Judéo-algérien
Le judéo-algérien est un dialecte de variété judéo-arabe issu de l'arabe algérien parlé par les Juifs algériens. Ce dialecte se distingue par plusieurs spécificités phonologiques, morphologiques et lexicales dues à l'influence historique des différentes dominations que l'Algérie a connues. Comme d’autres formes de judéo-arabe présentes au Maghreb et au Moyen-Orient, il se distingue aussi de l’arabe parlé par les musulmans par l’incorporation de termes hébraïques et araméens, ainsi que par un accent et une prononciation particuliers. Utilisé à la fois dans la sphère domestique et dans les pratiques religieuses, le judéo-arabe servait de lien entre les membres de la communauté juive et la société musulmane environnante. Le judéo-arabe variait légèrement d’une région à l’autre, en fonction des contacts locaux et des influences culturelles, mais il conservait partout une structure commune ancrée dans l'arabe dialectal algérien. Il était parlé dans les grandes villes comme Alger, Constantine et Tlemcen, ainsi que dans les petites communautés rurales. HistoireLe judéo-algérien fut parlé par la totalité des Juifs qui habitaient l'Algérie à l'époque ottomane. Pendant la colonisation française et l'application du décret Crémieux, le dialecte a régressé en nombre de locuteurs, il est difficile d'établir le nombre exact des personnes qui le parlent encore. N'étant parlé aujourd'hui que par des individus âgés, le dialecte est appelé à s'éteindre dans les prochaines années. Malgré l'état critique dans lequel il se trouve, il ne suscite aucun intérêt de la part des chercheurs. Les associations censées préserver la mémoire juive d'Algérie au-delà de l'exil préfèrent mettre l'accent sur l'aspect français et francophile d'une partie des membres de l'ancienne population juive plutôt que de conserver la mémoire de la spécificité culturelle et linguistique de cette communauté dont l'enracinement en terre algérienne est vieux de deux mille ans[1]. Avant 1870Avant 1870, les Juifs d'Algérie parlaient principalement le judéo-arabe, un dialecte dérivé de l'arabe algérien, mais marqué par des influences hébraïques et araméennes. Ce dialecte était la langue maternelle de la majorité des communautés juives vivant en Algérie. Toutefois, certaines communautés séfarades, en particulier dans des villes côtières comme Oran, parlaient encore le ladino, ou judéo-espagnol, un héritage de l'expulsion des Juifs d'Espagne en 1492. Après 1870La langue judéo-algérienne, dans ses deux formes principales, a connu un déclin rapide à partir de 1870[2], avec la promulgation du décret Crémieux, qui accorda la citoyenneté française aux Juifs d'Algérie. Cette mesure juridique entraîna une francisation massive des Juifs algériens, qui se mirent à adopter le français comme langue d'enseignement, d'administration et d'usage quotidien. À partir de cette époque, le judéo-arabe et le ladino commencèrent à perdre du terrain, ne subsistant que dans les contextes familiaux et religieux. La décolonisation de l’Algérie en 1962 et l’exode massif des Juifs algériens vers la France, Israël et d’autres pays entraînèrent la disparition quasi totale de la langue judéo-algérienne en tant que langue vivante en Algérie. Cependant, des traces du judéo-arabe et du ladino sont encore présentes chez les descendants de ces communautés, notamment dans les chants liturgiques, les proverbes et certaines expressions du quotidien. Spécificités du parlerPhonologieLe judéo-arabe algérien possède des caractéristiques phonologiques spécifiques qui le distinguent des autres dialectes arabes, notamment les différences de prononciation entre les communautés juives et musulmanes[3]. Prononciation du /q/
Remarque : Le passage de /q/ à [ʾ] ou [k] chez les Juifs est typique des dialectes sédentaires, tandis que le [g] apparaît dans certains mots empruntés aux dialectes nomades. Sibilantes et interdentalisation
GlottalisationLe coup de glotte /ʾ/ s'affaiblit ou disparaît dans certaines positions :
Remarque : Dans certaines régions, comme Constantine, le coup de glotte peut être conservé dans les mots monosyllabiques ou les formes éloquentes. MorphologieConjugaison des verbes
Pronoms démonstratifsLes démonstratifs varient selon les régions :
LexiqueEmprunts hébreuxLes emprunts à l'hébreu sont courants, notamment dans les domaines religieux et communautaires :
Certains mots hébreux se sont intégrés dans les structures verbales arabes, comme tməlšən (dénoncer, de malšin en hébreu) et tšəbbəš (être confus, de šbš en hébreu). Emprunts français et espagnolsAprès l'influence coloniale française, de nombreux mots français ont été adoptés dans le dialecte :
Quelques mots espagnols sont également présents, notamment à Oran en raison de l'influence espagnole historique :
Remarque : Les emprunts au français sont parfois intégrés dans des formes de pluriels arabes, comme kanāsil (consuls) ou numrawāt (numéros de journaux). Emprunts berbèresBien que les Juifs d'Algérie aient eu peu de contact direct avec les tribus berbères, quelques mots berbères sont intégrés via l'arabe musulman, comme :
Vocabulaire
CultureLe judéo-arabe a joué un rôle crucial dans le patrimoine musical des juifs d'Algérie, notamment à travers :
Le judéo-arabe dans la littératureL'utilisation du judéo-arabe s'est également manifestée dans la littérature :
Caractéristiques linguistiqueLe judéo-arabe se distingue par :
Importance culturelleL'utilisation du judéo-arabe dans l'art a permis de :
Locuteurs célèbres
Patrimoine linguistiqueMalheureusement, la langue judéo-algérienne fait l'objet de peu de recherches académiques, bien qu'elle ait été la langue de la deuxième plus grande communauté juive du monde arabe, après celle du Maroc. Avant 1870, elle était largement utilisée par les Juifs d'Algérie, dans un contexte où cette communauté représentait une part importante de la population du pays. Malgré son importance historique et culturelle, la disparition progressive du judéo-arabe et du ladino après la colonisation française et l'exode massif des Juifs algériens a conduit à un déclin de l'intérêt pour son étude, laissant une grande partie de ce patrimoine linguistique méconnue et non documentée dans les travaux linguistiques contemporains. Notes et références
Voir aussiBibliographieMoshe Bar-Asher (en). "La recherche sur les parlers judéo-arabes modernes du Maghreb : état de la question". In: Histoire Épistémologie Langage, tome 18, fascicule 1, 1996. La linguistique de l'hébreu et des langues juives, sous la direction de Jean Baumgarten et Sophie Kessler-Mesguich. p. 167–177, lire en ligne :http://www.persee.fr/doc/hel_0750-8069_1996_num_18_1_2454 Articles connexesInformation related to Judéo-algérien |