Idiot utileL'expression « idiot utile » s'applique en politique à des personnalités qui servent des desseins divergents de leurs représentations authentiques, et se trouvent, bien que peut-être de bonne foi, utilisées, instrumentalisées ou manipulées. Quelques exemplesL'expression est initialement utilisée par les marxistes pour disqualifier le positionnement de personnalités considérées comme sympathisantes de l'Internationale. L'expression a aussi parfois désigné des compagnons de route des communistes occidentaux tel Jean-Paul Sartre, qui sympathisaient avec l'URSS. Sartre a dit publiquement qu'il ne fallait pas dire la vérité sur l'URSS pour « ne pas désespérer Billancourt »[1], c'est-à-dire les ouvriers français de la CGT, à l'époque utilisée comme courroie de transmission par le PCF de Maurice Thorez. De telles personnes furent pragmatiquement utilisées par les dirigeants de l'Union soviétique.
— Sartre, de retour d'URSS, Libération, 15 juillet 1954[2],[3] Un tel sujet est considéré comme étant naïf, de bonne foi mais en plein déni de réalité à cause de sa fidélité. L'expression est maintenant utilisée pour décrire une personne qui se laisse manipuler par un mouvement politique, un groupe terroriste ou un gouvernement hostile, ou par quiconque agissant en faveur de certains intérêts (généralement contraires aux siens) sans même s'en rendre compte. L'origine nébuleuseCertains attribuent l'expression à Lénine. On ne retrouve cependant pas cette expression directement telle quelle dans ses ouvrages publiés. En Occident, cette expression a surtout été utilisée (durant la guerre froide) pour désigner et stigmatiser des intellectuels occidentaux de gauche dont la défense enthousiaste et naïve du régime soviétique semblait exempte de tout recul critique vis-à-vis de celui-ci. On peut considérer que le premier « idiot utile » des communistes fut le libéral hongrois Benkert, homme de lettres sous le pseudonyme de Karl-Maria Kertbeny, connu de Karl Marx et Friedrich Engels qui le considéraient effectivement comme un idiot pouvant être utile. On trouve dans la Correspondance Marx-Engels, ces remarques : « cet âne de Kertbeny » (lettre de Marx, ), « voyons s'il peut nous servir à quelque chose » (lettre de Engels, ). Benkert était aussi connu de Charles Baudelaire, Pierre-Joseph Proudhon et George Sand. Après l'arrivée des communistes russes au pouvoir, Walter Duranty, journaliste au New York Times, affirmait à ses lecteurs « qu'il n'y a pas de famine ou de disette véritable, et qu'il n'est pas vraisemblable qu'il y en ait » en URSS, alors que l'Ukraine connaissait à cette époque une famine qui fit 4 millions de morts : l'Holodomor. Pour Walter Duranty, les comptes rendus contraires, comme ceux des journalistes Malcolm Muggeridge ou Gareth Jones, n'étaient que « fabriques de rumeurs » révélant un « biais anti-soviétique ». Ce qualificatif se rapporte surtout à toutes les personnes qui sont allées en Union soviétique et qui, à la différence d'un André Gide, n'y ont vu que ce qu'elles avaient envie d'y voir, ou bien des personnes, sous influence d'agents soviétiques, ayant, de bonne foi mais contre les évidences, répandu les mensonges officiels du régime. Durant la première moitié du 20e siècle, des intellectuels français ont fait preuve d'aveuglement envers l'URSS[4]. On les a aussi appelés « compagnons de route ». Ils étaient ainsi utiles à la machine de propagande et aux intérêts soviétiques. Ce terme est aujourd'hui encore parfois utilisé par les conservateurs et néoconservateurs américains pour désigner de façon péjorative les intellectuels de gauche[5]. Symétriquement, le journal Libération a pu qualifier le 27 novembre 2023 Eric Ciotti, dirigeant du parti Les Républicains, d' "idiot inutile", dans la mesure où il ne faisait que s'aligner sur la rhétorique des partis d'extrême-droite. L'origine : les écritsL'expression « useful idiot » apparut aux États-Unis pour la première fois en 1948 et ne fut attribuée à Lénine que plusieurs décennies plus tard. Elle a alors été utilisée dans un article du New York Times à propos de la politique italienne[6]. L'expression semble ensuite n'avoir plus été utilisée dans la presse écrite jusqu'en 1961. Les détracteurs de la parenté historique de cette expression argumentent que le terme « idiot utile » n'a jamais été découvert sur les documents publiés de Lénine, et qu'il n'existe aucun témoignage direct de quelqu'un l'ayant entendu dire par Lénine[7]. Néanmoins, il est confirmé que Lénine a parlé des sympathies gauchistes de l'Ouest en termes très péjoratifs. Dans une lettre du au commissaire soviétique des affaires étrangères Gueorgui Tchitcherine en négociation à la conférence de Gênes, Lénine écrivit[8] :
Même si les mots de Lénine à propos d'Arthur Henderson ou d'autres gauchistes occidentaux sont sarcastiques, on n'y retrouve nullement l'expression directement « idiot utile ». Néanmoins, il y a bien dans une traduction non-littérale une certaine proximité et une possibilité d'interpréter l'expression comme fidèle à l'esprit de Lénine dans son argumentaire précis. Notes et références
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