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Sahraoui (peuple)

Sahraouis
Description de cette image, également commentée ci-après
Un Sahraoui portant une gandoura traditionnelle (deraʿyia), avec son dromadaire. En arrière-plan, des tentes traditionnelles (khaïmas)
(Photo prise dans les camps de réfugiés de Tindouf).

Populations importantes par région
Sahara occidental 603 253[réf. nécessaire]
Drapeau de l'Algérie Algérie ≈ 90 000 à 165 000
Drapeau de l'Espagne Espagne ≈ 100 000
Drapeau du Maroc Maroc ≈ 90 000[1]
Drapeau de la Mauritanie Mauritanie ≈ 26 000[2]
Autres
Régions d’origine Sahara occidental, Mauritanie, Maroc, Algérie
Langues hassanya, berbère, français et espagnol
Religions Sunnisme (malikisme)
Ethnies liées Berbères, Arabes, Arabo-berbères, Berbères arabisés
Description de cette image, également commentée ci-après
Répartition traditionnelle des principaux groupes ethniques présents au Sahara occidental

Les Sahraouis (en arabe : صحراويون ṣaḥrāwīyūn et en amazighe : ⵉⵚⵃⵕⴰⵡⵉⵢⵏ Iṣeḥṛawiyen) désigne généralement l'ensemble des personnes vivant au Sahara occidental[3]. Cependant, cette définition est parfois contestée dans cette acception, étant aussi utilisée pour désigner l'ensemble des groupes ethniques habitant ou nomadisant traditionnellement au Sahara occidental ou encore, plus rarement, les peuples vivant dans l'ensemble du désert saharien.

Terminologie et histoire

Lors de la conquête espagnole à la fin du XIXe siècle, les habitants du Sahara occidental étaient appelés los nativos ou las gentes del Sahara. Ils appartenaient à plusieurs groupements tribaux nomades ou semi-nomades aux appartenances ethniques diverses, maintenant pour chacun des liens de nature différente avec les entités voisines (Maroc et émirats mauritaniens (Chinguetti, Trarza, Brakna et Tagant)) et établis de part et d'autre des frontières du territoire.

Peu à peu, l'administration coloniale espagnole s'est mise à utiliser exclusivement le terme de Saharaui pour désigner « l'ensemble de la population du territoire »[4]. Le terme « sahraoui » est attesté en français dans les années 1970 pour désigner « le Sahara occidental et ses habitants nomades »[5]. Le terme "Sahraoui" vient de l'arabe "الصحراوي "(as-saḥrāwī), signifiant au sens large "originaire du désert", "du désert" ou "venant du désert"; "Sahra" signifie "désert" en arabe et le suffixe "oui" désigne une appartenance ou une filiation chez les patronymes arabes.

En arabe, le terme sahrawi signfie simplement saharien ou "du désert" et peut donc désigner tout habitant du Grand Sahara.

Contrairement à beaucoup de peuples arabes, berbères et maghrébins, les Sahraouis des camps de réfugiés ne soutiennent pas l'équipe du Maroc de football lors de la Coupe du monde 2022, perçue comme représentant un pays qui les colonise[6].

Notion de peuple

Selon l'analyste Laurent Pointier, l'identité et la notion de « peuple sahraoui » se sont forgées lors des luttes pour l'indépendance et la décolonisation comme beaucoup de peuples africains[7]. À partir de 1952, le terme de « peuple » devient un enjeu central aux Nations unies car il appuie le droit à l'autodétermination. Selon ce principe onusien, dans le cas des Sahraouis, qui dit peuple, dit possibilité d'indépendance face à l'Espagne puis face à la Mauritanie et au Maroc[7].

L'existence même des Sahraouis en tant que peuple fait donc l'objet d'une lutte politique, idéologique et sémantique entre Marocains et indépendantistes. Si pour le Front Polisario l'existence de ce peuple est évidente, uniquement contestée parce que le pays qu'il habite est occupé par des forces étrangères, le gouvernement marocain la considère comme « artificielle » et « chimérique », fruit d'une manipulation politique[8]. Pour l'historien et géographe Jean Sellier, le Sahara espagnol était peuplé de Maures comme en Mauritanie[9]. C'est cet argument ethnique qu'utilisa Moktar Ould Daddah pour réclamer le rattachement du territoire à la Mauritanie dès 1957[10].

De ce fait, la reconnaissance ou la négation du peuple sahraoui dans le jeu géopolitique international influe sur la reconnaissance de l'existence d'une « entité sahraouie »[4]. Pour Bernard Cherigny[11], pendant la décolonisation et la guerre froide, le peuple sahraoui est « l'arlésienne » d'un conflit et d'un jeu diplomatique entre pays du Maghreb, puissances méditerranéennes et superpuissances[12].

Culture et modes de vie

Jusque dans les années 1970, les Sahraouis étaient essentiellement nomades avec peu de villes ; Laâyoune n'a été fondée qu'en 1938 par les Espagnols. Leur société est formée de tribus constituant un ensemble à la culture, aux coutumes et aux modes de vie assez homogènes[13].

Nomadisme et sédentarisation

Jusqu'à la décolonisation, les Sahraouis étaient nomades et l'élevage de dromadaires tenait une place centrale dans leur économie et mode de vie (« nomadisme chamelier »)[14]. En 1947, les Reguibat possédaient plus de 40 000 dromadaires avec environ 10 bêtes par famille. Les nomades se nourrissaient essentiellement de lait et de viande. Leurs migrations suivaient la pluie d'où leur surnom de « fils des nuages »[15].

Les bombardements des aviations françaises et espagnoles lors de la guerre d'Ifni, les regroupements forcés et les expulsions de l'administration coloniale à partir de 1958, les combats entre le Polisario et les armées mauritaniennes et marocaines, l'urbanisation des années 1980 et 1990 ont provoqué la destruction des troupeaux, des pâturages et un exode rural massif vers les villes ou les camps de réfugiés sans possibilité de retour[16],[17]. Au début du XXIe siècle, les Sahraouis sont majoritairement sédentaires bien que leur culture soit encore très imprégnée de nomadisme[18].

Tribus et clans

Composition tribale de la population du Sahara occidental selon le recensement espagnol de 1974[19].

  • Tekna (31,4 %)
  • Reguibat (28,4 %)
  • O. Delim (15,6 %)
  • O. Tidrarine (12,2 %)
  • Laarossiyen (6,1 %)
  • Ahl Ma' el-Aynayn (3,4 %)
  • Autres tribus (2,9 %)

La famille possédant un troupeau formait la base de la société traditionnelle[20]. Les liens de parenté ou de clientèles entre familles composent des tribus aux relations plus ou moins importantes. Ces tribus se reconnaissent souvent un ancêtre commun fondateur et prestigieux en relation avec la religion : saint, marabout, descendant du prophète (chérif)... Bien qu'elle soit atténuée aujourd'hui, l'appartenance à une tribu est encore importante ou évidente pour la plupart des Sahraouis.

On distingue au sein des populations du Sahara occidental trois grands groupes tribaux : les Reguibat et les Tekna, majoritaires, d'origine berbère sanhajienne, et les Ouled Delim, d'origine arabe maqilienne. À ces trois grands groupes s'ajoutent deux tribus sanhajiennes d'importance moyenne, les Ouled Tidrarine et les Laaroussiyines, ainsi que la confédération maraboutique des Ahl Ma El Aïnin, axée autour des disciples et des descendants du Cheikh Ma El Aïnin[21],[22]. Les différentes tribus sont elles-mêmes composées d'un nombre variable de fractions.

Le territoire compte également plusieurs tribus numériquement beaucoup moins importantes tel les Ouled Bou Sbaa, Imraguens, Ahl Filalas, Tadjakant, Skarna, Taoubalt, Lemyar, Chenagla et Mejjat, dont certaines constituent des « tribus satellites » gravitant autour d'autres tribus plus importantes, tel les Mejjat, Aït Hassin, Fouikat, Chenagla et Lemyar qui gravitent autour des Tekna de l'ouest, ou les Aït Noss autour des Tekna de l'est[21].

Les Haratins constituent un cas à part. En 1993 environ un tiers des Sahraouis appartenaient à ce groupe parfois plutôt décrit comme une caste[23]. Les Haratins sont des descendants d'esclaves qui servaient de domestiques ou de gardiens de troupeaux aux nomades comme les Bella chez les Touaregs. Bien qu'officiellement aboli, la persistance de cet esclavage fait régulièrement l'objet de témoignages et de dénonciations[24].

Langues

Les Sahraouis partagent une langue commune, le hassaniya, un dialecte arabe bédouin.

Au nord du territoire, une minorité constituée de membres des tribus orientales des Tekna sont berbérophones, parlant le dialecte chleuh.

Religion

Femme sahraouie (2019).

En raison du nomadisme, l'islam des Sahraouis s'est diffusé et pratiqué par les marabouts et les confréries plutôt que par les mosquées, bien que les zaouïas ont joué et jouent encore un rôle important[25]. Dans le désert et en dehors des villes, la prière s'effectue dans un alignement de pierres (« messel ») symbolisant une mosquée et portant une pierre centrale surélevée pour l'imam[26].

Ces pratiques religieuses sont encore vivaces aujourd'hui. Les deux principales traditions de confréries qui se divisent en branches parfois concurrentes sont la Qadiriyya et la Jazouliya. Ces confréries, qui ont parfois plusieurs siècles d'existence, peuvent dépasser les frontières et les ethnies se retrouvant au Mali, en Mauritanie, au Maroc, au Sénégal et jusqu'au Nigeria. Certaines se sont alliées au colonisateur espagnol comme la Sidiya. À l'inverse, la Ghoudfiya et la Tidjaniaya s'opposèrent aux Européens et en particulier aux Français au Maroc et en Mauritanie aux XIXe et XXe siècles[27]. Une petite minorité de religieux a développé une doctrine soufie dans la seconde moitié du XIXe siècle et conserve quelques fidèles aujourd'hui[28].

La magie, préislamique mais en syncrétisme avec le Coran, est une pratique courante surtout dans le sud : rites de protection ou propitiatoires, divination, offrandes aux génies ou « yennun », aux arbres, sources et tombes[29].

Répression

Les manifestations demandant l'indépendance du Sahara occidental sont violemment réprimées au Maroc et certains d'entre eux sont tués et des manifestants et responsables associatifs pour les droits humains sont parfois arrêtés[30],[31]. Selon Amnesty international, en 2017, au Maroc et au Sahara occidental, « des journalistes et des manifestants appelant à la justice sociale et au respect des droits politiques ont été emprisonnés, souvent à l’issue de procès iniques »[32].

L'usage du hassanya est lui-même réprimé[33].

En 2019, alors que des Sahraouis célèbrent la victoire de l'équipe d'Algérie de football lors de la CAN 2019, ceux-ci sont violemment réprimés par les forces de sécurité, des cafés sont fermés et une jeune femme de 24 ans meurt fauchée par deux voitures de police[34].

En 2022, lors de la Coupe du monde de football 2022, le Sahara sous contrôle marocain est quadrillé par les forces de sécurité et selon les activistes et journaliste sahraouis, des Marocains emmenés pour fêter la victoire de l'équipe du Maroc, dont les joueurs ont scandé des chants en faveur de la marocanité du territoire. D'autres Sahraouis soutiennent le Maroc. Après l'élimination du Maroc face à l'équipe de France de football, des Saharouis sont sortis pour célébrer la défaite de l'équipe du Maroc, et une rixe a éclaté entre Marocains et Sahraouis. Selon des activistes et journalistes sahraouis, ds vidéos sur les réseaux sociaux ont appelé à attaquer le Front Polisario en cas de victoire du Maroc, ce qui a été interprété par les Sahraouis comme un appel à s'en prendre à eux[33]. Par ailleurs, des drapeaux et portraits du roi du Maroc auraient été distribués lors de ces célébrations et des écrans géants installés[35].

Notes et références

  1. (en-US) « Saharawis in Morocco », sur Minority Rights Group (consulté le ).
  2. (en) « UNHCR Global Appeal 2013 Update - Mauritania », sur UNHCR (consulté le ).
  3. Sophie Caratini, La République des Sables, L'Harmattan, 2003, p. 25
  4. a et b Laurent Pointier, Sahara occidental : La controverse devant les Nations Unies, Éditions Karthala, , 226 p. (ISBN 978-2-84586-434-4, présentation en ligne), p. 43.
  5. Alain Rey, Dictionnaire historique de la langue française, SNL/Le Robert, 2010
  6. https://www.facebook.com/middleeasteye/, « « L’équipe du Maroc ne me représente pas » : pour les Sahraouis, pas question de soutenir les Lions de l’Atlas en Coupe du monde », sur Middle East Eye édition française (consulté le ).
  7. a et b Laurent Pointier, Sahara occidental : La controverse devant les Nations Unies, Éditions Karthala, , 226 p. (ISBN 978-2-84586-434-4, présentation en ligne), p. 38.
  8. Étienne Balibar, Race, nation, classe : Les identités ambiguës, La Découverte, p. 110.
  9. Jean Seillier, Atlas des peuples d'Afrique, La Découverte, 2003, p. 86.
  10. Jean Seillier, Atlas des peuples d'Afrique, La Découverte, 2003, p. 87.
  11. Professeur de droit à l'université de Poitiers.
  12. Abdelhaleq Berramdane, Le Sahara occidental, enjeu maghrébin, éditions Karthala, p. 6.
  13. Laurent Pointier, Sahara occidental : La controverse devant les Nations Unies, Éditions Karthala, , 226 p. (ISBN 978-2-84586-434-4, présentation en ligne), p. 63.
  14. Gaudio 1993, p. 251.
  15. Jean-Christophe Victor, Le Dessous des Cartes, « Le Sahara occidental : le referendum impossible », 1999.
  16. Gaudio 1993, p. 39-49.
  17. Tidiane Koita, « Migrations, pouvoirs locaux et enjeux sur l'espace urbain », Politique africaine, no 55,‎ .
  18. Jean Bisson, Mythes et réalité d'un désert convoité : Le Sahara, L'Harmattan, , pp. 116 et 263
  19. Maurice Barbier, Le conflit du Sahara occidental (Harmattan, 1982, (ISBN 9782858021970)), p. 17.
  20. Gaudio 1993, p. 91.
  21. a et b [PDF]Les tribus du Sahara, TelQuel no. 161.
  22. [PDF] Paul Marty, Les tribus de la Haute Mauritanie, publ. du Comité de l'Afrique française, 1915 (lire en ligne)
  23. Gaudio 1993, p. 289.
  24. Pierre Bonte, « L'esclavage : un problème contemporain ? », L'Homme, no 164,‎ , p. 135-144 (lire en ligne).
  25. Gaudio 1993, p. 85.
  26. Gaudio 1993, p. 185.
  27. Gaudio 1993, p. 88.
  28. Gaudio 1993, p. 89.
  29. Gaudio 1993, p. 284-287.
  30. Khadija Finan, « Inextricable, le conflit du Sahara occidental rebondit », sur Le Monde diplomatique, (consulté le ).
  31. Gaël Lombart & Julie Pichot, « Peur et silence à El-Ayoun », sur Le Monde diplomatique, (consulté le ).
  32. « Maroc et Sahara occidental », sur Amnesty France (consulté le ).
  33. a et b https://www.facebook.com/middleeasteye/, « Coupe du monde 2022 : la défaite du Maroc ravit les Sahraouis », sur Middle East Eye édition française (consulté le ).
  34. « Maroc et Sahara occidental. Une enquête doit être ouverte sur la violente répression de manifestations sahraouies », sur Amnesty International, amnestyfr, (consulté le ).
  35. « Au Sahara occidental, les habitants ne soutiennent pas l’équipe de « l’occupant marocain » », sur www.lorientlejour.com, (consulté le ).

Annexes

Bibliographie

  • Étienne Balibar, Race, nation, classe : Les identités ambiguës, La Découverte, 2007
  • Rahal Boubrik, De la tente à la ville : la société sahraouie et la fin du nomadisme, éditions La Croisée des chemins, Casablanca ; Centre des études sahariennes, Rabat, 2017, 306 p. (ISBN 978-9954-1-0645-7)
  • (en) Elena Fiddian-Qasmiyeh, The ideal refugees : gender, Islam, and the Sahrawi politics of survival, Syracuse University Press, New York, 2014, 329 p. (ISBN 978-0-8156-5236-6)
  • Attilio Gaudio, Les Populations du Sahara occidental, éditions Karthala,
  • (en) Konstantina Isidoros, Nomads and nation-building in the Western Sahara : gender, politics and the Sahrawi, I.B. Tauris, London, New York, 2018, 288 p. (ISBN 978-1-78831-140-3)
  • Laurent Pointier, Sahara occidental : La controverse devant les Nations Unies, Éditions Karthala, , 226 p. (ISBN 978-2-84586-434-4, présentation en ligne)

Filmographie

Articles connexes

Liens externes

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