Rimes féminines réunit à nouveau le parolier Pierre Philippe[2],[3] et la compositrice Juliette Noureddine, qui signe ici toutes les musiques à l'exception d'une adaptation en français de I'm Still Here[4], tirée de la comédie musicale Follies de Stephen Sondheim, auteur américain de comédies musicales ; mais contrairement à l'album précédent, la chanteuse a convoqué un orchestre symphonique, l'Ensemble Orchestral des Hauts-de-Seine, dirigé par Laurent Brack, avec des arrangements de Didier Goret ou de Juliette elle-même[5],[6].
Caractéristiques artistiques
Une religieuse en extase devant le corps du Christ en croix, thème qui inspirera le texte d'Oraison.
Avec ce disque, le parolier et son interprète ont voulu proposer aux auditeurs un « spectacle » à partir de nombreux personnages féminins très différents les uns des autres[7],[8],[9], et non pas une simple suite de chansons[5],[10]. Poursuivant le travail effectué de 1980 à 1985 avec Jean Guidoni, l'auteur Pierre Philippe continue de s'inspirer de thèmes variés comme la prostitution, l'histoire de l'art, la politique, et s'intéresse même à de vieux faits divers[11].
La chanson titre Rimes féminines[12] figure parmi les préférées de sa créatrice[11]. Elle y énumère une liste de cinquante noms[4],[3], liste rimée de personnages féminins éminents[13],[14], en général trois par trois (cette liste peut se consulter dans l'annexe).
La seconde chanson, L'amour en pointillé évoque les souvenirs nostalgiques d'un modèle qui fut jadis la maîtresse d'un peintrepointilliste[15]. La petite fille au piano nous montre la transformation d'une innocente jeune pianiste en une « authentique teigne » destructrice, le tout accompagné par une musique parodiant certaines pièces de Mozart ou Beethoven[16],[10].
Par contraste, l'ironique Heureuse décrit la morne vie d'une femme dépressive isolée dans une maison de campagne[17]. La chanson suivante, qui s'intitule La géante, figurait déjà sur Juliette chante aux Halles. Juliette y brosse un personnage de femme monstrueuse, tout à la fois géante protectrice, et dévorante « Queen-Kong » qui manipule des amants lilliputiens[18],[19].
Le morceau Revue de détail s'apparente au genre du comique troupier que Juliette affectionne à l'occasion[20],[21]. La chanson qui suit, Berceuse pour Carlitos, fait référence à la mère du célèbre chanteur de tangoCarlos Gardel, qui imagine un avenir brillant pour son fils qu'elle surnomme affectueusement « Carlitos »[22].
La belle Abbesse décrit, quant à elle, la figure crasseuse mais fière d'une clocharde narguant les passants, sur un accompagnement musical rappelant les musiques de fêtes foraines[23]. Le titre suivant, Consorama donne la parole à une caissière de supermarché, afin de se moquer, à travers elle, de la société de consommation[24]. Tueuses déroule, à la manière de la chanson titre, une liste de femmes criminelles telles Violette Nozière, Marie Besnard ou Bonnie Parker[4],[25]. Remontrances fait le portrait d'une tenancière de bordel qui réprimande les gigolos qu'elle emploie, au son d'un jazz-band de style rétro[4],[26],[10].
Plus singulière, la musique d'Oraison est d'inspiration religieuse[10] (selon l'universitaire Jean Viau : « il s'agit sans doute de la seule chanson de variété qui soit accompagnée d'une musique de stabat mater »[27]), et ses paroles font référence à l'adoration amoureuse qu'une nonne porte au Christ[28],[29]. L'album se clôt par Un ange passe, une prière adressée à un ange[30].
↑ a et bLivret de Rimes féminines, Juliette, 1996, CD, Le Rideau Bouge, MT104.
↑Perle Abbrugiati, « Rimes féminines de Juliette, Une féminité diffractée », dans Chabadabada: Des hommes et des femmes dans la chanson française contemporaine. Représentations et enjeux, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, (ISBN979-1032001547), p. 127-144.
↑Laura Marquez, « Juliette, chanteuse en liberté », FrancoFans, no 61, octobre et novembre 2016, p. 46.
↑Concernant l'album Rimes féminines, la chanteuse a expliqué qu'elle le considére comme « un jalon » de sa carrière, et qu'il fait partie des disques qui ont contribué à la faire connaître[31].
↑Lors de sa réédition dans un coffret de 13 CD paru en 2016, l'hebdomadaire Télérama a écrit : « Mais on savourera surtout les chefs-d’œuvre des années 1990 écrits avec Pierre Philippe, dont le monumental et pas encore assez connu Rimes féminines »[33].
Jean Viau, Guidoni & Juliette : Crimes féminines, Paris, Les Belles Lettres, , 208 p. (ISBN2-251-44255-3).
Pierre Philippe, Le rouge, le rose, Saint-Cyr-sur-Loire, Christian Pirot, , 288 p. (ISBN2-86808-184-3).
Juliette Noureddine, Juliette : Mensonges et autres confidences, Paris, Textuel, , 120 p. (ISBN978-2845971547).
Gilles Verlant (dir.), Jean-Dominique Brierre, Dominique Duforest et Christian Eudeline, L'odyssée de la chanson française, Paris, Hors Collection, , 464 p. (ISBN978-2258070875).
Yves Borowice (dir.), Les femmes de la chanson : deux cents portraits de 1850 à nos jours, Paris, Textuel, , 272 p. (ISBN9782845973411).
Christian-Louis Eclimont (dir.), Stéphane Koechlin, Hubert Thébault et François Thomazeau, 1000 chansons françaises : de 1920 à nos jours, Paris, Flammarion, , 1006 p. (ISBN978-2-0812-50-78-9).
Serge Dillaz, « Juliette, chanteuse fin de siècle », Chorus, no 23, (ISSN1241-7076).