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La traductologie, en tant que science, étudie le processus cognitif et les processus linguistiques inhérents à toute reproduction (traduction) orale, écrite ou gestuelle, vers un langage, de l'expression d'une idée provenant d'un autre langage (signes vocaux (parole), graphiques (écriture) ou gestuels). Quand ce travail ne porte pas sur des textes, on parle aussi de « transposition intersémiotique » ou « transmutation » (Jakobson)[1].
Brian Harris de l'Université de Montréal en a donné une définition simple en 1973 ; il s'agit pour lui de toute référence à l'analyse linguistique du phénomène de traduction[2], mais à l’inverse de ce qu’on lit parfois, ce n’est pas Brian Harris ni Jean-René Ladmiral qui auraient forgé le terme de traductologie[3][réf. nécessaire]. Harris le reconnait lui-même dans son article « What I really meant by "Translatology" ». Selon Harris, ce terme aurait été utilisé pour la première fois en 1968 par trois chercheurs belges: R. Goffin, P. Hurbin et J.-M. Van der Merschen.
En un sens élargi, toute pratique réflexive sur la traduction relève de la traductologie. Dans cette acception, on parle également de traductographie.
Il s'agit aussi d'un exercice universitaire inscrit dans les programmes des facultés de langues vivantes, mais généralement à partir de la troisième année d'études, du moins en France, et dans les études supérieures menant au doctorat en plusieurs pays.
Étymologie et terminologie
Le mot « traductologie » est composé de traductio (« la traduction » en latin de la Renaissance) et du grec ancienlogos (l'« étude » ou la « science »). « Science de la traduction » est l'équivalent communément admis de l'anglais « translation studies ». La traductologie a reçu plusieurs appellations éphémères : « sciences de la traduction », « translatologie », etc. Le mot « traductologie » a été inventé en 1973 par René Goffin, professeur de l'ISTI (Institut Supérieur des Traducteurs et Interprètes) [4][réf. nécessaire].
Historique de la discipline
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L'histoire de la traduction a fait l'objet de nombreuses études. Au gré des multiples études spécifiques et générales sur l'histoire de la traduction, celle-ci est devenu un genre à part entière au sein de la traductologie, avec ses propres courants et méthodes[5]. Les études s'intéressent ainsi tantôt à l'histoire de la traduction du point de vue de la pratique, tantôt à l'évolution de la réflexion théorique, ou encore étudient la vie et l’œuvre des traducteurs ou les traités et préfaces qui précèdent les traductions afin de décrire une certaine évolution historique[5]. Enfin, certains chercheurs choisissent de relier l'histoire de la traduction à son contexte sociopolitique, quand d'autres la décrivent, par opposition, comme une activité universelle pratiquée dans toutes les langues et dans toutes les cultures[5].
Histoire des idées traductologiques
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Une réflexion approfondie sur la spécificité de la traduction littéraire (en particulier poétique) se trouve déjà chez Dante Alighieri, surtout dans son Convivio, I, VII [6].
Théories de la traduction
Théorie interprétative
La théorie interprétative, ou « École de Paris » compte aujourd'hui de nombreux promoteurs, en particulier dans le monde francophone. Elle a été développée au sein de l'ESIT à Paris, essentiellement grâce à Danica Seleskovitch et Marianne Lederer[7]. Seleskovitch s'est inspirée de son expérience en tant qu'interprète de conférence pour mettre au point un modèle de traduction en trois temps : interprétation, déverbalisation, réexpression[7]. On s'attache ici particulièrement à la question du « sens », considéré comme de nature « non verbale » : il concerne aussi bien l'explicite (ce que le locuteur a dit) que l'implicite (ce qu'il a tu). Un « bagage cognitif » très important (connaissance du monde, du contexte, du « vouloir-dire » de l'auteur) doit donc être possédé par le traducteur pour saisir ce sens[7]. La question de la « perception » est ici prépondérante : perception de l'outil linguistique (interne) puis de la réalité (externe). Le processus de traduction passe donc ici par une étape intermédiaire, celle de la déverbalisation[7]. C'est un processus dynamique de compréhension puis de réexpression des idées[8].
Jean Delisle a par la suite fait évoluer l'idée de la théorie interprétative en ayant recours à l'analyse du discours et à la linguistique textuelle[8].
Théorie sémiotique
La théorie sémiotique de la traduction a été notamment développée par le professeur italien Ubaldo Stecconi. En se fondant sur la théorie des signes de Charles Sanders Peirce, Stecconi affirme que la traduction est une forme particulière de la sémiotique[9].
Théorie de l'action
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Théorie du skopos
La théorie du skopos fut développée par les linguistes allemands Hans Joseph Vermeer et Katharina Reiß. Selon cette théorie, le facteur le plus important à prendre en compte dans la traduction d'un texte est la fonction qu'aura le texte cible (ou: destinataire), appelée le skopos. Il faut adapter la traduction au lectorat ciblé ainsi qu'à l'objectif et à l'utilité qu'aura ce texte.
Les trois points suivant sont des principes importants de cette théorie:
le texte cible doit être cohérent en soi;
le texte cible doit être cohérent avec le texte source;
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Théorie du polysystème
La théorie de la traduction comme polystème a été développée par le professeur israélien Itamar Even-Zohar[11].
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Problématiques de la traductologie
La traductologie s'intéresse aux problématiques suivantes :
Le sens
L'équivalence
La fidélité
Les modes de traduction
Les types de traduction
Les unités de traduction
Les universaux
Les corpus
Les choix et les décisions
Les stratégies de traduction
Les normes de traduction
La qualité et l'évaluation
La fidélité
Sur l'adhérence à la forme même du texte d'origine (au prix de libertés prises avec les signifiés du texte destinataire) - signifiant, rythme, valeur[12] Le texte destinataire, ici (comme chez W. Benjamin), n'a pas à s'adapter à une supposée réception d'un lectorat.
Le droit est écrit de manière très différente selon les époques et les pays[13]. À travers l'histoire, les juristes ont toujours été confrontés aux difficultés liées à la diversité linguistique du monde[14]. Les traducteurs juridiques ont dû, par exemple, transposer le droit romain, écrit en latin, dans de nombreuses autres langues afin de permettre sa diffusion et sa compréhension. Parfois, ils ont également dû traduire un droit coutumier formulé oralement dans une langue locale vers un droit écrit dans une autre langue.
Notes et références
↑"Aspects linguistiques de la traduction", Essais de linguistique générale, Ed. Minuit 1963
↑[(en) Stecconi, U. 2004. “Five Reasons why Semiotics is Good for Translation Studies”, in: Yves
Gambier, Miriam Shlesinger, Radegundis Stolze (eds.), Doubts and Directions in Translation Studies: Selected Contributions from the EST Congress, Lisbon 2004.
Amsterdam/Philadelphia: John Benjamins. 15–26.]
↑ voir les travaux du groupe "Change" (en particulier le no 14 de Change, 1973), et Jean-Charles Vegliante, "Traduire la forme" (en ligne), site CIRCE, 2012.
↑René David et Camille Jauffret-Spinosi, Les grands systèmes de droit contemporains, Dalloz, coll. « Précis », , 10e éd. (ISBN978-2-247-09050-1)
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En français
Ouvrages écrits par des traductologues
Antoine Berman, Pour une critique des traductions, Paris, Gallimard, 1995
Jean-Claude Chevalier et Marie-France Delport, Problèmes linguistiques de la traduction : L'horlogerie de Saint-Jérôme, Paris, L'Harmattan, 1995
Yves Chevrel et Jean-Yves Masson, Histoire des traductions en langue française, Paris, Verdier, 2014 -2017
Lieven d'Hulst, Cent ans de théorie française de la traduction. De Batteux à Littré (1748-1847), Lille, Presses universitaires de Lille, 1990
Evelyn Dueck, L'étranger intime. Les traductions françaises de l’œuvre de Paul Celan (1971-2010), Berlin, DeGruyter, 2014
Philippe Forget, Il faut bien traduire. Marches et démarches de la traduction, Paris, Masson, Collection ‘Langue et Civilisation germaniques’, 1994
Mathieu Guidère, Introduction à la traductologie : penser la traduction : hier, aujourd'hui, demain, 3e éd., Bruxelles, De Boeck, 2016.
Jean-René Ladmiral, Traduire : théorèmes pour la traduction, Paris, Gallimard, 1994.
Jean-René Ladmiral, « La traductologie: de la linguistique à la philosophie », Thèse d'habilitation à diriger des recherches soutenue à l'Université de Paris X-Nanterre, le , sous la direction de Michel Arrivé et sous la présidence de Paul Ricœur.
Jean-René Ladmiral, Sourcier, cibliste, Paris, Les Belles Lettres, 2014.
Marc de Launay, Qu'est-ce que traduire ?, Paris, Vrin, 2006, coll. "Chemins philosophiques".
Antonio Lavieri, Esthétique et poétiques du traduire, Modène, Mucchi, 2005.
Charles Le Blanc, Le complexe d'Hermès. Regards philosophiques sur la traduction, Ottawa, Presses de l'Université d'Ottawa, 2009, 155 p.
Charles Le Blanc, Histoire naturelle de la traduction, Paris, Les Belles Lettres, 2019, 299 p.
Jean-Yves Le Disez, On achève bien Auden. De l'interprétation à la traduction, Brest, Les Hauts-Fonds, 2008.
François Ost, Traduire. Défense et illustration du multilinguisme, Paris, Fayard, 2009.
Ouvrages collectifs et numéros de revue
Michel Ballard éd.,De Cicéron à Benjamin. Traducteurs, traductions, réflexions , Lille, Presses universitaires du Septentrion, 1992.
Hugo Beuvant, Thérence Carvalho, Mathilde Lemée (dir.), Les traductions du discours juridique. Perspectives historiques, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2018.
Florence Lautel-Ribstein, éd, Traduction et Philosophie du Langage, n°2, Revue SEPTET Des mots aux actes, .
Florence Lautel-Ribstein et Jean-Yves Masson, éds., Jean-René Ladmiral : une œuvre en mouvement, Revue SEPTET Des mots aux actes n°3, .
Florence Lautel-Ribstein et Antonio Lavieri, éds., L’âge épistémologique de la traduction, Revue SEPTET Des mots aux actes, n° 4, .
Florence Lautel-Ribstein et Camille Fort, éds., La rhétorique à l’épreuve de la traduction, Revue SEPTET, Des mots aux actes, no 5, .
Antonio Lavieri éd., La traduction entre philosophie et littérature. Paris-Torino, L'Harmattan, 2004.
Articles sur des problématiques générales
Pierre Cadiot et Florence Lautel-Ribstein, « Entretien avec Pierre Cadiot et Florence Lautel-Ribstein : Théorie des formes sémantiques : un tournant épistémologique en traduction » In Traductibilité des noms propres, éd. Georgiana Lungu-Badea, Revue Translationes no 3, université Ouest de Timisoara, 2011, p. 261-70.
Florence Lautel-Ribstein, « Plaidoyer pour une réflexion sur la dimension ontologique du traduire poétique », In Journal of Translation Studies, 11. 1, , p. 1-50.
Mona Baker, In other words : coursebook on translation, 3e éd., Abingdon, Routledge, 2018.
Yves Gambier et Luc van Doorslaer (dirs.), Handbook of translation studies, 5 tomes, Amsterdam, John Benjamins, 2010-2021.
Jeremy Munday, Introducing translation studies : Theories and applications, 5e éd., Londres et New York, Routledge, 2016.
Lawrence Venuti, The Translator's Invisibility: A History of Translation, Routledge, 1995.
Lawrence Venuti, The Scandals of Translation: Towards an Ethics of Difference, Routledge, 1998.
Lawrence Venuti, The Translation Studies Reader, Routledge, 2000, 2004.
Lawrence Venuti, Translation Changes Everything: Theory and Practice, Routledge, 2013.
Ouvrages collectifs et numéros de revue
Mona Baker (dir.), Routledge Encyclopedia of Translation Studies, New York et Londres, Routledge, 2001.
Larisa Cercel (dir.), « Übersetzung und Hermeneutik / Traduction et herméneutique » (Zeta Series in Translation Studies 1), Bucarest, Zeta Books 2009, (ISBN978-973-1997-06-3) (paperback), 978-973-1997-07-0 (ebook).
Lawrence Venuti (dir.), Rethinking Translation: Discourse, Subjectivity, Ideology, Routledge, 1992.
Articles
Brian Harris, « What I really meant by Translatology », in La traduction et son public, numéro spécial de la revue « TTR » dirigé par Judith Woodsworth et Sherry Simon, Université du Québec à Trois Rivières, 1988, p. 91–96. [lire en ligne]
Florence Lautel-Ribstein, « For a clear definition of Translation Studies, or why the earth is not flat », In The European English Messenger, vol. 22.2, Winter 2013, p. 50-54.
En italien
Antonio Lavieri, Translatio in fabula : La letteratura come pratica teorica del tradurre, Rome, Editori Riuniti, 2007.
Jean-Charles Vegliante, « Traduzione e studi letterari : Una proposta quasi teorica », in Traduzione e poesia nell'Europa del Novecento, s. la dir. d'A. Dolfi, Rome, Bulzoni, 2004, p. 33-52.
Essais de traductologie produits par des traducteurs
Parmi les ouvrages importants on compte les travaux du français Antoine Berman (1942-1991). Lui-même traducteur de l'allemand et de l'espagnol, il a travaillé à doter la traductologie d'une véritable réflexion critique. Antoine Berman entend se situer dans la tradition de Friedrich Schleiermacher, dont il a traduit une conférence (Des différentes méthodes du traduire, Seuil, Points, 1999) et de Walter Benjamin, auteur d'un remarquable article sur la traduction : La tâche du traducteur (in Œuvres I, Gallimard, Folio Essais, trad. par Maurice de Gandillac), et alors Berman a écrit L'âge de la traduction. "La tâche du traducteur" de Walter Benjamin, un commentaire. Outre les différents articles, quelques ouvrages majeurs :
Frédéric Allinne, Les faux amis de l'anglais, Belin, coll. Le français retrouvé, 1999 ;
Sophie Pointurier, Théories et pratiques de l'interprétation de service public, Paris, Presse Sorbonne Nouvelle, , 140 p. (ISBN9782878546996)
Manuels de traduction/traductologie
Thomas Lenzen, Traductologie en LEA, CRINI (Centre de recherche sur les Identités nationales et l'interculturalité), Université de Nantes, 252 p. (ISBN2-9521752-3-3).
Mathieu Guidère, Introduction à la traductologie : penser la traduction, hier, aujourd'hui, demain, De Boeck, coll. « Traducto », (1re éd. 2008) (ISBN978-2-8073-0008-8).