Paul Delaroche est issu d'une famille aisée. Fils de Marie Catherine Begat et de Grégoire-Hippolyte de la Roche (1761-1839), son père est expert en tableaux et marchand d'art. Le jeune-homme devient l'élève de Louis Étienne Watelet, puis de Antoine-Jean Gros, alors que son frère aîné Jules (1795-1849), également artiste-peintre, est l'élève de Jacques-Louis David.
Il expose pour la première fois au Salon de 1822, et attire l'attention de Géricault[2].
Il ne commence à être remarqué qu'au Salon de 1824 où sont exposés Saint Vincent de Paul prêchant pour les enfants trouvés et Jeanne d'Arc dans sa prison.
Au fil des expositions, il devient connu pour être l'initiateur de l'« anecdote historique », un genre à vocation documentaire et à sensibilité dramatique qui connaît un grand succès et qui s'inscrit dans la veine de la peinture d'histoire. Si Paul Delaroche est un des peintres les plus célèbres de son temps, c'est en grande partie dû au fait que le genre dont il s'est fait une spécialité convient parfaitement à l'idéal du mouvement artistique du « juste milieu » de la monarchie de Juillet.
Il expose dans les années suivantes : La Mort d'Elisabeth, Miss MacDonald secourant le Prétendant, Les Enfants d'Édouard (1830), l'un de ses tableaux les plus populaires, Richelieu traînant ses prisonniers sur le Rhône, Mazarin mourant, Strafford marchant au supplice, Charles Ier insulté par des soldats de Cromwell, Cromwell regardant le cadavre de Charles Ier, Le Supplice de Jane Grey (1833), L'Assassinat du duc de Guise.
Il est admis à l'Institut de France en 1832, où il est alors le plus jeune membre. Il est nommé, peu après, professeur à l'École des beaux-arts de Paris, où il enseigne jusqu'en 1843, date à laquelle un bizutage tragique, qui cause la mort d'un élève, le contraint à fermer son atelier[3].
À partir de 1836, il cesse d'exposer, mais continue à travailler sans relâche : il met quatre ans pour achever la peinture murale de Le Génie des arts entouré des artistes de tous les temps distribuant des couronnes de l'amphithéâtre de l'École en 1841, une vue panoramique qui rassemble 75 figures des plus grands artistes de toutes les époques. Les trois siégeant au centre sont Ictinos, Apelle et Phidias[4].
Parmi ses autres œuvres, on remarque Bonaparte franchissant les Alpes, Napoléon à Sainte-Hélène, Marie-Antoinette après sa condamnation, La Cenci marchant au supplice, Le Dernier adieu des Girondins, et plusieurs sujets religieux : Moïse exposé sur le Nil, Le Christ à Gethsemani, Le Christ sur la croix, Le Christ des affligés, L'Ensevelissement du Christ, La Vierge au pied de la croix, La Vierge chez les saintes femmes, La Vierge en contemplation devant la couronne d'épines, une Jeune martyre.
Paul Delaroche peint également pour le musée de Versailles : Le Baptême de Clovis, Le Sacre de Pépin, Le Passage des Alpes par Charlemagne et son Couronnement à Rome. Il exécute un grand nombre de portraits, parmi lesquels ceux de Guizot, Lamartine[2], Salvandy, Rémusat et Thiers.
Après avoir vu pour la première fois un daguerréotype il aurait prophétisé, selon Gaston Tissandier : « À partir d'aujourd'hui la peinture est morte. » Cependant, cette citation, sans doute apocryphe, est contestée par Stephen Bann, pour qui il n'existe pas de phrase plus ressassée et plus fallacieuse[6].
Proche de l'archéologue-égyptologue Charles Lenormant, il compose avec lui les vingt volumes du Trésor de numismatique et de glyptique (1831-1850)[7].
Il épouse le 28 janvier 1835 Louise Vernet, fille d'Horace Vernet[2], dont la mort prématurée en 1845 assombrit ses dernières années[8]. Leur descendance a joint les deux noms et s'appelle encore de nos jours Delaroche-Vernet.
L'œuvre peint a bénéficié d'être reproduit par de nombreux graveurs du vivant de l'auteur qui étaient proches de la galerie Goupil, connue internationalement, laquelle employait Henriquel-Dupont, Luigi Calamatta, Paolo Mercuri, Pierre Martinet, et d'autres, puis elle la fit même photographier dès 1858 par Robert Jefferson Bingham. De nombreuses toiles deviennent ainsi des « chromos », des images inscrites dans le quotidien du foyer, marquant les générations. C'est donc un peintre connu du grand public au XIXe siècle et sa popularité met en lumière l'histoire et l'évolution des goûts en termes d'art et de représentations, comme le résume Henri Delaborde dans son éloge (1857)[10] :
« À côté de M. Ingres et de M. Delacroix qui n'avaient et ne pouvaient avoir, en raison de leur absolutisme, qu'une action circonscrite sur le goût public, il y avait place pour un artiste dont le rôle consisterait à concilier, au moins en apparence, les doctrines ennemies et à se faire l'interprète des aspirations de tous. M. Delaroche prit ce rôle difficile et il le remplit avec un plein succès. »
Le Sacre de Pépin, Versailles, musée de l'Histoire de France.
Le Couronnement à Rome, Versailles, musée de l'Histoire de France.
Dessins
La Lecture de la Bible, fusain et rehauts de pastel et de craie blanche, 21,5 × 27,7 cm[13]. Paris, Beaux-Arts de Paris[14]. D'une facture très achevée, ce dessin met en scène Thomas More, personne emblématique de la Renaissance anglaise (décapité en 1535 sous henri VIII), dans un cadre familier qui contraste avec son destin tragique. Assis à une table il fait la lecture à ses quatre enfants qui boivent ses paroles.
La Mort du chevalier Bayard, plume, encre brune et aquarelle, 10,2 × 14,9 cm[15]. Paris, Beaux-Arts de Paris[16]. Delaroche fait écho à l'intérêt porté dans les années 1820 à Pierre Terrail, seigneur Bayard le chevalier "sans peur et sans reproche". Souvent portraituré lors d'épisodes glorieux, Delaroche choisit ici de représenter sa mort. Chemise ouverte, casque posé à terre et entouré de soldats reccueillis auprès de lui, cette interprétation ne pouvait qu'émouvoir le public.
↑ ab et cGrand Larousse Encyclopédique en dix volumes, t. 3, , p. 881.
↑(en) Mary Lathers, Encyclopedia of the Romantic Era, 1760-1850, Christopher John Murray éd., New York, Routledge, 2013, p. 275, 1336 p. (ISBN978-1-13545-579-8).
↑Alain Bonnet, « Une histoire de l’art illustrée : l’hémicycle de l’École des beaux-arts par Paul Delaroche », Histoire de l'art, vol. 33, no 1, , p. 17–30 (DOI10.3406/hista.1996.2713, lire en ligne, consulté le )
↑Charles Lenormant et Paul Delaroche (éditeurs), Trésor de numismatique et de glyptique, ou Recueil général de médailles, monnaies, pierres gravées, bas-reliefs, tant anciens que modernes, les plus intéressants sous le rapport de l'art et de l'histoire, avec figures gravées par Henriquel-Dupont (procédé Achille Collas), Paris, Rittner et Goupil et Vve Lenormant, 1831-1850, en 20 volumes — lire en Gallica.
↑Amédée Durande, Joseph, Carle et Horace Vernet. Correspondance et biographies, Paris, Hetzel, (lire en ligne), p. 103.
↑Sous la direction d’Emmanuelle Brugerolles, Le dessin romantique, de Géricault à Victor Hugo, Carnets d’études 50, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2021, p 99-102, Cat. 18
↑Sous la direction d’Emmanuelle Brugerolles, Le dessin romantique, de Géricault à Victor Hugo, Carnets d’études 50, Beaux-Arts de Paris les éditions, 2021, p 103-105, Cat. 19
Marie-Pierre Foissy-Aufrère, La "Jeanne d'Arc" de Paul Delaroche : Salon de 1824 : exposition au Musée des beaux-arts de Rouen, 15 janvier-14 mars 1983, Rouen, Musée des beaux-arts, , 146 p. (BNF34740181).
(en) Stephen Bann, Painting history : Delaroche and Lady Jane Grey : exhibition, National Gallery, London, from 24 February to 23 May 2010, New Haven, Yale university press, , 168 p. (ISBN978-1-85709-479-4, BNF42160516).
Stephen Duffy, Paul Delaroche, 1797-1856 : paintings in the Wallace collection : exhibition held at the Wallace collection, London, 11 September 1997-12 January 1998, Londres, Trustees of the Wallace collection, (ISBN0-900785-62-4, BNF37625004).
Claude Allemand-Cosneau (dir.) et Isabelle Julia (dir.), Paul Delaroche : un peintre dans l'Histoire : exposition : Nantes, Musée des beaux-arts, 22 octobre 1999-17 janvier 2000, Montpellier, Pavillon du Musée Fabre, 3 février-23 avril 2000, Nantes, Paris, Montpellier, Musée des beaux-arts ; Réunion des musées nationaux ; Musée Fabre, , 333 p. (ISBN2-7118-3879-X, BNF37058595).
Laure Boyer, « Robert Jefferson Bingham, photographe du monde de l'art sous le Second Empire », Études photographiques, no 12, , p. 21 (texte en ligne).