Le prix a été créé par Lionel Aracil (président d’honneur) et Jean-Baptiste Blanc, avec la participation de Frédéric Beigbeder[1]. Il est décerné par un jury qui se présente comme une « réunion d’auteurs, d’éditeurs et autres artistes pour la célébration du libertarisme contemporain »[2],[3], le prix Sade est remis chaque année à la fin du mois de septembre afin de récompenser « un auteur singulier et honnête homme, selon la définition de son siècle. Un authentique libéral qui sera parvenu, par delà les vicissitudes de la Révolution et l'emprise de l'ordre moral, à défaire les carcans de la littérature comme ceux de la politique[4]. »Emmanuel Pierrat, entré au jury en 2002, en devient le président un an plus tard[5],[6].
En 2004, l'essai du philosophe Ruwen Ogien, Penser la pornographie, est mis en avant. L'ouvrage évoque notamment l'« image de la femme ou l'incitation à la violence » tout en analysant les objections à la pornographie. Ainsi pour Marie Tréhard le prix Sade prétend « combattre le moralisme étouffant : parce que c'est le conformisme qui est obscène[2]. »
Sous l’égide de son président, Emmanuel Pierrat, assisté de Jean Streff, secrétaire général, les membres du jury, participants ou ayant participé, sont :
2021 : Grand Prix Sade aux Œuvres complètes, Tome 1 et Tome 2 d’Esparbec (La Musardine)[12]
2022 : Prix Sade hommage à Jacques Abeille/Léo Barthe pour Constance ou la pure révolte (L’âne qui butine)[13]
2022 : Prix Sade spécial à Christophe Bier pour le récit autobiographique L’Obsession du Matto-Grosso (éditions du Sandre)[13] et, sous le pseudonyme de Don Brennus Aléra fils, les romans Femellisé et La Chienne fatale (éditions Select-Bibliothèque)
2024 : mention spéciale du jury pour Obsessions bis, de Christophe Bier (Le Dilettante) et Un passé lumineux, (La Musardine) en la mémoire de Léo Barthe (pseudonyme de Jacques Abeille, décédé en 2022)[15].
Prix Sade du premier roman
2001 : Éric Bénier-Bürckel pour Un prof bien sous tout rapport, éditions Pétrelle
2017 : Raphaël Eymery pour Pornarina : la-prostituée-à-tête-de-cheval, éditions Denoël
Prix Sade de l'essai
2004 : Ruwen Ogien pour Penser la pornographie, éditions PUF[2]
2011 : Paul B. Preciado pour Pornotopie, Playboy et l'invention de la sexualité multimédia, éditions Climats
2019 : Jean-Jacques Lequeu, bâtisseur de fantasmes, éditions Norma/Bibliothèque nationale de France (catalogue d'exposition)
2020 : Marc Martin pour Les Tasses - Toilettes publiques, affaires privées[17],[11], éditions AGUA, ex æquo avec Nathalie Latour pour Céroplastie, corps immortalisés[11] , éditions Le Murmure
2022 : Midi-Minuit Fantastique (Rouge profond) sous la direction de Nicolas Stanzick[13].
2023 : Frederika Abbate pour Anne van der Linden, cavalière de la tempête, White Rabbit Prod[14].
2024 : L’Alchimie du cerveau à la mine de plomb de Yoshifumi Hayashi, texte de Xavier-Gilles Néret (Arsenic Galerie)[15].
Prix Sade du jury
2009 : Pierre Bourgeade pour Éloge des fétichistes, éditions Tristram
Prix Sade document
2012 : Jean-Pierre Bourgeron pour l'édition de trois textes de la collection « Eros singuliers » (éditions HumuS) : L'Aviateur fétichiste (2012), Marthe de Sainte-Anne (2011) et Le Curé travesti (2011)[18]
2015 : Trois milliards de pervers : grande encyclopédie des homosexualités, réédition de l’édition saisie en 1973 (éditions Acratie)[19]
2024 : La Fille vertivale de Félicia Viti (Gallimard)[15].
Prix Sade Histoire littéraire
2024 : Écrits érotiques de femmes. Une nouvelle histoire du désir de Marie de France à Virginie Despentes, anthologie de Camille Koskas et Romain Enriquez (Bouquins)[15].
Renommée
La France est le pays à comporter le plus de prix littéraires au monde, avec plus de 2300 prix, soit une moyenne de 6 par jour[20]. Sa renommée est due à son caractère insolite. Il est souvent cité à côté des prix du métro Goncourt, de la Page 111, Virilo ou des Vendanges littéraires de la ville de Rivesaltes.
Controverses
Annie Le Brun, auteur de plusieurs essais de référence sur Sade, dont son livre-préface (Soudain un bloc d'abîme, Sade, 1986) aux œuvres complètes du marquis éditées par Jean-Jacques Pauvert, a vivement critiqué ce prix, publiant dans son essai Ailleurs et autrement (2011) une lettre qu'elle avait adressée le à son président, Lionel Aracil, qui avait fait figurer son nom, à son insu, dans le jury. Dénonçant ce qu'elle estime être une mascarade médiatique et culturelle, elle y écrit notamment :
« Petite misère culturelle, vous êtes bien mal renseigné : méprisant depuis toujours autant ceux qui reçoivent les prix que ceux qui les donnent, comment pourrais-je consentir à participer à la mômerie d'un prix marquis de Sade ? “Bas les pattes devant Sade”, avais-je écrit avec mes amis surréalistes devant les manigances d'un théâtreux en mal de scandale, à la fin des années soixante. Que pourrais-je dire d'autre avec Jean-Jacques Pauvert, qui s'associe à moi en l'occurrence, au ramassis d'écrivains et artistes que vous sollicitez, les Sollers, Bourgeade, Pingeot, Bramly…, pour peu qu'ils acceptent de patronner cette mascarade bien dans le goût de l'époque ? Sans doute les uns et les autres ne se sont-ils pas assez discrédités pour ne pas rater une occasion d'en rajouter. »
Et critiquant le trophée, un fouet « dessiné par le bagagiste de luxe Louis Vuitton », qui lui rappelle « le balai immonde » du roi Ubu, elle conclut : « Que voulez-vous, tout le design du monde ne réussira jamais à maquiller tant d'indignité[21]. » Critique qui, au-delà de ce seul prix, s'inscrit contre cette tendance au recyclage, « merchandising » de certaines icônes culturelles[22].
Dans les pages « Débats et opinions » du Figaro du 8 août 2001, Lionel Aracil répond à ces critiques, dans une tribune intitulée « Sade et ses nouveaux geôliers » :
« Notre divin marquis aurait apprécié les cris d'orfraie de ceux qui se présentent en véritables gardiens du temple de Silling. N'est-il pas navrant qu'un prix littéraire dédié à l'héritage de l'écrivain et philosophe, emprisonné pour sa liberté d'expression, soit dénoncé et vilipendé par des embastilleurs de l'édition… un quarteron de littéreux à la retraite, dont Pauvert et Lebrun (sic) se dressent contre les impertinents et subversifs qui ont osé toucher au mausolée ? Si le Prix Sade a été créé, [c'est] pour révéler ou défendre un auteur qui défie l'ordre moral ou politique par-delà toute forme de terrorisme intellectuel […][23]. »
Refus du prix
En 2012, le prix est attribué à Christine Angot pour son ouvrage Une semaine de vacances, traitant de l'inceste[24]. Angot refuse ce prix. Selon son éditeur Flammarion, l'obtention de celui-ci pouvait l'empêcher de recevoir d’autres prix plus prestigieux[25],[4].
« L’image de ce prix, qu’elle corresponde ou non à l’œuvre du Marquis de Sade, est en contradiction totale avec le livre que j’ai écrit, et ne pas refuser ce prix serait souscrire à un contresens objectif quant à ce que dit ce livre, contresens que je récuse[26]. »
↑Annie Le Brun, Addendum à « De l'insignifiance en milieu vaginal » (article critique du livre de Catherine Millet, première lauréate du prix Sade, initialement paru dans La Quinzaine littéraire, n° 807, 1-15 mai 2001), dans Ailleurs et autrement, Gallimard, coll. « Arcades », 2011, p. 19-20.