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Ère Shōwa (1926-1989)

Ère Shōwa
Portrait officiel de l'empereur Shōwa
Dates
Début
Fin
Époques
Précédente
Suivante

L’ère Shōwa (昭和時代, Shōwa-jidai?, litt. « ère de paix éclairée ») est la période de l’histoire du Japon où l’empereur Shōwa (Hirohito) régna sur le pays. Elle débute le et s’achève le .

Elle est aussi l’ère japonaise (年号, nengō?, littéralement « le nom de l'année ») qui suit l’ère Taishō et précède l’ère Heisei. Ce fut le plus long règne de tous les empereurs japonais. Jusqu'à la défaite militaire du Japon en 1945 et l'adoption de la constitution de 1947, le nom officiel utilisé par l'État japonais était, comme lors des ères Meiji et Taishō, empire du Japon (Dai Nippon Teikoku). En 1947, avec la nouvelle constitution, le pays adopte le nom officiel de « Japon » (Nihon koku ou Nippon koku, littéralement « État du Japon »).

La première partie du règne de Hirohito se caractérise par de fortes influences nationalistes (nationalisme japonais) et l'expansion de l'empire. Après les bombardements atomiques d'Hiroshima et Nagasaki et la reddition du Japon à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'occupation du Japon dura jusqu’en 1952 ; en , le traité de San Francisco restaura la souveraineté du Japon.

Étymologie

Les deux caractères kanji de Shōwa (昭和) proviennent d'un passage du Classique des documents : 百姓昭明,協和萬邦, que l'on peut traduire par : « Le peuple (de son domaine) devint brillant et intelligent. (Enfin), il unifia et harmonisa les myriades d'États. » Le Japon avait déjà adopté, à partir de cette même citation, le nom de l'ère Meiwa (明和) durant la période Edo à la fin du XVIIIe siècle. À l'époque, deux autres noms étaient également envisagés : Dōwa (同和) et Genka (元化).

Ce terme peut être approximativement compris comme signifiant « paix éclairée » ou, selon certaines interprétations, « Japon rayonnant »[1].

Dans son discours d'intronisation lu au peuple, l'Empereur Hirohito fit référence à ce nom d'ère :

« J'ai visité les champs de bataille de la Grande Guerre en France. Face à une telle dévastation, je comprends la bénédiction de la paix et la nécessité de la concorde entre les nations. »[2]

Chronologie succincte

Hirohito et Shirayuki

Profitant de la guerre de Corée, le Japon s'industrialise et se reconstruit rapidement, c'est le début du miracle économique japonais.

Dès la fin des années 1960, le Japon a le 2e produit national brut au monde, c'est le Boom Izanagi.

  • 1989 : mort de l'empereur Hirohito.

L'économie japonaise jusqu'en 1945

La crise monétaire internationale qui se traduit par la forte dévaluation de la livre sterling en 1931 accentue ses difficultés commerciales, car elle rend plus difficiles ses exportations et dévalue ses avoirs en livres. Or, comme dans les autres pays, la banque centrale émet des yens en contrepartie de ses réserves d'or et de sterling ; la base monétaire se rétrécissant, la masse monétaire se contracte. Le ministre des Finances Junnosuke Inoue accepte d'adopter alors une politique de déflation du même type que celles qui sont ou seront conduites en Allemagne par Heinrich Brüning ou en France par Pierre Laval. Le raisonnement est le même : si les prix internationaux baissent, si les avoirs de la banque centrale diminuent ou baissent de valeur, les salaires doivent baisser aussi afin que les produits japonais soient concurrentiels. Il réduit donc autoritairement les salaires des fonctionnaires et, comme la Grande-Bretagne en 1925, va conserver l'étalon-or qui met le yen à une parité surévaluée. Cette politique accentue les effets sociaux de la crise, le chômage grimpe à 20 % des actifs salariés et les inégalités progressent : le revenu net moyen par famille de l'agriculteur n'excède pas les 20 dollars par an, la moyenne du Japon étant de 166 $ et de 2 500 $ pour les 10 % les plus riches. Le mécontentement s'accumule, la situation sociale se tend tandis que la volonté d'Inoue de réduire le budget de l'État japonais se heurte aux intérêts du puissant complexe militaro-industriel japonais lorsqu'il veut réduire les dépenses militaires, il est contraint de démissionner le lors de la chute du gouvernement du premier ministre Wakatsuki. Inoue est assassiné le , ainsi que le premier ministre Tsuyoshi Inukai quelques semaines plus tard, le .

Korekiyo Takahashi remplace Inoue aux Finances après son assassinat en 1932. À 77 ans, il a eu un parcours original. Issu d'une famille pauvre, il a voyagé aux États-Unis, enseigné l'anglais à son retour avant de se retirer dans un monastère zen d'où il est sorti à 35 ans. Entré à la Banque du Japon, il en devient le directeur trois ans après. À l'image de Keynes, c'est lui qui a négocié la question des crédits pendant la guerre. Plusieurs fois ministre avant la Première Guerre mondiale, il revient donc aux affaires à 77 ans et restera ministre des Finances jusqu'en 1936.

À peine installé, il abandonne l'étalon-or et laisse flotter le yen à la baisse. Celui-ci perdra 40 % en un an. Les 100 ¥ sont à près de 50 $ en 1931 (49,85) ils tombent aux alentours de 30 $ en 1932 (31.20 en ) et s'y maintiendront malgré la dévaluation du $ (30,25 $ après la dévaluation américaine de 1933). Cette dévaluation brutale et sauvage relance immédiatement les exportations et permet le redressement des prix qui retrouvent en 1933 leur niveau de 1930 (près de 20 % de hausse).

Sous l'impulsion de l'État, l'appareil industriel se restructure, se redéploie et se concentre. Les modifications structurelles se manifestent par le fait que dans l'entre-deux-guerres, la part du textile chute régulièrement (de la zone des 40 % de la valeur de la production industrielle en 1920 à moins de 20 % - 17,9 - en 1940) tandis que celle des industries mécaniques monte de 15 à 24 % et celle de la métallurgie de façon encore plus spectaculaire de moins de 5 % (4,2) à presque 20 % (19,9 exactement). Les zaibatsu (formes de concentrations japonaises à base de capital familial et à vocation à la fois industrielle et bancaire) se renforcent. Ayant une base ou des intérêts puissants dans l'industrie lourde (et donc l'armement), elles ont souvent été accusées d'avoir pesé d'un grand poids dans la politique japonaise (dès cette époque, on parle largement de la corruption institutionnalisée de la classe politique) et d'avoir entraîné le pays sur la voie du militarisme et de l'expansionnisme agressif. En 1936, sur moins de 100 000 compagnies (88 145) moins de 500 (430) détiennent plus de la moitié (55 %) du capital industriel. De nouvelles concentrations, telles que celle qui devait donner naissance à Nissan, apparaissent. Le chômage baisse et l'économie semble se redresser en ayant extériorisé ses problèmes.

Car les exportations japonaises augmentent de manière qui semble agressive à ses partenaires. Les produits « made in Japan » ont la même image de produits bas de gamme et bon marché que certains produits « made in China » aujourd'hui mais ils pénètrent les marchés occidentaux les mieux protégés. Le Japon arrive ainsi à exporter des montres en Suisse, des spaghettis en Italie, des vélos en Afrique, des stylos en Autriche, etc. Aussi, bien que la part des produits japonais dans le commerce mondial ne dépasse pas les 4 %, les pays européens prennent la décision de se protéger et de contingenter les importations nippones.

Les marchés se bouchant, le capitalisme japonais bascule brutalement dans la voie allemande. Le poids de la contrainte a été discuté par des historiens qui repoussent une explication jugée trop « économique ». La thèse est discutée car le poids du Japon dans le commerce mondial serait faible et de nombreux pays étaient autant intéressés par le marché japonais que les Japonais l'étaient à exporter. Ainsi la balance commerciale vis-à-vis des États-Unis devient déficitaire pour le Japon à cause de la baisse des ventes de soie (contraction des marchés et développement de la rayonne, c'est-à-dire de soie artificielle) et de l'augmentation des achats de machines nécessaires pour le développement de l'industrie lourde. On ne peut que constater néanmoins que, dans un climat de récession mondiale, de contraction des marchés, la « voie allemande », c'est-à-dire le basculement de l'économie dans l'économie de guerre, la mobilisation de l'appareil industriel et économique du pays pour la conquête forcée de marchés apparaît comme une réponse possible voire cyniquement nécessaire pour la bourgeoisie japonaise. Comme en Allemagne, cette politique agressive implique la mobilisation de la population et le sacrifice de la consommation populaire. C'est l'industrie lourde, base de l'industrie d'armements, et non les industries de consommation qui doit se développer (c'est l'alternative classique : « le beurre ou les canons »).

La montée du militarisme

« Le luxe est notre ennemi » (Zeitaku wa teki da!), clame une affiche de propagande du gouvernement en 1940.

La situation politique se tend alors et dans ces années 1930, des tentatives de coup d'État se succèdent. Après les assassinats de 1932, il y a des complots éventés. Le poids du budget d'armement dans le budget de l'État ne cesse de progresser : 27 % en 1927, 35 % en 1933, 46 % en 1936. En 1936, on assiste à un véritable coup d'État militaire, l'incident du 26 février. Au matin, les militaires de la Kōdōha investissent les ministères et assassinent Takahashi à son tour ainsi qu'un certain nombre de dignitaires du régime. Ces militaires s'opposent à une faction rivale, la Tōseiha, et souhaitent établir une dictature impériale ainsi que l'élimination des conglomérats commerciaux (zaibatsu). La révolte est matée trois jours plus tard sur ordre personnel de Hirohito, qui menace de prendre la tête de l'armée.

Avec la nomination de Fumimaro Konoe comme Premier ministre, le lobby militaro-industriel prend définitivement le contrôle de la politique interne du pays. En 1937, Hirohito autorise l'invasion de la Chine — guerre sino-japonaise (1937-1945) —, qualifiée de « guerre sainte » (seisen) et constituant la première étape de la politique impérialiste du Japon. Sous Konoe sont alors mis en place le Mouvement national de mobilisation spirituelle, la Ligue des parlementaires adhérant à la guerre sainte et l'Association de soutien à l'autorité impériale.

En 1941, l'empereur autorise la conquête de l'Asie du Sud-Est dans le but de créer la sphère de coprospérité de la Grande Asie orientale. La guerre du Pacifique se poursuit jusqu'en 1945, avec la défaite des forces shōwa et l'occupation du Japon.

Réunion de l'Association de soutien à l'autorité impériale (Taisei Yokusankai) en 1942

La défaite

La situation militaire du Japon dans la guerre du Pacifique se dégrada rapidement en 1944. En 1945, les États-Unis débarquèrent sur le sol japonais et organisèrent d'importants bombardements. Les attaques nucléaires américaines sur Hiroshima et Nagasaki, ainsi que l'invasion de la Mandchourie par l'Union soviétique amenèrent à la capitulation inconditionnelle du Japon.

La reconstruction du Japon

Publicités japonaises de 1956 pour des machines à laver Hitachi et Mitsubishi, spécifiquement ciblées vers les femmes. Elles mettent en avant la modernisation des foyers tout en renforçant le rôle traditionnel des femmes dans les tâches ménagères.

Les années 1950 sont une période cruciale pour le Japon, marquée par un effort intense de reconstruction après la dévastation de la Seconde Guerre mondiale. Le pays, en ruines sur le plan matériel et économique, parvient à stabiliser son économie grâce à l'aide des États-Unis, notamment via le plan Dodge de 1949. Ce plan impose une stricte discipline budgétaire, visant à maîtriser l'inflation tout en encourageant la reconstruction des infrastructures essentielles[3]. La guerre de Corée (1950-1953) offre également une opportunité économique majeure, faisant du Japon une base d'approvisionnement clé pour les forces américaines et stimulant ainsi la production industrielle[4].

Cette décennie voit le gouvernement japonais adopter une politique économique interventionniste, centrée sur le développement de l'industrie lourde, en particulier la sidérurgie, la construction navale et la chimie[5]. Le ministère du Commerce international et de l'Industrie oriente les ressources vers des secteurs stratégiques, soutenant ainsi l'innovation technologique et le développement de nouvelles industries tout en protégeant le marché intérieur des importations étrangères[5].

Les mœurs de la société japonaise restent largement influencées par les valeurs traditionnelles héritées de l'ère Meiji et renforcées par la propagande militariste des années précédentes. Le patriarcat demeure le pilier central des structures familiales, avec une forte insistance sur la loyauté, l'obéissance et le respect des aînés. Les femmes, qui avaient été encouragées à participer à l'effort de guerre, sont majoritairement renvoyées à leur rôle traditionnel de gestionnaires du foyer[6]. Toutefois, l'éducation des femmes commence à s'améliorer, et elles deviennent peu à peu plus visibles dans certains secteurs, notamment dans l'éducation et les soins de santé.

Affiche de 1954 pour le film Godzilla (Gojira), qui incarne les peurs nucléaires du Japon post-guerre. Le film a lancé le genre kaiju et est devenu un symbole culturel mondial.

Le cinéma et la littérature des années 1950 jouent un rôle clé dans la réflexion sur l'identité japonaise post-guerre. Des réalisateurs comme Akira Kurosawa, avec des films tels que Rashomon (1950) et Les Sept Samouraïs (1954), utilisent des récits historiques pour explorer des questions de moralité, de vérité et de responsabilité[7]. Parallèlement, le film Godzilla (1954) émerge comme un puissant symbole des craintes post-atomiques, incarnant l'anxiété collective face aux dangers de la modernité et de la technologie[8]. La littérature, avec des auteurs comme Yukio Mishima, réfléchit également sur la perte de valeurs traditionnelles face à la modernisation.

La société japonaise, profondément influencée par le shintoïsme et le bouddhisme, voit ses pratiques évoluer avec le contact croissant avec les États-Unis, qui introduisent de nouvelles idées et modes de vie. Les produits culturels américains, comme la musique jazz et les films hollywoodiens, commencent à gagner en popularité, contribuant à une occidentalisation progressive des mœurs et des goûts culturels[9].

Les années 1950 sont également marquées par le leadership du Premier ministre Shigeru Yoshida, qui gouverne presque sans interruption de 1946 à 1954. La doctrine Yoshida se concentre sur la reconstruction économique, tout en s'appuyant sur la protection militaire américaine, en vertu du traité de sécurité nippo-américain de 1951. Ce traité confère aux États-Unis de maintenir des bases militaires au Japon, garantissant ainsi la sécurité du pays en pleine guerre froide[10]. Cette approche permet au Japon de consacrer ses ressources à la croissance économique plutôt qu'à la défense militaire. Sur le plan diplomatique, le Japon se concentre sur la normalisation des relations internationales, notamment avec les pays voisins, et sur sa réintégration dans la communauté internationale, marquée par son adhésion aux Nations Unies en 1956[11].

Essor économique et changements sociaux

Shinkansen série 0, photographié en mai 1967 près de Yurakucho, Tokyo. Ce modèle est le premier train à grande vitesse du Japon, inauguré en 1964. Il pouvait atteindre une vitesse de 210 km/h, faisant du Japon un pionnier des transports à grande vitesse[12].

Les années 1960 marquent une période de croissance économique accélérée pour le Japon, accompagnée de transformations sociales profondes. Le pays traverse une phase d’industrialisation rapide, caractérisée par une expansion spectaculaire de son produit intérieur brut, avec un taux de croissance annuel moyen supérieur à 10 %[13]. Cet essor repose sur un modèle axé sur l’exportation, avec la production de biens manufacturés de haute qualité à des coûts relativement bas. Les entreprises japonaises investissent massivement dans l’automatisation et l’innovation technologique, ce qui les rend compétitives sur les marchés internationaux. Parallèlement, l’émergence des conglomérats industriels, ou keiretsu, succédant aux anciens zaibatsu, devient une caractéristique structurante de cette époque[14]. Ces grands groupes, organisés autour de banques principales, dominent l’économie japonaise. Leur structure, intégrant verticalement et horizontalement les différentes étapes de production et de distribution, leur permet de mobiliser d’importantes ressources pour la recherche, le développement et l’expansion internationale[14].

La décennie est également marquée par des investissements gouvernementaux considérables dans les infrastructures. La construction d’autoroutes, de ports et de réseaux ferroviaires améliore significativement l’efficacité économique tout en renforçant la connectivité entre les différentes régions du pays. Le développement du réseau ferroviaire est particulièrement emblématique de cette modernisation. En 1964, le Japon inaugure son premier Shinkansen, ou « train à grande vitesse », reliant Tokyo à Osaka en un temps record pour l’époque. Ce projet d’infrastructure, motivé à la fois par la nécessité d’un transport rapide entre les grandes métropoles et par la volonté d’affirmer la capacité technologique du Japon sur la scène internationale, devient vite un symbole distinctif de l’innovation japonaise[15]. Le Shinkansen révolutionne le transport ferroviaire au Japon et s’inscrit dans une série d’initiatives visant à soutenir la croissance économique rapide du pays. Cette avancée est mise en lumière lors des Jeux olympiques d’été de Tokyo en 1964, ainsi qu’à l’Exposition universelle d’Osaka en 1970, permettant au Japon de présenter au monde ses progrès technologiques et son développement économique[16].

Le quartier de Ginza à Tokyo, dominé par le bâtiment Mitsubishi. Ce quartier, célèbre pour ses enseignes lumineuses, était déjà à l'époque l'un des centres commerciaux les plus prestigieux de la ville.

Avec la modernisation rapide de l'économie, la société japonaise traverse une transformation sociale profonde. Une classe moyenne urbaine émerge et adopte progressivement des modes de vie modernes. La consommation de masse devient un phénomène central, soutenue par la popularisation de l’électroménager, des automobiles et des loisirs. La télévision, devenue un objet courant dans les foyers japonais, joue un rôle majeur dans cette évolution. Elle diffuse des idéaux de modernité et d’occidentalisation, tout en participant à la propagation de la culture populaire japonaise à travers des émissions de variétés, des feuilletons et des jeux télévisés.

Cependant, cette occidentalisation des modes de vie suscite des tensions entre les valeurs traditionnelles et les nouvelles influences de l'Ouest. La jeunesse japonaise commence à s'affirmer plus visiblement, marquant une rupture avec les générations précédentes. Les mouvements étudiants des années 1960, notamment les manifestations contre le traité de sécurité nippo-américain en 1960, témoignent d’un désir de changement et d’une contestation de l'autorité établie. Ces mobilisations reflètent une prise de conscience politique accrue et un rejet partiel de la passivité perçue des générations antérieures.

Famille japonaise profitant des loisirs hivernaux à la station de ski d'Iwappara dans la ville de Yuzawa. Entre les années 1960 et 1967, le revenu par habitant double, permettant ainsi l'émergence d'une classe moyenne forte au Japon[17].

Malgré les transformations rapides, la société japonaise reste cependant en grande partie conservatrice, en particulier dans les zones rurales, où les traditions familiales et communautaires demeurent profondément enracinées. Le mariage continue d’être une institution centrale, souvent arrangé, bien que l’amour romantique gagne en importance dans les représentations culturelles. L’essor des médias de masse joue un rôle clé dans la diffusion de ces nouveaux modèles, influençant les perceptions et les attentes sociales de manière significative.

Les années 1960 sont également marquées par la continuité de la doctrine Yoshida, tout en étant ponctuées par des débats croissants sur la révision constitutionnelle, notamment autour de l’article 9 de la Constitution japonaise. Cet article renonce à la guerre comme moyen de résoudre les conflits internationaux, suscitant des discussions sur son maintien ou sa modification. Pendant cette décennie, le Premier ministre Hayato Ikeda, en fonction de 1960 à 1964, lance le Plan de revenu national doublé. Ce programme ambitieux vise à doubler le revenu national en dix ans grâce à une croissance économique rapide et soutenue, consolidant ainsi la prospérité du pays.

Enfin, sur le plan international, le Japon cherche à élargir son influence économique et à renforcer ses relations diplomatiques. Il approfondit ses liens économiques avec l’Asie du Sud-Est et s’efforce d’améliorer ses relations avec la Chine, tout en conservant une alliance stratégique forte avec les États-Unis. Des accords commerciaux sont conclus avec de nombreuses nations, affirmant le rôle croissant du Japon en tant qu’acteur majeur de l’économie mondiale.

Le miracle économique japonais à son apogée

Vue aérienne de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi en 1975. Mise en service en 1970 et agrandie tout au long des années 1970 par la compagnie d'énergie TEPCO, cette centrale est aujourd'hui fermée à la suite du séisme de magnitude 9,1 et du tsunami qui ont frappé le Japon le 11 mars 2011.

Le Japon poursuit sa trajectoire de croissance économique durant les années 1970, consolidant son statut de puissance industrielle mondiale. Le ralentissement provoqué par le choc pétrolier de 1973 incite le pays à intensifier ses efforts d'innovation et à restructurer ses industries afin de renforcer leur résilience face aux fluctuations des marchés mondiaux. Les secteurs de l’automobile et de l’électronique se positionnent comme les piliers de cette expansion, portés par des entreprises telles que Toyota, Honda et Sony, qui redéfinissent les normes internationales en matière de qualité et de technologie dans ces secteurs. Parallèlement, le Japon diversifie ses sources d’énergie en se tournant vers le nucléaire pour réduire sa dépendance au pétrole. Cette stratégie s’accompagne d’un développement rapide des centrales nucléaires dans plusieurs régions de l'archipel japonais. En 1972, le Japon entre dans l'histoire de l'exploration spatiale avec le lancement du satellite Osumi, devenant ainsi le quatrième pays au monde à maîtriser cette technologie.

La société japonaise évolue à un rythme rapide, alimentée par une urbanisation massive. Les campagnes se vident au profit des grandes métropoles comme Tokyo, Osaka, Nagoya et Yokohama, où se concentrent les opportunités économiques et les infrastructures modernes. Ce phénomène transforme profondément la structure familiale traditionnelle. Alors que les familles élargies dominent encore dans les zones rurales, les centres urbains voient émerger un modèle de famille nucléaire, souvent composé de deux générations seulement. Cette migration massive crée toutefois des tensions, notamment une pénurie de logements abordables et des infrastructures saturées. En réponse, le gouvernement investit massivement dans des projets de réaménagement urbain et des politiques de réduction de la pollution, adoptant des normes environnementales parmi les plus strictes au monde. La pollution atmosphérique et les eaux contaminées, problèmes majeurs des années 1960, sont progressivement maîtrisées grâce à des lois comme celle de 1970 sur le contrôle de la pollution industrielle.

En 1979, la société japonaise Sony lance son Walkman, premier lecteur de cassettes portable offrant une expérience audio à la fois personnelle et nomade.

Sur le plan culturel, cette décennie se distingue par un foisonnement créatif et une intense expérimentation artistique. Le cinéma japonais s’illustre avec des réalisateurs comme Nagisa Oshima, dont le film L'Empire des sens (1976) explore des thèmes audacieux et controversés pour l’époque, notamment la sexualité, le désir et la transgression des normes sociales, offrant une réflexion incisive sur la liberté individuelle et les tabous de la société japonaise. Les mangas se hissent au rang de forme d’art majeure, avec des œuvres iconiques telles que Doraemon de Fujiko F. Fujio et Ashita no Joe de Tetsuya Chiba, devenues des références générationnelles dans la culture populaire. En musique, les genres rock et folk connaissent une ascension grâce à des artistes comme Takuro Yoshida et Yosui Inoue, qui marquent durablement la scène musicale japonaise. Parallèlement, le phénomène des « idoles » prend son essor, porté par des figures comme Momoe Yamaguchi. Ce mariage d’innovation et de tradition s’exprime également en littérature, où des auteurs comme Haruki Murakami commencent à émerger, posant les fondations d’un style moderne, introspectif et influencé par les grands courants littéraires internationaux. Le sport et les événements internationaux jouent également un rôle clé dans cette décennie. Les Jeux olympiques d’hiver de Sapporo en 1972 permettent au Japon de démontrer sa capacité à organiser des événements de grande envergure tout en renforçant son image sur la scène internationale. Ces Jeux, les premiers d'hiver à se tenir en Asie, mettent en lumière l’engagement du pays dans le développement d’infrastructures modernes et son sens de l’hospitalité.

La rue Aioi en 1971, l'une des principales artères commerciales de Hiroshima. Cette voie et ses bâtiments adjacents avaient été entièrement détruits par le bombardement atomique de 1945. En l'espace de quelques années, l'artère a été entièrement reconstruite.

Sur le plan politique, le Japon est toujours dominé par le Parti libéral-démocrate (PLD), qui assure une stabilité relative dans un contexte mondial marqué par la Guerre froide. Cependant, cette stabilité politique dissimule des tensions sous-jacentes. Le traité de sécurité entre le Japon et les États-Unis continue de susciter des controverses, notamment en raison de la présence militaire américaine sur le sol japonais, perçue par certains comme une atteinte à la souveraineté nationale. Ces tensions nourrissent des mouvements sociaux, notamment parmi les étudiants et les intellectuels, qui dénoncent ce qu'ils considèrent comme une dépendance excessive envers les États-Unis. Par ailleurs, les années 1970 sont marquées par l’activisme de groupes radicaux comme l'Armée rouge unifiée ou encore la Faction Armée rouge du Japon, responsable d'actes terroristes tels que le détournement du vol Japan Airlines 351 en 1970.

Table de conversion

Pour convertir les années du calendrier grégorien entre 1926 et 1989 vers les années du calendrier japonais de l'ère Shōwa, 1925 doit être soustrait de l'année en question.

Shōwa 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16
AD 1926 1927 1928 1929 1930 1931 1932 1933 1934 1935 1936 1937 1938 1939 1940 1941
Shōwa 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32
AD 1942 1943 1944 1945 1946 1947 1948 1949 1950 1951 1952 1953 1954 1955 1956 1957
Shōwa 33 34 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44 45 46 47 48
AD 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 1967 1968 1969 1970 1971 1972 1973
Shōwa 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64
AD 1974 1975 1976 1977 1978 1979 1980 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989

Sources

Références

  1. Gérard Siary, Histoire du Japon: des origines à nos jours, Tallandier, (ISBN 979-10-210-3330-6), p. 345
  2. (en) Erik Durschmied, Blood of revolution: from the Reign of Terror to the rise of Khomeini, Arcade Pub, (ISBN 978-1-55970-607-0), p. 254
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  4. Ivan Cadeau, La guerre de Corée: 1950-1953, Paris, Perrin, coll. « Collection Tempus », (ISBN 978-2-262-06449-5), p. 67-124
  5. a et b (en) Japanese economics and economists since 1945, Routledge, coll. « Routledge studies in the growth economies of Asia », (ISBN 978-0-415-75779-9), p. 152
  6. (en) Simon Andrew Avenell, Reconsidering postwar Japanese history: a handbook, Amsterdam, Amsterdam University Press, coll. « Japan documents handbooks », (ISBN 978-90-485-5937-4), p. 129-130
  7. Max Tessier, Francis Vanoye et Frédéric Monvoisin, Le cinéma japonais, Paris, Armand Colin, coll. « Focus cinéma », (ISBN 978-2-200-27158-9), p. 51-60
  8. Alain Vézina, Godzilla : une métaphore du Japon d'après-guerre, Paris, L'Harmattan, coll. « Images d'Asie », (ISBN 978-2-296-55813-7), p. 18-22
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  17. (en) Yoshikuni Igarashi, Japan, 1972: visions of masculinity in an age of mass consumerism, New York, Columbia University Press, (ISBN 978-0-231-19554-6 et 978-0-231-19555-3), p. 27

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Dufourmont Eddy, Histoire politique du Japon (1853-2011), Presses universitaires de Bordeaux,
  • Jean-Jacques Tschudin et Claude Hamon, La société japonaise devant la montée du militarisme : Culture populaire et contrôle social dans les années 1930, Picquier,
  • Michael Lucken, Grenades et amertume. Les peintres japonais à l’épreuve de la guerre 1935-1952, Les Belles Lettres,
  • Edward Behr, Hiro-Hito: L'empereur ambigu, éd. Livre de Poche, 1991

Voir aussi

Articles connexes

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