Le malgache (autonyme : malagasy) est la langue nationale et l'une des langues officielles de Madagascar. C'est une langue normalisée, principalement dérivée du dialecte parlé sur les hautes terres centrales.
Sous ses formes dialectales, le malgache est parlé dans tout Madagascar où il est la seule langue autochtone. Il est également parlé à Mayotte sous le nom de shibushi dans une vingtaine de villages[3].
Introduction
Le malgache fait partie d'un ensemble linguistique comprenant plus d'une vingtaine de « variantes » locales, qualifiées habituellement de « dialectes ».
Sur le plan lexical, plus de 90 % du vocabulaire traditionnel de la langue malgache dont on peut identifier la filiation remonte à des origines austronésiennes[4]. Le reste est d'origine bantou, arabo-swahili ou sanskrite. Et encore, ces derniers mots, totalisant pour chaque groupe quelques dizaines d'éléments à peine, sont en général cantonnés à des domaines d'activités particuliers. Ainsi les mots d'origine bantou se retrouvent surtout dans le domaine de l'élevage (tels que omby, ondry, akoho) et ceux swahilis celui de certains objets commerciaux, du calendrier et de la divination (alahady, adaoro, sikidy, etc.). Les plus anciens emprunts semblent ceux d'origine sanskrite à travers le malais (tsara, soa, sahaza, sandry, sisa, hetsy), remontant vraisemblablement au voisinage avec les navigateurs malais au cours du premier millénaire. Ce sont en effet les peuples malayophones qui, en Asie du Sud-Est ont été les premiers à subir l'influence des cultures indiennes.
L'écriture moderne de la langue malgache en alphabet latin fut fixée par décret le , à la suite d'une concertation entre le roi Radama Ier et les missionnaires britanniques qui venaient d'introduire l'imprimerie dans le royaume. Le principe retenu fut alors que les consonnes devaient s'écrire comme en anglais et les voyelles comme en italien. Auparavant, quelques lettrés du royaume utilisaient déjà l'alphabet arabe (sora-be ou « Noble écriture ») développé dans le sud-est de l'île.
Le fait que la langue malgache soit originaire d'Indonésie ne doit néanmoins pas faire hâtivement conclure que son ancêtre était ou s'écrivait comme le vieux-malais avec un alphabet de type indien.
La langue malgache possède un vocabulaire très riche (certains dictionnaires malgaches possèdent en effet plus de soixante mille mots)[5]. La richesse du vocabulaire la rend propre à exprimer avec précision les choses abstraites, la poésie et l'image. Le problème majeur de la langue malgache est qu'elle a un vocabulaire très restreint en ce qui concerne la science et les techniques[6].
Depuis le XIXe siècle, la langue malgache a emprunté un nombre considérable de mots aux langues européennes, en particulier le français et l'anglais, comme latabatra (table), seza (chaise), birao (bureau), tarigetra (de l'anglais target), sekoly (de l'anglais school).
Dans l'aspect actuel de l'orthographe, qui comporte 21 lettres (à savoir les 26 lettres standards de l’alphabet latin moins le c, le q, le w, le u et le x), le o se prononce comme le « ou » français (encore que dans certaines régions, notamment dans les régions côtières — nord, nord-ouest, ouest... et pas que dans les campagnes —, il puisse aussi se prononcer comme en français). En revanche, la diphtongue ao tend à se prononcer comme un simple o. Le i se trouvant à la fin de chaque mot s’écrit toujours y lequel est quasiment muet. Le e est prononcé comme un é français. Pour les consonnes, le tr et le dr représentent des alvéolaires affriquées, proches du « tram » et du « dream » de l'anglais, avec davantage d'insistance sur le r qui est toujours roulé, comme en italien. Le g est dur, comme dans « gare ». Le s, est toujours sourd (comme le ss en français), et légèrement chuinté. Le ts se prononce comme dans « tsigane ».
L'accent tonique tombe en général sur l'avant-dernière syllabe du mot, à moins que celui-ci ne se termine en -ka, -tra, ou -na, auquel cas l'accent tombe sur l'antépénultième. Les voyelles inaccentuées se trouvant à la fin de chaque mot sont à peine prononcées.
D'un point de vue linguistique, le « malgache » désigne un groupe de 11 dialectes étroitement apparentés et parlés par les 18 peuples malgaches et sur l’île de Mayotte. Le « malgache du plateau » est le malgache officiel, il est compris par la plupart de la population même si l'usage des dialectes reste courant.
Les locuteurs eux-mêmes ont cependant des origines diverses et, comme la formation de chaque groupe ethno-linguistique peut remonter à plusieurs siècles (et même sans doute, plus d'un millénaire pour certains!), avec ensuite un isolement relatif dans un vaste espace, il est parfaitement normal que bien des différences soient apparues.
Dans d'autres parties du monde, des populations de même origine, habitant dans un espace restreint, pratiquant des langues héritant de vieilles traditions écrites mais séparées par des limites d'ordre administratif n'arrivent plus à communiquer avec aisance au bout de quelques siècles.
De manière très schématique, il semblerait ainsi que l'on pourrait répartir les manifestations linguistiques de Madagascar en deux grands ensembles, en partant des différences phonétiques. Le premier regroupe les « langues » ou « dialectes » du littoral occidental et méridional, et le second ceux du centre et de la bande orientale. Entre les deux cependant, bien des signes indiquent des interpénétrations, révélant des contacts ou des déplacements ultérieurs de populations, ce que confirment parfois les traditions historiques.
Une comparaison du vocabulaire de base à partir d'une adaptation de la liste Swadesh permet d'obtenir le tableau suivant :
(Adapté de : Pierre Vérin, Conrad P. Kottak et Peter Porlin (1969). « The Glottochronology of Malagasy Speech Communities.» Oceanic Linguistics 8:1.58)
Les alvéolaires s, z et l sont légèrement palatalisées. Tandis que les vélaires k et g sont palatalisées après /i/ comme dans alika qui se prononce [a'likʲə̥] (chien) ; dans l'ancienne orthographe malagasy datant du XIXe siècle, ces palatalisations étaient marquées par un i après le k, ce qui donnait alikia qui se prononce [a'likʲə̥][8].
L’accent tonique porte en général sur l’avant-dernière syllabe, sauf pour les mots se terminant par ka, tra ou na, auquel cas l’accent porte sur l’antépénultième syllabe. Cette règle s'applique sur les radicaux mais s'applique rarement aux substantifs formés à partir du verbe.
Les lettres o, y et a sont souvent amuïes lorsqu'elles sont après l'accent tonique. Respectivement, elles labialisent et palatalisent les consonnes les précédant, quant au a, sa prononciation est très proche du [ə̥] (schwa muet).
Écriture et prononciation
Des dialectes malgaches ont été écrits en caractères arabes avec leur arrivée sur l'île au Moyen Âge. Les prières en langue malgache (Tanosy) qui se trouvent dans le livre Histoire de l'isle de Madagascar, écrit par Flacourt au XVIIe siècle, sont les premières écrites en caractères latins. Le malgache officiel (Merina) s’écrit avec l’alphabet latin depuis 1823. L’alphabet malgache comporte 21 lettres :
a, b, d, e, f, g, h, i, j, k, l, m, n, o, p, r, s, t, v, y, z.
L’orthographe est à peu près phonétique :
« i » et « y » représentent le phonème /i/ (« y » est utilisé en position finale, « i » partout ailleurs). Suivant les différents accents régionaux, le y peut se prononcer /e/ comme le « é » en français;
« o » se prononce /u/ comme le « ou » en français ;
« tr » et « dr » représentent respectivement les phonèmes affriqués /ʈr/ et /ɖr/ ;
« ts » et « j » représentent respectivement les phonèmes /t͡ʂ/ et /d͡ʐ/ ;
Le « h » est généralement muet.
Les voyelles, quelles qu'elles soient, sont généralement muettes en fin de mot. Exemples de prononciation : dites 'Mass' pour Maso et 'Lanitch' pour lanitra.
L’accent tonique est indiqué à l’aide de l’accent grave. Celui-ci est notamment indiqué lorsqu’il y a ambigüité et est placé sur la voyelle de la syllabe accentutée du mot irrégulier, par exemple :
L’accent circonflexe sert noter la lettre ô, utilisé dans certains mots d’emprunt ou dans certaines variétés du malgache, selon le décret no 17-603 AC du 10 novembre 1965[11].
Certaines variétés du malgache utilisent des lettres additionnelles, dont deux ont été introduite par le décret no 62-404 du 9 aout 1962 :
le n̂ pour noter le n vélaire, devant un radical commençant par e ou i, par exemple : man̂embana (man+embana) « voler » et manembana (man+sembana) « déranger » ;
le n̈ pour noter le n palatal, devant un radical commençant par a ou o, par exemple : man̈asa (man+asa) « aiguiser » et manasa (man+sasa) « laver »[12].
Le n vélaire est souvant écrit avec ñ plutôt qu’avec n̂, et le y portant l’accent tonique parfois écrit avec ÿ plutôt que ỳ[13],[14].
L’alphabet sorabe
Avant l'adoption de l'alphabet latin au début du XIXe siècle, les Malgaches utilisaient un alphabet d’origine arabe, l’écriture ʿajami ou sora-be, était utilisée pour les textes d’astrologie et de magie. Le mot sorabe vient de soratra, « écrire », et be, grand. Le mot soratra vient lui-même du malais et du javanais surat, « texte écrit », ce qui laisse supposer que la notion d’écriture a été introduite à Madagascar par des « Indonésiens », probablement des Javanais. On constate en effet par exemple que dans les sorabe, les lettres arabes « dāl » et « ta » sont respectivement réalisées par un point souscrit aux lettres « d » et « t », tout comme l’alphabet pegon, version javanaise de l’écriture arabe, respectivement les rétroflexes « ḍ » et « ṭ », distinctes du « d » et du « t » en javanais. Ce trait laisse supposer que les Malagasy ont appris l’écriture arabe des Javanais.
Si tel est le cas, ce processus a dû avoir lieu lors de contacts poursuivis après la période des migrations d’« Indonésiens » à Madagascar. Un trait du lexique malgache laisse penser que les contacts avec les Malais et les Javanais se sont poursuivis à l’époque où l’influence de l’islam a commencé à être sensible en Indonésie. Par exemple, le mot malagasy sombily, « égorger (un animal) », vient du malais sembelih, « égorger selon le rite musulman », qui est lui-même une corruption de l’expression arabe b’ismi’llahi [bεsmεlæh], « au nom de Dieu », prononcée au moment où l’on égorge l’animal. Le mot malgache ne vient pas de l’arabe, qui a un autre mot pour « égorger », mais d’Indonésie à une époque où l’islam imprégnait déjà la société.
↑soit phonétiquement : ˈte.ra.ka ˈa.faka si mʲi.ˈtuvʲ ˈzu si faː.me.ˈnɖʐeɐna ni ˌu.lum.ˈbe.lu.na reːʈʂ ˈsamʲ ˌma.nan.ˈtsajna si fi.e.ri.ʈʂe.ˈre.ta.na ka ˈtu.kunʲ i.fam.pi.ˈtunɖʐ am.pi.raː.la.ˈinɐ
↑K. A. Adelaar, « Les langues austronésiennes et la place du malagasy dans leur ensemble », Archipel, vol. 38, no 1, , p. 25–52 (DOI10.3406/arch.1989.2588, lire en ligne, consulté le )
(en) Adelaar, K. Alexander, « Chapter 4. Borneo as a Cross-Roads for Comparative Austronesian Linguistics », The Austronesians - Historical and Comparative Perspectives (Peter Bellwood, James J. Fox et Darrell Tryon éds.), Australian National University, 2006
Dez, Jacques (1963). « Aperçus pour une dialectologie de la langue malgache », Bulletin de Madagascar, no 204, p. 441-451; no 205, p. 507-520; no 206, p. 581-607; no 210, p. 973-994.
Jacques Dez, « La linguistique malgache bref : aperçu historique », Histoire Épistémologie Langage, vol. 5, , p. 1-96 (lire en ligne)
Ferrand, Gabriel (1909). Essai de phonétique comparée du malais et des dialectes malgaches. Paris: Geuthner.
Noël J. Gueunier et Solo Raharinjanahary, « Rakibolana ho an’ny Ankizy. Miampy Rakipahalalana. 8 taona miakatra. Atolotr’i Manoa, Retsihisatse ary Velo [« Dictionnaire pour les Enfants. Suivi d’une Encyclopédie. 8 ans et au-dessus. Présenté par Manoa, Retsihisatse et Velo »] », Études océan Indien, vol. 45, (DOI10.4000/oceanindien.931, lire en ligne)
Houlder, John Alden, Ohabolana, ou proverbes malgaches, Imprimerie Luthérienne, Tananarive, 1960 (rééd.)
Antoine Mampitovy, Voambolana sy ohabolana zafisoro, (lire en ligne)
Muriel Nicot-Guillorel, L’appropriation de l’écrit en contexte scolaire multilingue : La situation de Madagascar. Des résultats des élèves en malgache et en français aux pratiques d’enseignement-apprentissage., Université Rennes 2, (HALtel-00370482, lire en ligne)
[Rajaonarimanana 1995b] Narivelo Rajaonarimanana, Grammaire moderne de la langue malgache: Méthode de malgache, L’Asiathèque, (ISBN9782901795889)
Oliva Ramavonirina, « Les caractères spéciaux dans l’orthographe courante: le cas du malgache », Cahiers du Rifal, vol. 23 « Le traitement informatique des langues », , p. 73-75 (lire en ligne)
Wittmann, Henri (1972). « Le caractère génétiquement composite des changements phonétiques du malgache », Actes du Congrès international des sciences phonétiques 7.807-10. La Haye: Mouton.[1]
« Les tentatives de description du betsimisaraka et du sakalava de l’Abbé Dalmond, missionnaire à Madagascar de 1837 à 1847 », dans Staudacher-Villiamee (dir.), L’écriture et la construction des langues dans le sud-ouest de l’Océan Indien, L'Harmattan et Université de La Réunion, .