Certaines entités territoriales contemporaines de fait souhaitent être reconnues de droit comme des États souverains, mais se heurtent au manque de la reconnaissance diplomatique internationale nécessaire pour être reconnues par les États existants et les organisations internationales interétatiques comme un nouvel État en droit international. Elles commencent donc leur existence en proclamant une déclaration unilatérale d'indépendance, qui reste à être reconnue par d'autres États.
Dans la pratique, on trouve des listes d'États reconnus internationalement par le fait qu'ils sont membres d'organisations internationales inter-étatiques, universelles ou régionales et ont donc ratifié ou adhéré à leur traité constitutif, ou parce qu'ils ont ratifié des traités bilatéraux avec d'autres États :
des États non membres de l'ONU, reconnus par un ou plusieurs États membres de l'ONU ;
des États non membres de l'ONU, reconnus par un ou plusieurs autres États non membres de l'ONU ;
des États ni membres de l'ONU, ni reconnus par un autre État.
Le présent article liste les quatre dernières catégories d’États.
Droit international
En droit international, nul ne peut passer une frontière sans un passeport ou un document d'identité émis par un État. Dans leurs pratiques concrètes, les entités non reconnues sur le plan international doivent demander, pour leurs ressortissants, des passeports à un État reconnu par l'ONU pour leur permettre de voyager. À titre d'exemple, les ressortissants de Chypre du Nord voyagent sous passeport turc, et ceux d'Abkhazie, d'Ossétie du Sud-Alanie ou de Transnistrie sous passeport russe. Toutefois, certaines entités non reconnues sur le plan international émettent leurs propres passeports reconnus pour les voyages internationaux, à l'image de la république de Chine (Taiwan). Pour légitimer leur revendication de reconnaissance internationale, les entités non reconnues sur le plan international opposent le droit à l'autodétermination à celui d'intégrité territoriale et organisent des référendums pour étayer cette légitimité[1].
Entités actuelles par niveau de reconnaissance
Les critères d'entrée sont :
trois éléments objectifs : un gouvernement effectif qui exerce sa souveraineté sur un territoire donné où est établie une population donnée, et
un élément subjectif : être reconnu comme un État par au moins un autre État.
États membres de l'ONU, non reconnus par au moins un État
La république populaire de Chine (RPC), proclamée en 1949, n'est pas reconnue par 12 États membres de l'ONU et un État observateur non-membre (l'ensemble des 13 États ayant des relations diplomatiques avec la république de Chine), et un État non-membre (Taïwan). Plusieurs États ont manifesté leur intérêt à reconnaître simultanément la RPC et la république de Chine, mais se heurtent au refus de la RPC en vertu du principe d'une seule Chine[4],[5],[6],[7],[8]. Selon la résolution 2758 de l'Assemblée générale des Nations unies, la RPC est le seul représentant légal de la Chine aux Nations unies[Note 1].
Taïwan considère être le seul gouvernement légal de l'ensemble de la Chine, tant que le PCC ne permettra pas d'élections libres en RPC.
Chypre, indépendante depuis 1960, n'est pas reconnue par un membre de l'ONU (Turquie) et un État non-membre (Chypre du Nord), à la suite de la partition de l'île.
La république populaire démocratique de Corée, indépendante depuis 1948, n'est pas reconnue par plusieurs membres de l'ONU : les États-Unis, le Japon, la France, l'Estonie ainsi que la république de Corée[16].
La République arabe sahraouie démocratique proclame son indépendance en 1976 et dispute la souveraineté du Sahara occidental au Royaume du Maroc. En 2011, elle est reconnue par 31 États membres de l'ONU et est membre de l'Union africaine. Plusieurs États se sont depuis rétractés, déclarant attendre le résultat d'un référendum d'auto-détermination, 57 conservant des liens diplomatiques[62],[63]. Le Sahara occidental n'est pas reconnu comme part du Royaume du Maroc par plusieurs États, mais une cinquantaine de pays soutiennent l'Initiative marocaine pour le Sahara occidental. L'« intégrité territoriale » du Royaume du Maroc est favorisé par la Ligue arabe. La Résolution 34/37 de l'Assemblée générale des Nations unies reconnaît le droit au peuple du Sahara occidental le droit à l'auto-détermination et reconnaît le Front Polisario comme représentant de ce peuple. Le Sahara occidental est considéré comme un territoire non autonome par l'ONU.
La république de Chine (aussi appelée Taïwan), formée constitutionnellement en 1912, est actuellement reconnue comme État par 12 États membres de l'ONU (Belize, Eswatini, Guatemala, Haïti, Îles Marshall, Nauru, Palaos, Paraguay, Saint-Christophe-et-Niévès, Sainte-Lucie, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Tuvalu) et le Saint-Siège[65]. Tous les autres États membres de l'ONU ne reconnaissent pas officiellement la république de Chine comme État ; certains voient son territoire comme de jure faisant part de la république populaire de Chine pendant que d'autres évitent de prendre position[Note 1]. Au fil des ans, la république de Chine a pris des positions variées vis-à-vis des États souhaitant reconnaître et la république populaire de Chine et la république de Chine[67].
La République populaire de Chine considère que la république de Chine n'existe plus juridiquement et réclame la souveraineté sur les territoires qu'elle contrôle ; la république de Chine considère que les autorités de la république populaire de Chine sont illégitimes tant qu'un seul parti monopolise le pouvoir et tant que des élections libres n'auront pas lieu ; les nationalistes taïwanais considèrent l'île comme un pays à majorité chinoise mais différent de la Chine, à l'image de Singapour, et revendiquent l'indépendance.
La république turque de Chypre du Nord proclame son indépendance en 1983. Elle est actuellement reconnue par un État membre de l'ONU, la république de Turquie. Elle est membre observateur de l'Organisation de la coopération islamique sous le nom de « État chypriote turc ». La résolution 541 du Conseil de sécurité des Nations unies considère comme invalide l'indépendance de la Chypre du Nord[69].
La République de Moldavie considère la Transnistrie comme part de son territoire souverain, en tant qu'"Unité territoriale autonome du Dniestr" (UTD). Mais la RMN ne contrôle pas tout le territoire de l'UTD, et elle contrôle en revanche la ville de Tighina et quelques autres territoires qui n'en font pas partie.
Le Somaliland accède en 1960 à l'indépendance par rapport au Royaume-Uni après la décolonisation du Somaliland britannique et fusionne avec la Somalie italienne pour former la Somalie quelques jours plus tard. En 1991, il déclare son indépendance. Depuis 2023, le Somaliland est reconnu en tant qu'État par la République de Chine[77]. Cette dernière et le Somaliland ont des bureaux de représentation mutuelle dans leurs pays respectifs[78],[79]. Le Somaliland n'est officiellement reconnu par aucun État membre des Nations unies, bien qu'il entretienne des relations officieuses avec un nombre limité d'entre eux. En janvier 2024, un accord est signé avec l’Éthiopie qui devrait aboutir sur une « reconnaissance formelle » du pays[80],[81].
Le Front national de résistance combat les talibans et considère l'Afghanistan comme faisant partie de son territoire souverain de la république islamique d'Afghanistan, toujours reconnue par l'ONU avec un représentant auprès des Nations Unies, mais dépourvue de dirigeants.
Par définition, les peuples isolés n'y sont pas inclus car s'ils contrôlent de facto un territoire, ils ne possèdent pas de structures assimilables à un État. Les micronations ne sont pas intégrées même lorsqu'elles sont reconnues par d'autres micronations, du fait du débat sur le contrôle réel d'un territoire par ces entités.
Les situations de guerre civile ou de vacance du pouvoir sont par définition trop instables et changeantes pour être incluses. Par exemple la guerre civile syrienne a fait émerger des entités indépendantes de fait, au territoire fluctuant, mais que d'autres belligérants souhaitent ré-annexer au terme de la guerre. L'organisation État islamique (qui revendique la totalité du territoire des états reconnus où il est implanté) et le Rojava (Kurdistan syrien) sont deux entités ayant tenté récemment, sans succès, d'évoluer vers les prérogatives d'un État. Les mouvements indépendantistes et les gouvernements en exil qui ne contrôlent par définition pas un territoire sont aussi exclus.
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Selon Thomas D. Grant
Selon l'avocat en droit international Thomas D. Grant, deux doctrines traditionnelles détaillent le moyen par lequel un État souverain peut être reconnu par ce qu'il appelle la « communauté internationale ». La théorie « déclarative » dispose qu'un État est reconnu par le droit international public s'il adhère à quatre critères : un territoire défini, une population fixe, un gouvernement, la capacité d'établir des relations avec d'autres États. Par contraste, la théorie « constitutive » définit un État comme reconnu par le droit international public s'il est reconnu par au moins un État membre de la « communauté internationale »[87].
Selon lui, plusieurs entités entrent dans une ou chacune de ces deux définitions, sans pour autant être reconnues internationalement. La non-reconnaissance est souvent le résultat de conflit contre un ou plusieurs États qui considèrent que l'entité fait partie de leur territoire. Parfois, comme dans le cas de la république populaire de Chine et la république de Chine, deux entités revendiquent le même territoire, tout en en contrôlant chacune une partie.
Dans de nombreux cas, la non-reconnaissance diplomatique peut être due à :
la présence d'une armée étrangère qui empêche l'exercice de la pleine souveraineté par l'entité contrôlant partiellement le territoire et revendiquant l'indépendance (cas par exemple de Tsahal empêchant l'Autorité palestinienne de proclamer l'indépendance d'un État de Palestine).
Certaines entités ne contrôlent aucun territoire ou n'entrent pas entièrement dans les critères « déclaratifs » mais sont néanmoins reconnus comme États de jure par au moins un autre État : ce sont les gouvernements en exil (cas par exemple du Sahara occidental, où c'est l'appartenance de ce territoire au Maroc qui n'est pas internationalement reconnue).
↑ a et bLa république de Chine et la république populaire de Chine revendiquent la souveraineté de la Chine entière, la considérant comme de jure une seule entité, regroupant les zones contrôlées par les deux États. Les positions des autres États varient. Plusieurs États considèrent qu'il n'y a qu'une seule Chine et que la république populaire de Chine est le seul interlocuteur légitime. D'autres États se rapprochent de cette position mais en reconnaissant seulement la république populaire de Chine comme État. Plusieurs États reconnaissent la république de Chine comme un État, mais émettent un intérêt dans l'établissement de relations avec les deux entités[66].
Références
↑Depuis son indépendance, la Transnistrie a organisé des référendums sur son autodétermination en 1992, 1994, 1996, 1999, 2001 et 2006 : « Dniester region to hold referendum on independence », ITAR-TASS, .
↑(en) Ron Crocombe, Asia in the Pacific Islands : Replacing the West, University of the South Pacific, Institute of Pacific Studies, (lire en ligne), p. 258
↑(en) Sait Akşit et Costas Melakopides, The influence of Turkish military forces on political agenda-setting in Turkey, analysed on the basis of the Cyprus question, Parlement européen, (lire en ligne [PDF]).
↑ a et b« Palestinians 'may declare state' », BBC News, British Broadcasting Corporation, (lire en ligne, consulté le ):"Saeb Erekat, disagreed arguing that the Palestine Liberation Organisation had already declared independence in 1988. "Now we need real independence, not a declaration. We need real independence by ending the occupation. We are not Kosovo. We are under Israeli occupation and for independence we need to acquire independence".
↑Saed Bannoura, « 124 Out Of 193 Countries Recognize Palestinian Independence », IMEMC News, International Middle East Media Center, (lire en ligne, consulté le )
↑Romain Geoffroy, « Quels sont les pays qui reconnaissent un Etat palestinien ? », Le Monde, (lire en ligne, consulté le ).
↑Toby Shelley, « Spotlight on Morocco », West Africa, London, West Africa Publishing Company Ltd, nos 3712–3723, , p. 2282« ...the SADR was one of the first countries to recognise the state of Palestine. »
↑Israel's Disengagement Plan: Renewing the Peace Process: « Israel will guard the perimeter of the Gaza Strip, continue to control Gaza air space, and continue to patrol the sea off the Gaza coast.... Israel will continue to maintain its essential military presence to prevent arms smuggling along the border between the Gaza Strip and Egypt (Philadelphi Route), until the security situation and cooperation with Egypt permit an alternative security arrangement. »
↑(en) Richard Bush III, The Role of the United States in Taiwan-PRC Relations : Taiwan: Beyond the Economic Miracle, M.E. Sharpe (ISBN978-0-87332-879-1 et 0-87332-879-5, lire en ligne), p. 358
↑(en) Global Investment and Business Center, Inc. Staff, Taiwan Foreign Policy and National Security Yearbook, International Business Publications, , 350 p. (ISBN978-0-7397-3660-9 et 0-7397-3660-4, lire en ligne)
↑ a et b(en) James Ker-Lindsay, The Foreign Policy of Counter Secession : Preventing the Recognition of Contested States, Oxford University Press, (lire en ligne), p. 53
« ...there are three other territories that have unilaterally declared independence and are generally regarded as having met the Montevideo criteria for statehood but have not been recognized by any states: Transnistria, Nagorny Karabakh, and Somaliland. »
↑A. C. Breycha-Vauthier, L'ordre S. M. Jerosolymitain de Malte, Évolutions récentes autour d'une ancienne organisation internationale, 1956, Max-Planck-Institut für ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht, p.502