrine de la prédestination et du triste état de l'Église[33]. Dante rencontre aussi saint Benoît, qui se plaint de la mondanité de ses propres moines (Chants XXI et XXII). Béatrice, qui représente la théologie, devient ici de plus en plus belle, ce qui indique que le contemplatif a une vision plus proche de la vérité de Dieu :
Huitième Sphère (Les étoiles fixes : Foi, Esperance et Amour)Du haut de la sphère des étoiles fixes, Dante voit l'humble planète qu'est la Planète[33],(chant XXII). La sphère des étoiles fixes est la sphère de l' Église triomphante[33]. De là, la constellation des Gémeaux, sous laquelle il est né, Dante regarde les sept sphères qu'il a visitées et la Terre (chant XXII) :
Ici, Dante voit la Vierge Marie et d'autres saints (Chant XXIII). saint Pierre interroge Dante sur la foi, lui demandant ce qu'elle est et s'il la possède. Retorquant à la réponse de Dante, saint Pierre lui demande comment il sait que la Bible est vraie, et dans un argument attribué à saint Augustin[36], Dante cite le miracle de la croissance de l'Église à partir de débuts humbles (Chant XXIV) :
. Saint Jacques interroge Dante sur l'espérance, et Béatrice se porte garante de sa possession[38] (Chant XXV) :
. Enfin, saint Jean interroge Dante sur l'amour. Dans sa réponse, Dante renvoie au concept d'« amour tordu » abordé dans le Purgatoire[40] (chant XXVI) :
. Saint Pierre dénonce ensuite le Pape Boniface VIII et dit qu'à ses yeux, le Siège papal est vide (Chant XXVII). Neuvième Sphère (Le Primum Mobile : Les Anges)La sphère Primum Mobile (sphère « première mue ») est la dernière sphère de l'univers physique. Elle est mue directement par Dieu, et son mouvement provoque le mouvement de toutes les sphères qu'elle entoure [42] (Chant XXVII) :
. Le Primum Mobile est la demeure des anges, et ici Dante voit Dieu comme un point lumineux intensément brillant entouré de neuf anneaux d'anges (Chant XXVIII). Béatrice explique la création de l'univers, et le rôle des anges, en terminant par une critique vigoureuse des prédicateurs de l'époque (Chant XXIX) :
L'EmpyréeDu Primum Mobile, Dante s'élève vers une région au-delà de l'existence physique, l'Empyrée, qui est la demeure de Dieu. Béatrice, représentant la théologie[45], est ici transformée pour être plus belle que jamais. Sa beauté, à la fois religieuse et érotique, fait écho à la tradition de la lyrique courtoise, ce qui se rapporte également à son rôle de cour dans le récit qui tourne autour de l'aide à Dante et de sa purification, pour qu'il puisse s'élever[46]. Dante est enveloppé de lumière, qui l'aveugle d'abord puis le rend apte à voir Dieu[45] (Chant XXX). Dante voit une énorme rose, symbole de l'amour divin[45], dont les pétales sont les âmes intronisées des fidèles aussi bien ceux de l'Ancien Testament que ceux du Nouveau. Toutes les âmes qu'il a rencontrées au Ciel, y compris Béatrice, ont leur demeure dans cette rose[45], et les anges volent autour de la rose comme des abeilles, distribuant paix et amour. Béatrice retourne maintenant à sa place dans la rose, signifiant que Dante a dépassé la théologie dans la contemplation directe de Dieu[47]; St. Bernard, en tant que contemplatif mystique, guide maintenant Dante plus loin (Chant XXXI), décrivant la rose céleste et ses occupants[48]. Saint Bernard peut représenter Dieu, puisqu'il accueille le pèlerin à l'Empyrée, après quoi Dante peut voir Dieu ; dans cette lecture, Béatrice représenterait le Saint-Esprit parce qu'elle purifie Dante et l'amène à saint Bernard et à l'Empyrée[49].). Dix femmes et huit hommes sont signalés à Dante dans l'Empyrée ; les dames apparaissent dans une hiérarchie où Marie est la tête et Eve est directement sous elle, suivie de sept autres femmes bibliques et de Béatrice[50].La supériorité numérique des hommes sur les femmes rappelle le début de l'Inferno, dans lequel de nombreuses femmes apparaissent dans les Limbes[51]. Saint Bernard explique ensuite la prédestination et prie la Vierge Marie au nom de Dante. L'Empyrée dans son ensemble abonde en éléments marials, comme les chiffres du numéro 32 du chant qui s'additionnent à cinq, ce qui peut représenter Marie en raison de son nom de cinq lettres - Maria - et de ses expériences qui se présentent notamment par séries de cinq[50].) La prière de saint Bernard, qui comprend une anaphore utilisant le pronom informel de la deuxième personne, s'inspire d'une histoire de prières similaires commençant dès les éloges funèbres grecques. Dans l'Italie de la fin du Moyen Âge, des poètes comme Jacopone da Todi ont écrit des éloges de Marie appelés lauda, et la prière de Dante à la Vierge s'inspire de cette tradition et en condense la forme, en se concentrant d'abord sur le rôle de Marie sur Terre, puis sur son rôle au Ciel et ses qualités maternelles[52]. Enfin, Dante se retrouve face à face avec Dieu (Chants XXXII et XXXIII). Dieu apparaît comme trois cercles de taille égale occupant le même espace, représentant le Père, le Fils et le Saint-Esprit[53]. À l'intérieur de ces cercles, Dante peut discerner la forme humaine du Christ. La Divine Comédie se termine avec Dante essayant de comprendre comment les cercles s'assemblent, et comment l'humanité du Christ se rapporte à la divinité du Fils mais, comme le dit Dante, « ce n'était pas un vol pour mes ailes » [54] Dans un éclair de compréhension, qu'il ne peut exprimer, Dante voit enfin cela, et son âme s'aligne sur l'amour de Dieu[53].
Tableau synoptique des noms de lieux, de concepts et de personnagesLes noms en gras sont ceux des personnages effectivement présents dans le cercle considéré (rencontrés par Dante ou simplement cités par quelqu'un comme présent ou nommé dans les phrases), à l'exclusion de ceux dont l'arrivée future n'est que prophétisée ; les autres noms sont ceux qui font seulement l'objet de périphrases, citations ou descriptions. Les noms de lieux donnés entre parenthèses sont ceux qui ne sont en général pas nommés explicitement mais présentés par des périphrases.
Notes et références
Source
Bibliographie
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