Share to:

 

Le Plateau (cité ouvrière)

La place des Tilleuls, avec au fond le stade Michel Hidalgo, et à gauche la Renaissance.
Monument de la dernière coulée provenant des laminoirs de la SMN devant l'école des Tilleuls

Le Plateau est un quartier à cheval sur trois communes (Colombelles, Giberville, Mondeville) de la banlieue est de Caen, en France. Cette ancienne cité ouvrière a été créée au début du XXe siècle par la Société métallurgique de Normandie (SMN) pour loger ses employés. L'ensemble fut doté également de différents équipements : une école primaire, deux centres de formation professionnelle, un stade, une église, un centre culturel, une coopérative, des bains-douches, un centre médical. Une autre cité ouvrière plus petite a également été construite vers 1920 de l'autre côté de l'usine près du bourg de Colombelles ; c'est la Cité du Calvaire à proximité de laquelle se trouve l'église orthodoxe Saint-Serge édifiée en 1926 par les employés de l'usine avec l'aide financière de la SMN.

Le secteur fut sévèrement touché par les bombardements de 1944 et reconstruit à l'identique.

L'usine a fermé et le quartier est devenu résidentiel.

Histoire

En 1917, lorsqu'elle allume son premier haut-fourneau sur le site industriel, l'usine se trouve isolée sur le plateau qui constitue la partie haute de Colombelles et se trouve couverte de bois. La SMN ne trouve pas dans les communes avoisinantes une main d'œuvre suffisante tant en nombre qu'en qualité professionnelle pour produire de l'acier en grande quantité. Dès lors, elle fait appel dans un premier temps à des ouvriers d'autres pays qu'elle tente de fixer sur place en construisant une cité-jardin à proximité immédiate de l'usine. Elle conçoit un programme de logement dès 1921 et met en place une école d'apprentissage en 1923. Elle réussit ainsi à attirer une main-d'œuvre locale qui s'était montrée au tout début réfractaire au travail en usine. Rapidement se constitue un quartier où se concentrent les ouvriers et leur famille dans un espace géographiquement coupé des trois communes de Colombelles, Giberville et Mondeville « dont il occupe l'intersection », un quartier fermé : le Plateau[A 1].

Pour mettre en œuvre ce projet, mûri de longue date, la Société a fait appel dès 1912 à Georges Hottenger, un théoricien du paternalisme social. Il conseille à la direction de veiller à doter le quartier d'équipements culturels et de loisirs « pour faire oublier les rigueurs et les risques du métier, les contraintes de la cité paternaliste ». Construits pratiquement dès l'origine, ces équipements sont gérés à partir de 1945 par le comité d'entreprise de l'usine et ne trouvent leur indépendance qu'après 1967-68[A 2]. Ils accueillent les fêtes collectives : banquets, cérémonies de remise des médailles du travail, arbres de Noël mais aussi fête du 14 Juillet, fêtes religieuses et fêtes sportives. Des lieux de promenade sont aménagés le long de l'Orne au parc Legonidec et dans le grand bois des sapins du site[B 1]. Des équipements sportifs sont construits à partir de 1933[1], année de création de l'Union sportive normande : cinq terrains de foot dont un pour les rencontres et quatre pour l'entrainement ; deux terrains de basket ; un court de tennis ; un gymnase et une tribune[B 2].

Le quartier est hiérarchisé, « transposition » de la hiérarchie de travail de l'usine[B 3]. En surplomb et face à l'usine, les Grands Bureaux, achevés en 1913, « font office de municipalité »[A 3]. Dès les années 1920, la cité est dotée d'équipements commerciaux permettant d'assurer son autonomie : la coopérative y joue un rôle éminent. En complément, des commerçants ambulants y assurent des tournées régulières. L'eau et l'électricité sont fournies par la Société qui a construit par ailleurs des bains-douches permettant une toilette hebdomadaire[B 4]. Jusqu'en 1967, l'école jusqu'au certificat d'études, l'école d'apprentissage pour les garçons et l'école ménagère pour les filles sont « dans le giron de la SMN »[B 5].

Pendant l'occupation allemande

La Basse-Normandie est occupée par les Allemands dès juin 1940. Le Plateau et son usine constituent un enjeu pour l'envahisseur qui va les occuper pendant quatre années. Les locaux de l'école sont réquisitionnés et les élèves sont scolarisés en alternance à mi-temps, matin et après-midi. L'école ferme en février 1944 lorsque les Allemands organisent leur défense derrière le préau[B 6]. En juin 1944, les cheminées de l'usine, qui servaient d'observatoire à l'occupant deviennent des points de repère pour les bombardiers de la Royal Air Force[2]. Pendant les bombardements alliés, les soldats qui desservent les canons se réfugient avec les habitants dans les tranchées creusées sur le site, dans les caves des maisons et lors des plus fortes alertes, dans les abris des Roches[note 1]. Un mois après le Débarquement, la cité est évacuée. Le retour sur le Plateau s'amorce le 20 juillet. La cité est détruite à 80 %. Le bilan dressé à cette date fait état de 5 000 tonnes de bombes et de 25 000 obus[B 7]. Le Plateau pleure 86 victimes : civils tués sous les bombardements ou résistants fusillés ou morts au combat pour libérer Caen[4].

Reconstruction

Après les nécessaires opérations de déminage du site, le Plateau est reconstruit à l'identique et reste donc pavillonnaire. Il retrouve sa physionomie en 1952. Sa forme urbaine, de plan orthogonal, n'est pas remise en cause et le tracé des rues n'est pas sensiblement modifié. Sur les 1 067 logements que compte la cité, 364 sont entièrement reconstruits[5].

Le Plateau est doté en 1946 d'un édifice de culte catholique : la chapelle Notre-Dame-des-Travailleurs. Edifié à l'intersection des trois communes mais sur le territoire de Mondeville, le bâtiment est entièrement construit par les ouvriers catholiques du Plateau sur un terrain mis à disposition par l'usine et avec des matériaux qu'elle a fournis gracieusement[1].

Les différentes formes d'habitat

Le quartier est composé de trois grands secteurs. Selon leur rang dans la hiérarchie sociale, les employés recevaient une maison en conséquence.

Le quartier des villas le long du coteau boisé à proximité de la route de Cabourg. Ce sont des demeures de style néo-normand entourées par de grands jardins et qui bénéficient d'une belle vue sur la campagne environnant Caen. On peut inclure dans ce type d'habitat la maison du directeur, vaste demeure entourée d'un parc arboré de 3ha ; en 1988, elle a été transformée en maison de retraite, la Feuilleraie, aujourd'hui fermée.

Les maisons des contremaitres autour de la rue Centrale et de la Grande rue. Séries de maisons jumelées par deux et entourées de petits jardins. Certaines étaient également dotées de balcons, elles étaient composées de 4 logements, deux en bas et deux à l’étage avec balcon. (par exemple : rue des balcons). Ces maisons sont construites en pierre de Caen.

L'habitat ouvrier à proprement parler vers la rue du Bois ou dans la Cité des Roches. Séries de maisons accolées les unes à côté des autres avec un jardin sur le devant. Ces maisons sont beaucoup plus petites.


Les équipements

La plupart des équipements se concentrent dans le secteur de la place des Tilleuls à proximité de la route de Cabourg.

La Renaissance, ancien cinéma-théâtre. Détruite pendant la bataille de Normandie, elle rouvrit en 1949. Depuis 2005, c'est une salle de spectacle de 430 places[6] consacrée à la musique, au théâtre et à la danse. L’Orchestre régional de Normandie[7] en est le partenaire artistique privilégié.

L'Hôtellerie. Construite en 1913 pour contenir un restaurant et des chambres pour célibataire. Ce bâtiment de style néo-normand accueille actuellement l'Orchestre Régional de Normandie.

La bibliothèque. Ouverte en 1952 sous le nom de Bibliothèque de l'Amicale du Personnel, elle déménagea en mars 1961 dans ses locaux actuels, auparavant annexe de l'Hôtellerie. En 1969, elle devint la Bibliothèque du Comité d'Entreprise de la SMN. En 1988, la SMN décida de se séparer de plusieurs équipements du Plateau ; la bibliothèque fut alors reprise en coopération avec la mairie de Mondeville en 1988. L'usine ayant fermé, la municipalité gère désormais seule cet équipement culturel.

L'école. Groupe scolaire construit en 1929.

L'ancienne école ménagère. Construit en 1929, ce bâtiment a été transformé en restaurant scolaire par la ville de Mondeville en 1996-1997.

L'ancienne école d'apprentissage.

Le Stade. Il est inauguré le pour servir à l'US Normande. En 2002, il prit le nom de Stade Michel Hidalgo, en hommage à l'ancien joueur du club.

L'église Notre-Dame-des-Travailleurs.

Il existait trois coopératives. La coopérative principale se trouvait à Clopée (ancien château de Clopée). Ce bâtiment a été détruit en 2009. La coopérative avait des annexes à Colombelles (Cité du Calvaire)[2] et sur le Plateau (Grande rue — actuellement bar et local commercial — et avenue du Point du Jour). On trouvait également des bains-douches. Ce bâtiment a été reconverti en logement.

À l'entrée du quartier, sur la route de Cabourg, on peut voir également les Grands Bureaux. Cet édifice a été construit en 1913 pour regrouper les services nécessaires au fonctionnement de la SMN. Après la fermeture de l'usine, le bâtiment a été reconverti en logements en 1999.

Les rues

Les noms des rues peuvent être classés en trois grandes familles :

  • référence à des équipements
    • rue de la Conciergerie
    • rue et avenue des Écoles
    • rue de la Renaissance (le théâtre)
    • rue de la Coopérative
    • rue du Stade et par extension rue des Sports
    • avenue des Deux Églises
    • rue Notre Dame des Travailleurs
    • rue du Garage
  • référence au dispositif urbain (description de l'axe ou du lieu)
    • rue Centrale
    • Grande Rue
    • rue Traversière
    • avenue et venelle du Rond-Point
    • avenue du Point du Jour (à l'est)
    • rue du Bois
    • avenue de la Falaise
    • rue des Belles Vues
    • rue des Balcons
    • rue des Champs
    • rue des Villas
    • rue des Taillis
    • rue des Buissons
    • Cité des Roches
    • place des Tilleuls
    • avenue des Érables
    • rue du Delta
  • référence à la botanique
    • allée du Romarin
    • allée du Basilic
    • allée des Clématites
    • allée des Capucines
    • allée des Chèvrefeuilles
    • allée des Glycines
    • rue des Marguerites

Personnalités liées

Annie Girardot a habité avec sa mère et son frère dans le bas de la rue du Stade à partir de 1943. Après les bombardements du , qu'ils subissent dans leur cave, ils se réfugient comme beaucoup d'habitants du Plateau dans les grottes de la rue des Roches où la future actrice cohabite alors, sans faire sa connaissance, avec Michel Hidalgo, un peu plus jeune qu'elle et dont la famille habitait aussi le Plateau[8], rue des Marguerites[9].

Notes et références

Notes

  1. Il s'agit des carrières de la rue des Roches à proximité immédiate du Plateau sur la commune de Mondeville[3].

Références

  1. a et b Jean Rémy, Gérard Prokop, Gérard Kielbasa, Caen la mer, La Société Métallurgique de Normandie : La cité-jardin du Plateau… (livret pédagogique), , 19 p., p. 9 ; 8
  2. a et b Carol Pitrou, Jacques Munerel, Colombelles, Saint-Cyr-sur-Loire, Editions Alan Sutton, coll. « Mémoire en Images », , 128 p. (ISBN 9782813800787), p. 98 ; 58
  3. Grégory Maucorps, « À Mondeville, découvrez cette carrière de la rue des Roches qui a servi d'abri aux civils en 1944 », Liberté - Le Bonhomme libre, no 9941,‎ , p. 4 (lire en ligne)
  4. Louise Delépine, « Résistants, victimes civiles : ils ont retracé le destin des morts du Plateau près de Caen », sur Ouest-France.fr, (consulté le )
  5. AUCAME, La cité du Plateau : Une cité-jardin issue du paternalisme industriel, coll. « Qu'en savons-nous? » (no 14), , 4 p.
  6. La Renaissance
  7. l’Orchestre régional de Basse-Normandie
  8. Agnès Grossmann, Annie Girardot, le tourbillon de la vie, 2010, (ISBN 978-2258084742)
  9. « France-Allemagne 1982, j'en rêve encore… », sur ouest-france.fr, Ouest-France (consulté le )
  • Alain Leménorel, « Le "Plateau" : une sociabilité sous contrôle au XX° siècle », Etudes normandes, nos 40-2 « Sociabilité normande »,‎ , p. 111-126 (lire en ligne)
  1. Leménorel 1991, p. 113-114.
  2. Leménorel 1991, p. 117.
  3. Leménorel 1991, p. 115.
  • Véronique Piantino, Gérard Prokop, Mémoires du Plateau : une cité ouvrière aux portes de Caen, Cabourg, Cahiers du temps, , 127 p. (ISBN 9782355070907)

Voir aussi

Bibliographie

  • Armand Frémont, « Ouvriers et ouvrières à Caen : les lieux de la vie », Norois, no 112 « Changements sociaux et culturels dans l'Ouest »,‎ , p. 615-627 (lire en ligne)

Articles connexes

Sur les autres projets Wikimedia :

Information related to Le Plateau (cité ouvrière)

Prefix: a b c d e f g h i j k l m n o p q r s t u v w x y z 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9

Portal di Ensiklopedia Dunia

Kembali kehalaman sebelumnya