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Protohistoire

char sous forme d'une boule dorée agrémenté de fragments de roue et d'un cheval en bronze
Char solaire de Trundholm, Âge du bronze danois.

La notion de Protohistoire a des sens différents selon les auteurs, dont les trois principaux sont :

  • l'histoire des peuples sans écriture mais qui sont mentionnés dans les écrits d'historiens ou de chroniqueurs qui leur sont contemporains. En Europe, c'est le cas de nombreux peuples mentionnés par les auteurs antiques (Grecs et Romains) ;
  • selon une définition plus récente, la période de la Préhistoire où les humains vivent de la production agricole, quelles que soient leurs techniques d'outillage. Cette définition élargit donc la Protohistoire au Néolithique et aux âges des métaux (Âge du bronze et Âge du fer) ;
  • selon une définition intermédiaire, la période incluant les âges des métaux mais excluant le Néolithique.

Par métonymie, le mot peut aussi désigner la « science qui étudie le comportement des hommes et son évolution au cours de cette période », comme c'est le cas pour les mots préhistoire et histoire[1]. La protohistoire est donc aussi l’étude respective de l'une ou l'autre de ces périodes.

Historique

Le terme « Protohistoire » est construit avec le mot grec proto, « premier », et le mot « histoire ». Il vise à couvrir une période intermédiaire entre la Préhistoire et l'Histoire. Il apparait à la fin du XIXe siècle sous l'influence de préhistoriens tels que Gabriel de Mortillet. Fin XIXe siècle, le Dictionnaire de la langue française (plus connu sous l'appellation de Littré), définit l'adjectif « protohistorique » d'une manière très large : « qui appartient aux débuts de l'histoire »[2]. Le Littré note que le terme est apparu dans le Journal officiel du [2].

Premier sens

La protohistoire est l'histoire des peuples sans écriture racontée par des historiens ou chroniqueurs de civilisations qui leur sont contemporaines.

En 2007, Le Petit Larousse définit la Protohistoire comme « la période chronologique intermédiaire entre la Préhistoire et l'Histoire, et qui correspond à l'épanouissement de cultures connues indirectement par des textes qui leur sont extérieurs »[3]. En 2020, sur le site de l'Encyclopædia Universalis, Jacques Briard donne sa définition et précise bien que le terme est fluctuant : « La protohistoire est la science qui regroupe l'ensemble des connaissances sur les peuples sans écriture contemporains des premières civilisations historiques […] »[2].

Si l'Histoire commence avec l'écriture, celle-ci n'apparait toutefois pas simultanément dans toutes les régions du monde. La notion de Protohistoire a donc été introduite initialement pour nommer l'étape au cours de laquelle des peuples ne possèdent pas eux-mêmes l'écriture, mais sont mentionnés par des textes émanant d'autres peuples contemporains[3]. C'est le cas par exemple des Gaulois d'avant la conquête romaine, décrits par des auteurs antiques écrivant en grec ancien ou en latin[4],[5].

Deuxième sens

La Protohistoire commence avec l'Âge du bronze et s'achève avec l'apparition de l'écriture.

Parraud (1963) et Graw (1981) la définissent comme la « période de l'histoire, intermédiaire entre la Préhistoire et l'Histoire, qui commence à l'âge des métaux et se termine avec l'apparition de l'écriture (IIIe au Ier millénaire av. J.-C.)[6]. ». En 2012, le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL) définit la protohistoire comme la « période de l'histoire, intermédiaire entre la préhistoire et l'histoire, qui commence à l'âge des métaux et se termine avec l'apparition de l'écriture (troisième au premier millénaire avant notre ère) (d'après Perraud 1963 et Graw. 1981) »[6]. Le CNRTL donne aussi une définition de la Préhistoire : « Période de l'histoire de l'humanité comprenant l'ensemble des événements antérieurs à l'apparition de l'écriture et à l'emploi des métaux »[1]. Par métonymie, le mot, avec minuscule initiale, peut désigner « la science qui étudie le comportement des hommes et son évolution au cours de cette période », comme c'est le cas pour les mots préhistoire et histoire[1].

La métallurgie du bronze apparait en Anatolie plus ou moins à la même époque que l'écriture en Mésopotamie sumérienne, c'est-à-dire à la fin du IVe millénaire av. J.-C., ce qui permet d'aligner grosso modo le début de la Protohistoire sur le début de l'Histoire.

Troisième sens

La Protohistoire commence avec le Néolithique et s'achève avec l'apparition de l'écriture.

En 1999-2008, Marcel Otte[7] et, en 2011-2017, Jean Guilaine[8], définissent la Protohistoire comme la « période sans écriture caractérisée par une économie de production. Dans cette acception large, la Protohistoire s'intercale entre le Mésolithique et l'Antiquité, ce qui correspond à la période incluant le Néolithique, l'Âge du bronze et l'Âge du fer (pour les populations sans écriture). »

Pour les membres de ce courant, la Protohistoire est la période sans écriture caractérisée par une économie de production, laquelle commence au Néolithique. Dans ce troisième sens, la Protohistoire est caractérisée par une structuration croissante de la société (agglomérations, hiérarchisation, pouvoir administratif, commerce, etc.) au cours du Néolithique.

La Protohistoire s'intercale dès lors entre :

  • d'une part, la Préhistoire qui la précède et qui concerne les populations dont la subsistance est assurée par la cueillette et la chasse : groupes de chasseurs-cueilleurs, pêcheurs, exploitant des ressources naturelles disponibles sans les maitriser. La Préhistoire stricto sensu comprend alors le Paléolithique et le Mésolithique ;
  • d'autre part, l'Histoire au sens strict (l'Antiquité pour le bassin méditerranéen et sa très large périphérie) qui lui succède et concerne les populations ayant adopté l'écriture et souvent un pouvoir centralisé.

Chronologie comparée

Les plus anciens sites agricoles connus apparaissent au Proche-Orient vers , au Levant, en Anatolie du Sud-Est, et dans les piémonts du Zagros. Par la suite, six à huit foyers indépendants sont apparus sur différents continents[9],[10].

En Europe, les agriculteurs venus d'Anatolie se sont étendus vers l'ouest selon deux directions principales : le long du Danube et le long des côtes méditerranéennes.

Les périodes suivantes (âges des métaux : bronze, fer) concernent avant tout l'Eurasie et l'Afrique du Nord[11].

Le tableau suivant indique les dates d'apparition de l'agriculture, de la métallurgie du bronze puis du fer, et de l'écriture (documents écrits les plus anciens), dans les différentes régions du monde.

Toutes les dates sont avant notre ère (av. J.-C.), sauf mention particulière.

Foyers néolithiques Diffusion Agriculture Bronze Fer Inscriptions Littérature Chroniques
Proche-Orient (Levant
+ Anatolie du Sud-Est
+ Zagros)
9000 / 8000[12]
> Mésopotamie [13],[14] (Sumer) 3300 2500
> Anatolie 7000[15] 3000 (Hittites) 1650
>> Balkans et monde grec 6500[15] 2700 (Mycènes) 1450 (Grecs) 850 (Homère)
750 (Hésiode)
700
>> Europe du Sud (cardial) 6000 / 5000[15] 2200 800 (Rome) 600
>> Europe centrale (rubané) 5500 / 4800[15] 2300 800
> Égypte 5500[15] 2700 3100
> Maghreb 5000 (Libyque) 600/500[16]
> Iran (Élam) 3300
> Inde (Mehrgarh) 6500 (Indus) 2600 300
> Asie centrale
Chine 6000 2200 500 1200
> Corée
> Japon 400[17] 700 de notre ère
> Asie du Sud-Est
Nouvelle-Guinée 7000 / 5000[12]
Afrique subsaharienne 3000 / 1000[12] (Méroïtique) 300/200[18]
Mississippi (bassin) 2000 / 1000[12]
Mexique 5000 / 3000[12] (Olmèques et Zapotèques) 1200/500[19]
Andes 5000 / 3000[12]
Amazonie 3000[12]

Références

  1. a b et c « Préhistoire », sur cnrtl.fr.
  2. a b et c « PROTOHISTOIRE », sur Encyclopædia Universalis (consulté le ).
  3. a et b (collectif), Le Petit Larousse illustré, Paris, Larousse, , 1811 p. (ISBN 978-2-03-582502-5), Protohistoire.
  4. (fr + grc) Strabon, Géographie : Livres III et IV, Paris, Les Belles Lettres, , 242 p. (ISBN 2-251-00312-6).
  5. (fr + la) Jules César, Guerre des Gaules : Livres I-IV, Paris, Les Belles Lettres, , 124 p. (ISBN 978-2-251-01031-1).
  6. a et b « Protohistoire », sur cnrtl.fr.
  7. Marcel Otte, La Protohistoire, De-Boeck, Bruxelles, 2008 (ISBN 978-2-8041-5923-8).
  8. Jacques Franck, « L'histoire commence au néolithique », présentation du livre de J. Guilaine (dir.), L'Héritage néolithique, Paris, éd. Gallimard, 2011, sur lalibre.be, .
  9. Jean-Paul Demoule, Les Dix Millénaires oubliés qui ont fait l’histoire, Paris, Fayard, , 318 p. (ISBN 978-2-213-67757-6).
  10. Anne Lehoërff, Le Néolithique, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », , 128 p. (ISBN 978-2-7154-0241-6), p. 122.
  11. Patrice Brun et Pascal Ruby, L'Âge du fer en France : Premières villes, premiers États celtiques, Paris, La Découverte, Inrap, , 177 p. (ISBN 978-2-7071-5664-8).
  12. a b c d e f et g Demoule 2017, p. 21.
  13. Jacques Cauvin, Naissance des divinités, naissance de l'agriculture : La révolution des symboles au néolithique, Flammarion, coll. « Champs », , 310 p. (ISBN 978-2-08-081406-7), p. 232.
  14. (en) Joan Oates, « Prehistory and the Rise of Cities in Mesopotamia and Iran », dans Colin Renfrew (dir.), The Cambridge World Prehistory, Cambridge, Cambridge University Press, , p. 1476.
  15. a b c d et e Demoule 2017, p. 33.
  16. Jean-Loïc Le Quellec, “Arts rupestres, écritures et protoécritures en Afrique : l’exemple du libyque”, Afriques, February 2011 (en ligne).
  17. (en) Koji Mizoguchi, The archaeology of Japan : from the earliest rice farming villages to the rise of the state, New York, Oxford University Press, coll. « Cambridge world archaeology », , 371 p. (ISBN 978-0-521-88490-7, 0-521-88490-X et 978-0-521-71188-3, lire en ligne).
  18. Claude Rilly, “Langue et civilisation méroïtiques”, Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques 152, 2021 (en ligne).
  19. Viviane Alleton, Jaroslaw Maniaczyk et Roland Schaer, Les origines de l'écriture, Paris, Le Pommier, , 207 p. (ISBN 978-2-7465-0637-4).

Voir aussi

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Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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