L'épreuve comptait pour le championnat national américain (USAC) mais également pour le championnat du monde des pilotes, dont elle constituait la soixante-huitième épreuve courue depuis 1950, et la quatrième manche de la saison.
Contexte avant la course
Le championnat du monde
L'épreuve des 500 miles d'Indianapolis constitue le principal événement du championnat national USAC, et à ce titre, presque exclusivement disputée par des pilotes américains. Malgré leur intégration au championnat du monde en 1950, les 500 miles se courent suivant la réglementation en vigueur aux États-Unis : moteur atmosphérique de 4200 cm3, moteur suralimenté de 2800 cm3, moteur diesel de 5500 cm3 ou moteur à turbine de capacité libre[1]. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale seuls quelques pilotes européens ont tenté leur chance à Indianapolis, le plus célèbre étant Alberto Ascari (en 1952), mais sans succès. Aussi l'annonce de la possible participation du quintuple champion du monde Juan Manuel Fangio donne-t-elle un relief particulier à l'édition de 1958.
Depuis sa création en 1909 sous la houlette de l'homme d'affaires Carl Fisher[2], l'autodrome d'Indianapolis a gardé son tracé rectangulaire, composé de quatre virages à gauche, de rayon constant, relevés d'environ dix degrés. Seules ont évolué la surface de la piste, depuis 1956 asphaltée sur toute sa longueur sauf une bande de briques sur la ligne de départ, et les installations qui comportent des tribunes et une tour de contrôle modernes. Le record de la piste est détenu par Pat Flaherty, vainqueur de l'édition 1956, qui avait alors réalisé une moyenne de plus de 234 km/h lors des qualifications.
Contrairement aux Grands Prix de formule un le départ est de type lancé, les pilotes devant accomplir deux tours de circuit derrière la voiture de sécurité (cette année un cabriolet Pontiac Bonneville piloté par le vainqueur 1957 Sam Hanks) avant que la course soit ouverte.
Monoplaces en lice
Le circuit tournant exclusivement dans le sens anti-horaire, tous les constructeurs ont développé des monoplaces à moteur décentré sur la gauche ; de même, le profil des pneumatiques est spécifique au tracé. Victorieuses à cinq reprises de 1950 à 1955, les Kurtis Kraft représentent encore la moitié du plateau, mais s'avèrent désormais moins performantes que les 'roadsters' Watson ou Epperly, derniers vainqueurs en date. Au niveau des moteurs, presque tous les concurrents utilisent le 4 cylindres atmosphérique Offenhauser, d’une puissance de l’ordre de 380 chevaux à 5500 tr/min. Seules les Novi Spl. utilisent un moteur à compresseur mécanique, un V8 développant près de 600 chevaux à 7000 tr/min. Leur surcroît de puissance leur donne un net avantage en vitesse de pointe, insuffisant toutefois pour compenser leur handicap de poids et leur consommation excessive[3].
Remarque : Un pilote peut être inscrit sur plusieurs voitures. De même, plusieurs pilotes peuvent tenter de qualifier une même voiture.
Qualifications
Les essais qualificatifs sont organisés les deux week-ends précédant la course, les 17/18 et 24/. Auparavant, les débutants ont dû passer les tests obligatoires sur piste, le premier mai. Un exercice parfaitement exécuté par le quintuple champion du monde Juan Manuel Fangio au volant de la Kurtis Kraft engagée par l'industriel George Walther Jr. Il s'agit d'un modèle de l'année précédente avec lequel le pilote argentin parvient à tourner à 229,8 km/h de moyenne, soit 4 km/h plus vite que le temps de qualification effectué par Mike Magill en 1957, alors que la voiture était neuve. Néanmoins le 'Maestro', s'étant fixé 233 km/h pour objectif, se rend vite compte que son 'roadster' est loin du niveau des meilleurs. Après quelques journées d'essais, au cours desquels il n'a pas manqué d'impressionner les spécialistes de l'épreuve, il renonce à piloter cette voiture qui l'a déçu, le niveau des mécaniciens de l'équipe ne lui permettant pas de parfaire sa mise au point. A titre de comparaison, il essaye une des deux Novi Spl. engagées par Lew Welch, avec laquelle il atteint 217 km/h en seulement trois tours, mais l'expérience n’ira pas plus loin[6].
Pour les qualifications, les pilotes sont chronométrés sur 4 tours lancés (10 miles). Le premier jour, déterminant les premières positions de la grille de départ, est appelé "Pole Day", les pilotes se qualifiant les jours suivants ne pouvant prétendre aux premières places. En 1956, Pat Flaherty avait effectué un de ses quatre tours lancés à plus de 235 km/h de moyenne. Ce record n'a pas été amélioré en 1957, année d'introduction de la nouvelle réglementation, avec cylindrée des moteurs réduite.
Le samedi , les pilotes des 'roadsters' Watson se mettent en évidence : Ed Elisian porte le record de la piste à 235,782 km/h et réalise la moyenne de 234,845 km/h sur ses quatre tours lancés. Sur des modèles identiques, Dick Rathmann et Jimmy Reece tournent également à plus de 233 km/h de moyenne, Rathmann s'octroyant finalement la pole position (234,922 km/h sur quatre tours), Reece troisième complétant la première ligne. Quatorze autres pilotes se qualifient au cours de ce premier week-end, assez loin toutefois des temps réalisés par Rathmann et Reece.
Le samedi , la séance est très disputée et quatorze pilotes obtiennent leur qualification, le plus rapide étant Eddie Sachs avec une moyenne de 232,808 km/h. Bien qu'ayant réalisé le quatrième meilleur temps absolu, Sachs devra cependant prendre le départ derrière les dix-sept pilotes qualifiés lors du premier week-end. Deux places sur la grille sont l'enjeu de la dernière journée, le dimanche 25 ; elles sont obtenues par Dempsey Wilson et Bill Cheesbourg, qui occuperont les deux dernières positions pour le départ de la course. Troisième meilleur temps du jour, Gene Hartley est le premier pilote suppléant.
Les trente-trois pilotes qualifiés s'élancent le vendredi matin à onze heures, sous un beau soleil, devant cent cinquante à deux cents mille spectateurs[8]. Les deux tours de formation sont un peu confus, les trois pilotes qualifiés en première ligne étant partis derrière tous les autres. Dick Rathmann, Ed Elisian et Jimmy Reece parviennent toutefois à se frayer un chemin dans le peloton et se trouvent à leur place juste derrière la voiture de sécurité à la fin du second tour de mise en place. Lorsque la Pontiac Bonneville rentre, Rathmann prend aussitôt la tête, entraînant Elisian dans ses roues. À la sortie du virage numéro un, les deux pilotes sont légèrement détachés du reste du peloton. Rathmann est toujours en tête à la sortie du virage numéro deux mais dans la longue ligne droite opposée aux stands Elisian le déborde et s’empare du commandement. Mais à l'entrée du troisième virage, il perd le contrôle de son roadster et part en tête-à-queue, provoquant un gigantesque carambolage. En perdition la voiture d'Elisian est heurtée par celle de Rathmann, les deux échouant contre le mur extérieur. Derrière c'est le chaos dans le peloton emmené par Jimmy Reece, qui plonge à la corde pour éviter les deux premiers : son 'roadster' Watson est alors heurté par la Kurtis Kraft de Pat O'Connor qui décolle et se retourne sur son malheureux pilote, probablement tué sur le coup, avant d'achever sa course folle en flammes contre le mur. Onze autres pilotes sont impliqués dans la collision générale qui s'ensuit[9]. Au total, sept voitures restent sur place, dont celle de Jerry Unser qui a escaladé le mur extérieur, le pilote s'en tirant avec l'épaule droite déboîtée. Bob Veith est parvenu à regagner son stand, mais pour abandonner aussitôt. D'autres en sont repartis avec quelques tours de retard, comme Paul Russo qui a dû faire réparer le radiateur de sa Novi.
Le nettoyage de la piste va prendre plus de vingt minutes, dix-huit tours étant accomplis derrière la voiture de sécurité. Lorsque les signaux verts réapparaissent, il ne reste plus que vingt-cinq voitures en piste, la plupart des favoris manquant à l'appel. Jimmy Bryan vire en tête au premier virage juste devant Tony Bettenhausen et Eddie Sachs. Bettenhausen se maintient dans les roues de Bryan avant de le passer imparablement dans le virage numéro quatre, prenant la tête de la course. Il ne parvient cependant pas à se détacher de ses poursuivants et durant vingt tours la course va être très disputée au sein d'un groupe de quatre pilotes, Bettenhausen, Bryan, Sachs et le débutant George Amick échangeant continuellement leurs positions. Au trente-neuvième tour la course est à nouveau neutralisée lorsque Chuck Weyant, en difficulté avec ses freins, perd le contrôle de sa voiture dans le virage numéro quatre et achève sa course dans le mur ; il est légèrement blessé. La course est bientôt relancée ; Amick se trouve alors en tête devant Bryan et Bettenhausen, une position qu’il va conserver jusqu'à son premier arrêt ravitaillement à la fin du quarante-septième tour. La course en tête se résume désormais en un duel entre Bryan et Bettenhausen, qui mènent tour à tour, tandis que Sachs, troisième, est légèrement distancé.
Lorsque les meneurs ravitaillent à leur tour, Bryan bénéficie d’un arrêt beaucoup plus rapide que celui de ses adversaires, qui lui donne un avantage d'une dizaine de secondes sur Bettenhausen. Dès lors, il va contrôler la course, gérant son avance. Il perd momentanément la première place lorsqu'il effectue son deuxième arrêt au cent-cinquième tour, chutant à la troisième place derrière Bettenhausen et Johnny Boyd ; Bettenhausen va s’arrêter trois boucles plus tard, laissant le commandement à Boyd qui va retarder son arrêt jusqu'au cent-vingt-sixième tour. Bryan reprend logiquement la tête, qu'il va conserver jusqu'à l'arrivée, remportant sa première victoire sur l'anneau ainsi que les trois-cents mille dollars de prime associés[3]. La fin de course a fait l'objet d'un beau duel entre Boyd et Amick, Bettenhausen ayant perdu du temps lors de son second arrêt. C'est finalement Amick qui s'impose à la seconde place, prenant le dessus sur son adversaire à quinze tours de la fin.
Classements intermédiaires
Classements intermédiaires des monoplaces aux premier, vingtième, quarantième, quatre-vingtième, centième, cent-vingtième, cent-cinquantième et cent-quatre-vingtième tours[1].
(R) indique que le pilote était éligible au trophée du "Rookie of the Year" (meilleur débutant de l'année), attribué à George Amick.
Pole position et record du tour
Pole position : Dick Rathmann en 1 min 01 s 655 lors de la première séance de qualification[7] (quatre tours en 4 min 06 s 62 - vitesse moyenne : 234,922 km/h).
Attribution des points : 8, 6, 4, 3, 2 respectivement aux cinq premiers de chaque épreuve et 1 point supplémentaire pour le pilote ayant accompli le meilleur tour en course (signalé par un astérisque).
Pour la coupe des constructeurs, même barème mais seule la voiture la mieux classée de chaque équipe inscrit des points. Le point du meilleur tour en course n'est pas comptabilisé. Les 500 miles d'Indianapolis ne sont pas pris en compte pour cette coupe, la course n'étant pas ouverte aux monoplaces de formule 1[5].
Le règlement permet aux pilotes de se relayer sur une même voiture, les points éventuellement acquis étant alors perdus pour pilotes et constructeur[7].