Port militaire de CherbourgPort militaire de Cherbourg
Le port militaire de Cherbourg ou arsenal de Cherbourg est une base navale de la Marine nationale française constituée d'un ensemble d’installations militaires et navales situé dans la rade de Cherbourg, dans le département de la Manche, en région Normandie. Il s’agit de la troisième base navale française, après celle de Toulon et celle de Brest. HistoriqueCherbourg, place forte depuis l'époque romaine, fut l'une des forteresses les plus solides de la guerre de Cent Ans. Mais la cité ne dispose jusqu'au XVIIIe siècle que d'un port d'échouage, aux faibles activités commerciales et sans aménagement militaire. Le projet d'aménager la côte cherbourgeoise pour permettre aux navires de passage de se mettre à l'abri des attaques et des tempêtes apparaît au XVIIe siècle sous la plume de Vauban qui propose de quadrupler la taille de la ville et de créer une rade artificielle. Abandonné, le projet est à nouveau envisagé par Louis XV jusqu'à la descente anglaise de 1758 qui ravage le port de commerce à peine achevé. Désireux, dans le contexte de la guerre d'indépendance des États-Unis, de disposer d'un grand port militaire sur la Manche, comparable à celui de Brest sur l'Atlantique, Louis XVI décide l'édification d'un port militaire dans le Cotentin. En 1777, deux projets lui sont présentés : l'ingénieur en chef des Ponts et chaussées et des ports de la généralité de Caen, Armand Lefebvre, prévoit dans le premier la fortification de la rade de Cherbourg autour du port de commerce agrandi. Choquet de Lindu, directeur du génie maritime, privilégie dans le second la construction d'un arsenal de première classe à La Hougue. Une étude de comparaison entre les deux rades est alors ordonnée, sous l'autorité de La Couldre de La Bretonnière, qui conclut à la supériorité de la rade de Cherbourg, proposant qu'elle soit « couverte par une jetée de deux mille toises de long, située entre la pointe de Querqueville et les récifs de l'île Pelée », assise sur un fond de 20 mètres. Pour La Bretonnière, il faut asseoir la digue sur des vieux bâtiments de guerre immergés et de pierres perdues, et de la maçonner sur sa partie supérieure. Mais on préfère le projet innovant de Cessart consistant en une digue à claire-voie, par l'immersion de 90 cônes de bois lestés de pierres, de 30 mètres de diamètre à la base et 20 mètres de hauteur. Les travaux débutent dans les années 1780. L'île Pelée est fortifiée tandis qu'on immerge, en présence du roi, des cônes en bois, ensuite remplis de pierre, au large du port pour servir de fondations à une digue. Mais les crédits s'épuisent rapidement, ne permettant l'immersion que de 18 cônes lorsque les travaux sont interrompus par la Révolution française. Ils reprennent à la demande du Premier consul Bonaparte en 1803 (décret du 25 germinal an XI ()), avec pour objectif l'invasion de l'Angleterre. En 1813, la digue du large qui fait de la rade de Cherbourg la plus grande rade artificielle au monde est achevée. Il charge l'ingénieur Joseph Cachin du creusement, à l'ouest de la ville, de l'avant-port militaire, inauguré le par l'impératrice Marie-Louise, et décide de déplacer l'Arsenal au même endroit. À partir de 1803, protégé des attaques anglaises, Cherbourg devient un repaire de corsaires. Les bassins Charles X (commencé en 1814, 290 × 220 × 18 mètres) et Napoléon III (commencé en 1836, 420 × 200 × 18 mètres) sont respectivement inaugurés le en présence du Dauphin (Louis-Antoine d'Artois)[1], et le par le couple impérial. Ces travaux titanesques de près d'un siècle, qui ont coûté entre 3 et 4 millions de francs or par an, s'achèvent alors que, depuis 1815, le Royaume-Uni n'est plus le grand adversaire. L'ancien port de pêche et de commerce modeste devient, à la fin du XIXe siècle, un pôle militaire et ouvrier dans un Cotentin rural. Au début du siècle suivant, la ville et son agglomération mutent socialement et politiquement au gré des 4 000 ouvriers venus de toute la France pour être employés par l'arsenal, devenu « colonne vertébrale de la ville ». En parallèle, la grande surface d'eau destinée à protéger des navires de guerre qui n'existent plus accueille les paquebots de l'épopée transatlantique reliant l'Europe du Nord à la côté est des États-Unis[2]. Le port est méticuleusement miné et détruit par les Allemands en , et reconstruit par l'armée américaine pour devenir le port principal de l'offensive des Alliés, point de départ de la Red Ball Express, « lacet de chaussure supportant trois millions d'hommes ». Le port militaire en 1686En 1686, quand Vauban vient à Cherbourg pour visiter les défenses côtières, il décrit le port ainsi : il « est dans le plus mauvais état qu'il puisse être… n'ayant point de jetée qui méritent d'en porter le nom… il y a un méchant quai de pierres sèches le long du fauxbourg que le gouverneur y a fait bâtir par les habitants, et puis c'est tout !… »[3]. Le port militaire et l'arsenal en 1864
— Émile Tessier, Extrait du Guide du touriste en Normandie, 1864[5]. . Pendant la Seconde Guerre mondialePrise du port par les AllemandsDeux jours après les premiers bombardements, l'armée allemande arrive le à Cherbourg. Durant deux jours, le port devient le « Dunkerque normand », où les soldats britanniques rembarquent à la va-vite. Le fort de l’est de la digue est détruit par la marine française. Le lendemain, le conseil municipal déclare Cherbourg « ville ouverte » et le général Rommel reçoit la reddition de la place des mains du préfet maritime, le vice-amiral Le Bigot, qui a pris le soin de détruire auparavant les trois sous-marins en construction à l'arsenal : La Praya, Roland Morillot et La Martinique[6]. Sous l'occupation allemandeLe T 410, port alliéCherbourg, seul port en eau profonde de la région, est l’objectif premier des troupes américaines débarquées à Utah Beach. La bataille de Cherbourg doit donner aux Alliés un soutien logistique pour le ravitaillement humain et matériel des troupes. Le commandement désigne cette opération sous le nom de « T 410 ». Les troupes américaines encerclent la ville le . Après de furieux combats de rue et les tirs nourris des cuirassés contre les batteries allemandes le 25, après une âpre résistance du fort du Roule, le général Karl von Schlieben, l’amiral Walter Hennecke et 37 000 soldats se rendent le 26 à 16 h au général Collins. L’arsenal et les forts de la digue résistent une journée de plus. Après la prise de Cherbourg, les Allemands ayant consciencieusement démoli et miné le port, les premiers navires n'y accostent qu'à la fin de juillet. Il faut attendre la mi-août pour que le port soit en partie utilisable. À l'occasion du , la place du Château, rebaptisée place du Maréchal-Pétain sous l'Occupation, devient place Général De Gaulle, tandis que le quai de l'Ancien-Arsenal va être nommé quai Lawton-Collins. En un mois, les troupes américaines du Fourth Major Port of Embarkation et celles françaises du corps des transports remettent en état le port, complètement rasé par les Allemands et les bombardements, qui peut alors accueillir les premiers Liberty Ships. Dès lors, et jusqu’à la libération des accès du port d'Anvers en novembre 1944, le débarquement journalier des approvisionnements et du matériel militaire fait de Cherbourg le plus grand port du monde. Le trafic y sera le double de celui du port de New York. C'est là qu'arrive pour le front le carburant (PLUTO) et d'où partent pour les combats, les hommes et le matériel (la Red Ball Express par route et le Toot Sweet Express par voie ferrée). D’où l'acharnement allemand à interdire son accès : navires, remorqueurs, grues et autres engins ayant été jetés à l'eau dans les bassins et dans la rade et le port devenant ainsi inutilisable. En , la commission locale des renflouements de Cherbourg est créée : sa mission est de tout mettre en œuvre pour renflouer les navires qui peuvent l'être et de déblayer tous les accès au port. Le , le cargo belge Léopoldville, chargé de 2 237 soldats américains de la 66e division d’infanterie, les Black Panthers, est torpillé par un sous-marin allemand au large de Cherbourg. On dénombre 763 morts et 493 disparus. Cherbourg est rendue à la France par les Américains le . Elle est citée à l’ordre de l’armée le et reçoit la Croix de guerre avec palme : « Ville patriote qui a joué un rôle considérable dans les batailles menées en 1944 sur le front occidental, libérée les 26 et par les troupes de la première armée américaine, s'est aussitôt mis au travail avec ardeur ; ses spécialistes, ses ouvriers de l’arsenal et ses dockers aidant les Américains ont permis l’utilisation rapide du port, malgré les dégâts qu’avaient subis ses installations, les épaves échouées dans les passes, et les mines qui y pullulaient, a été pendant des mois le déversoir en hommes et en matériel de tout le potentiel de guerre américain. » Base navale
La base navale abrite sur 120 hectares, 22 bâtiments militaires :
S'y trouvent aussi :
ArsenalL'arsenal de Cherbourg est spécialisé dans la construction de sous-marins. Ceux-ci sont à propulsion nucléaire pour la France (SNLE de classe Le Triomphant et classe Suffren), ou à propulsion classique diesel-électrique pour l'exportation (type Scorpène). Face à la baisse des besoins, la Marine a depuis les années 2000 ouvert l'enceinte de l'arsenal au secteur privé. Elle loue dans la partie nord 50 000 m2 de terrain à deux entreprises : le centre de gestion sécurisé d'Euriware (100 employés) et les chantiers navals Ican (170 salariés), spécialisés dans la construction des bateaux de service[7]. Notes et références
Voir aussiBibliographie
FilmographieCherbourg Logistique Port T410 d'Yves Léonard, documentaire, 2004, 56 min Articles connexesInformation related to Port militaire de Cherbourg |