Théophile Alexandre Steinlen est le fils de Samuel Steinlen, un employé des Postes de Lausanne, lui-même fils de Christian Gottlieb (Théophile) Steinlen (1779-1847), peintre et dessinateur. Originaire d'Allemagne, la famille Steinlen avait été admise à la bourgeoisie de Vevey en 1832.
Théophile Alexandre Steinlen étudie la théologie à l'Université de Lausanne pendant deux ans, puis, en 1879, se tourne vers l'art, suivant une formation au dessin d'ornement industriel à Mulhouse, chez Schoenhaupt, avant de s'installer à Paris avec sa femme Émilie en 1881.
Adversaire de l’injustice, compatissant envers les déshérités, qui alors ne manquaient pas à Montmartre, il dépeint des scènes de la rue, des usines, de la mine, mettant en scène les malheureux de toute espèce, mendiants, ouvriers dans la misère, gamins dépenaillés et prostituées. Ces personnages semblent plus souvent écrasés par leur triste condition que révoltés. Il considère l'espace public comme un lieu de conflits sociaux et est le premier à lui insuffler un esprit cinématographique, comme dans le populaire théâtre d'ombres du Chat noir, où les ombres illustrent la surveillance et le maintien de l'ordre public[5]. Il est par ailleurs le spécialiste des chats, qu’il dessine sans se lasser, dans toute leur fantaisie, joueurs, endormis ou en colère. Il dessine aussi des nus féminins.
Steinlen pratique de préférence le dessin et le pastel pour dépeindre la vie quotidienne de la rue et ses petits métiers. Le réalisme de ses dessins a inspiré certaines œuvres de Jean Peské, ou les débuts de Pablo Picasso. Il développe également un œuvre gravé, reprenant les mêmes thèmes que ses dessins, ou en y mêlant la politique, comme dans les lithographies par lesquelles il illustre les malheurs de la Belgique et de la Serbie en 1914-1918. Mais ce sont surtout ses affiches qui, comme celle de la Tournée du Chat noir, sont à l’origine de sa popularité. Il pratique aussi la sculpture sur le thème des chats (Chat angora assis[6]). Il illustre également des ouvrages littéraires, comme la refonte en 1903 des Soliloques du Pauvre de Jehan Rictus, et collabore à divers journaux humoristiques tels que Gil Blas illustré, L'Assiette au Beurre (dès le no 1), Le Rire et Les Hommes d'aujourd'hui, puis Les Humoristes, qu’il fonde en 1911 avec Jean-Louis Forain et Charles Léandre.
En 1883, il réalise un dessin, intitulé Allons, chante, barbare, pour illustrer la pièce, Le Rêve d'un Viveur, de Jean-Louis Dubut de Laforest, il est publié dans le recueil de la pièce[7]. En 1897, il devient le principal illustrateur de La Feuille de Zo d’Axa et s'engage durant l’affaire Dreyfus en dénonçant les machinations militaires et les mensonges de l’état-major, renvoyant dos à dos la justice et l'armée[8].
En 1901, Samuel-Sigismond Schwarz fait appel à ses talents pour illustrer la première couverture de L'Assiette au beurre. Schwarz n'avait publié jusqu'alors que des magazines plutôt légers ; Steinlen était très au fait de ce qui se passait dans le monde de la presse engagée en Europe, il était un ami d'Albert Langen, le fondateur de la revue satirique allemande Simplicissimus, un éditeur militant qui fut rapidement condamné par le pouvoir impérial, et qui s'était inspiré en 1896 du Gil Blas illustré.
En 1902, Steinlen milite pour la constitution d’un syndicat des artistes peintres et dessinateurs dont il prononce le discours d’adhésion à la Confédération générale du travail en . En 1904, il adhère à la Société des dessinateurs et humoristes dont, en 1911, il est un des présidents d’honneur. En 1905, il adhère ainsi que Charles Andler, Séverine ou encore Octave Mirbeau, à la « Société des amis du peuple russe et des peuples annexés » dont le président est Anatole France. En 1907, il figure parmi un comité constitué pour ériger une statue à Louise Michel. Il est également signataire de diverses pétitions, contre la condamnation à mort du cordonnier Jean-Jacques Liabeuf en 1910[8].
Théophile Alexandre Steinlen a cinquante-cinq ans lorsque la Première Guerre mondiale éclate. Trop âgé pour être mobilisé, il se rend toutefois deux fois au front en mai puis juillet 1915 sur des initiatives personnelles. Sous son crayon est dépeint le quotidien des soldats.
En 1917, il est officiellement missionné par la Mission Artistique aux Armées qui chargea les artistes de rapporter des œuvres graphiques du front[9]. Il se concentre tout particulièrement, dans ses dessins, sur la misère dans laquelle étaient plongés les soldats (faim et froid dans les tranchées) et sur l’exode des civils français (représentés sur les routes ou devant leur maison en ruines)[10].
Le monument comporte au sommet un couple populaire s'embrassant, qui surmonte deux bas-reliefs de bronze représentant d'un côté une scène de rue avec des gens humbles et une marchande des " quatre saisons " et de l'autre des ouvriers au travail.
Pendant l'occupation de Paris par les allemands, les bronzes des bas-reliefs avaient été fondus. C'est seulement en 1962 que le crédit nécessaire est réuni pour confier à l'architecte André Vincent Becquerel le projet d'exécuter de nouvelles fontes des bas-reliefs et de les réinstaller, tels qu'ils sont aujourd'hui.
Sa fille Colette épouse Roger Désormières (1898-1963), chef d'orchestre.
Vernon, musée Alphonse-Georges-Poulain : fonds d'œuvres de Steinlen (peintures, fusains, dessins à la plume, etc.) provenant de la donation faite vers 1960 par la veuve du collectionneur belge Yvan Lamberty, ami de Steinlen, comme de Jehan Rictus, de Francisque Poulbot, et d'autres artistes et écrivains.
Belgique
Arlon, Musée Gaspar-Collection de l'Institut Archéologiques du Luxembourg, lithographies[16].
↑Jeannine Christophe, « « « Guerre à la guerre ». Théophile-Alexandre Steinlen (1859-1923) » », Revue d’histoire des chemins de fer, nos 50-51, 2018, mis en ligne le 01 avril 2022 (lire en ligne)
Ernest de Crauzat, Steinlen peintre, graveur, lithographe, Paris, Ch. Meunier, 1902.
Catalogue de l'exposition des œuvres peintes, dessinées et gravées de Th.-A. Steinlen, avec une étude d'Anatole France, Paris, Édouard Pelletan, 1904.
Claude Aveline, Steinlen, l'homme et l'œuvre, Paris, les Écrivains réunis, 1926.
Fr. Jourdain, Un grand imagier : Alexandre Steinlen, Éditions du Cercle d'Art, 1954.
L. Contat-Mercanton, Théophile Alexandre Steinlen, Bâle, Musée Gutenberg, 1960.
Réjane Bargiel et Christophe Zagrodski, Steinlen affichiste, catalogue raisonné, Lausanne, Éditions du Grand-Pont, 1986.
Nicole Lamothe, Steinlen, peintre et illustrateur, Petites affiches, , p. 13.
Jacques Christophe, Steinlen, l’œuvre de guerre (1914-1920), 2 tomes, Lyon, Aléas, 1999.
Jacques Christophe , Steinlen, partitions musicales, chansons et monologues d'Aristide Bruant, Lyon, Aléas, 2003.
Philippe Kaenel (avec Catherine Lepdor), Théophile-Alexandre Steinlen : l'œil de la rue, Milan : 5 Continents Éditions ; Lausanne, musée cantonal des Beaux-arts, 2008.
Travaux universitaires
Manon Tertrain, « La conception anarchiste de l'art social dans l'œuvre politique de Théophile-Alexandre Steinlen », mémoire de master 1re année en histoire de l'art contemporain, sous la dir. de Pierre Arnauld, Paris-I, 2009 (voir notice SUDOC).
Xavier Bodu, « Bestiaire et société : l'animal dans l'œuvre de Théophile-Alexandre Steinlen (1859-1923) », mémoire de master 1 en histoire de l'art contemporain, sous la direction d'Emmanuel Pernoud, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2012 (voir notice sur la base AGORHA).
Article sur Steinlen
Sonya Mermoud, « Entre caresses et coups de griffes, Théophile-Alexandre Steinlen laisse derrière lui une œuvre éclectique et engagée », dans L’Événement syndical, Lausanne, (texte intégral en ligne).
Ouvrages généralistes
Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, Tome VIII, p. 211-212.
Martine Thomas, Yannick Marec et Gérard Gosselin, Le dessin de presse à l'époque impressionniste, 1863-1908, de Daumier à Toulouse-Lautrec, éditions Jean di Sculo (Democratic Books), 2010.