9K38 Igla
Le 9K38 Igla (en russe : « Игла́ », aiguille) est un système de missile sol-air (antiaérien) portatif guidé par infrarouges, fabriqué en Russie. « 9K38 » est la désignation appliquée par les russes pour leur système, le département de la Défense des États-Unis lui ayant attribué le nom de « SA-18 » et son code OTAN étant « Grouse », signifiant en français Tétra, le nom vernaculaire de certains oiseaux du groupe Tetraoninae. Une version précédente simplifiée, dénommée « 9K310 Igla-1 », est connue en Occident sous la désignation de « SA-16 Gimlet ». La version la plus récente à ce jour est le « 9K338 Igla-S », connue au sein de l'OTAN sous la désignation « SA-24 Grinch ». Il est en service au sein de l'armée russe depuis 2004[1]. Il existe un trépied lanceur à deux tubes pour le 9K38, appelé « Djigit »[2]. HistoriqueLe développement du missile portatif à courte portée Igla (MAN-Portable Air Defense System - MANPADS), commença dans les bureaux de l'OKB-1 de Kolomna, en 1972. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, l'Igla n'est pas une simple évolution de l'ancienne famille de missiles soviétiques « Strela » (9K32 Strela-2 et 9K34 Strela-3), mais un système nouveau. Les objectifs principaux étaient de créer un missile offrant une plus grosse enveloppe de tir avec une résistance aux contre-mesures accrue par rapport à l'ancien système Strela. Les difficultés techniques rencontrées tout au long du développement rendirent évident le fait que la mise au point prendrait beaucoup plus de temps que prévu initialement, et en 1978 le programme fut divisé en deux parties principales. Tandis que la finalisation du missile Igla « complet » continuerait son cours, une version simplifiée « Igla-1 », dotée d'un autodirecteur IR plus simple dérivé de celui du Strela-3, serait produite pour entrer en service rapidement en attendant la version finale et ses pleines capacités. Igla-1Le système 9K310 Igla-1 et son missile 9M313 ont été admis au service actif dans l'armée soviétique le . Les principales différences avec le Strela-3 se situent au niveau de la possibilité de l'équiper d'un système d'identification ami-ennemi (IFF) optionnel, afin de prévenir des tirs alliés, d'un conducteur de tir automatique et une possibilité de dévers pour simplifier le tir et réduire la portée d'engagement minimum et un corps de missile dont le diamètre est légèrement plus important mais offrant une trainée réduite. Il est aussi doté d'un meilleur système de guidage, permettant une portée opérationnelle accrue et un meilleur taux de réussite contre les cibles rapides et manœuvrantes, grâce à un capteur plus sensible mais résistant mieux aux contre-mesures infrarouges (fusées éclairantes ou émetteurs de brouillage de la série ALQ-144). Il est également bien plus destructeur, faisant usage d'une combinaison de fusées de proximité, de manœuvres terminales visant à toucher le fuselage plutôt que le nez de l'appareil et d'une amorce additionnelle faisant exploser le carburant non brûlé dans le propulseur au moment de l'impact (s'il en reste à ce moment-là). Selon les dires de son constructeur, les tests effectués en Afrique du Sud ont prouvé la supériorité de l'Igla sur le système américain contemporain FIM-92A Stinger (à rapporter à la date de sa mise en service, 1982). Pourtant, d'autres tests effectués en Croatie n'ont rapporté aucune supériorité évidente dans ce sens, sinon que l'Igla volait très légèrement plus vite et avait une portée très légèrement supérieure. Il avait été constaté que ces deux missiles avaient une tête chercheuse équivalente du point de vue des performances. D'après les bureaux de l'OKB-1, le missile Igla-1 a une probabilité de coup au but (PK - Probabiliy of Kill) variant de 0.30 à 0.48 contre des cibles non-protégées, valeur réduite à 0.24 en présence de leurres ou de brouillage. Dans un autre rapport, le constructeur affirme que le Pk est de 0.59 en approche et 0.44 en éloignement, contre un chasseur F-4 Phantom II n'utilisant aucune contre-mesure ou manœuvre évasive. Le missile Igla-1M est constitué d'une source d'alimentation en courant, d'un tube de lancement, d'un mécanisme de tir et d'un missile 9M313-1. IglaL'Igla 9K38 « pleine capacité » et son missile 9M39 furent finalement admis au service actif en 1983. Les améliorations par-rapport à l'Igla-1 comprenaient une meilleure résistance au brouillage et aux leurres, une tête-chercheuse plus sensible, une bulle de tir étendue vers l'avant permettant d'engager de manière plus favorable des chasseurs ennemis se présentant en approche directe et une portée légèrement accrue. L'impulsion de départ est plus importante, avec une fusée se consumant de manière plus rapide et une vitesse maximale plus grande (mais approximativement le même temps de vol jusqu'à la portée maximale). Le combustible du propulseur agit comme un explosif puissant lorsqu'il est initié par la charge secondaire de la charge militaire au moment de l'impact. La version navale du 9K38 est référencée par l'OTAN comme étant le « SA-N-10 Grouse ». Histoire opérationnelleArménieLors de la guerre du Haut-Karabagh en Arménie, Petros Ghevondyan abat avec l'Igla 9K38 un avion de chasse azerbaïdjanais Mig-25 qui tentait de retourner à sa base après avoir mené des bombardements[3]. IrakLa plus remarquable utilisation qui fut faite du SA-16 eut lieu pendant la guerre du Golfe. Le , un chasseur-bombardier Tornado de la Royal Air Force britannique revenant d'une mission avortée fut abattu par un MANPADS irakien, qui pourrait bien être un SA-16 ou un SA-14[4]. Un F-16 pourrait bien avoir été lui aussi descendu par un SA-16, le . Le pilote fut capturé[5],[6]. Au-cours de ce même conflit, un A-10 Thunderbolt II de l'US Air Force a également subi de lourds dégâts, à la suite de l'impact d'un SA-16, le . Le pilote a pu retourner à sa base indemne, grâce à la grande résistance de cet appareil d'attaque au sol (voir illustrations à droite). RwandaLe Front patriotique rwandais a disposé de SA-7, SA-14 et SA-16. Un hélicoptère Gazelle rwandais a été abattu par le FPR par un missile non-précisé le [7]. La compagnie d'espionnage privée Stratfor entre autres attribue à un missile SA-16 la chute de l'avion Falcon 50 présidentiel du gouvernement rwandais, touché en vol et abattu le , alors qu'il allait atterrir à l'aéroport de Kigali. Cette action tua simultanément Juvénal Habyarimana, président du Rwanda, et Cyprien Ntaryamira, président du Burundi. Cet attentat déclencha le génocide rwandais, qui fit 800 000 personnes victimes en seulement 100 jours[8]. Guerre du CenepaAu-cours de la guerre du Cenepa, opposant l'Équateur et le Pérou, l'armée équatorienne et l'armée péruvienne (qui disposait de 90 unités fonctionnelles) firent toutes deux usage de missiles SA-16 contre les avions et hélicoptères adverses. Un hélicoptère d'attaque Mi-25 de l'Armée de l'Air péruvienne fut abattu le , aux alentours de Base del Sur, tuant les trois hommes d'équipage, tandis qu'un A-37 Dragonfly équatorien eut plus de chance et put rentrer après avoir été touché. D'autres impacts sur des appareils équatoriens furent annoncés mais ne purent pas être confirmés[9]. BosnieLe , Pendant l'opération Deliberate Force, un Mirage 2000-D de l'Armée de l'Air française fut abattu au-dessus de la ville de Pale par un Igla tiré par les unités anti-aériennes de la Vojska Republike Srpske[10]. Les pilotes furent capturés et libérés en décembre 1995[11]. Révolution syrienneUne vidéo a été diffusée, montrant des rebelles islamistes faisant usage d'un SA-16 contre un hélicoptère du gouvernement syrien. On pense que ces armes ont été dérobées dans une base de l'armée syrienne, installée à Alep à partir de février[12]. Guerre civile ukrainienneLe , un avion de transport militaire ukrainien a été abattu par les séparatistes pro-russes, faisant 49 morts. Cette attaque aurait été menée notamment à l'aide du lance-missile 9K38 Igla [13]. Conflit turco-kurde de 2015Le , des militants du PKK abattent un hélicoptère de l'armée turque, probablement un Bell AH-1 Cobra, dans l'est du pays à l'aide d'un SA-18[14]. Les deux membres d'équipage trouvent la mort au cours de cette action, qui constitue une escalade supplémentaire dans le conflit. Invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022Le 9K38 Igla a été utilisé durant l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022 où plusieurs exemplaires ont été capturés par l'armée ukrainienne[15]. Autres variantesPlusieurs variantes de l'Igla ont été développées, à des fins spécifiques :
Le Gibka-S est une modification du véhicule blindé Tigr qui ou 4 missiles Igla ou Verba sont installés sur le toit du véhicule. Comparaison avec les autres systèmes portatifs contemporains
Utilisation lors d'une tentative d'attentatLe , à la suite d'une mission d'infiltration menée en coopération par les agences d'espionnage et de renseignement américaines, russes et britanniques, Hemant Lakhani, un ressortissant britannique, fut arrêté alors qu'il tentait de faire rentrer sur le territoire américain ce qui semblait être un vieil Igla de première génération. Il est soupçonné d'avoir eu l'intention d'utiliser ce missile lors d'une future action contre « Air Force One », l'avion présidentiel américain, ou contre des avions de ligne civils américains. On a su, par la suite, qu'il avait planifié l'achat de 50 autres exemplaires de cette arme. Après que le Federalnaya Sluzhba Bezopasnosti (FSB) ait détecté le trafiquant en Russie, il fut approché par des agents sous couverture américains s'étant fait passer pour des terroristes désirant abattre un avion commercial. Il obtint ensuite un Igla inerte par des agents sous couverture russes, et fut arrêté dans la ville de Newark, dans le New Jersey, au moment de conclure une vente simulée avec un autre agent américain sous couverture. Un citoyen indien résidant en Malaisie, Moinuddeen Ahmed Hameed, et Yehuda Abraham, un patriarche juif américain de 75 ans ont également été arrêtés. Ils avaient grandement contribué au financement de l'achat de ce missile, alors estimé à 85 000 $[18],[19],[20],[21]. Lakhani a été reconnu coupable par le jury en avril 2005 et a été condamné à une peine de 47 ans de prison[22]. Cet épisode a inspiré le roman SAS IGLA-S de Gérard de Villiers UtilisateursLes missiles sol-air Igla et Igla-1 ont été exportés depuis l'ex-Union soviétique vers plus de 30 pays, dans toutes les parties du monde. Certaines factions armées, guérillas ou autres groupes terroristes sont aussi supposés posséder des Igla's. Des actionnaires présumés des « Tigres de la libération de l'Eelam Tamoul », une organisation rebelle luttant pour une patrie pour les Tamouls dans l'île du Sri Lanka, ont été arrêtés, en août 2006, par des agents infiltrés du FBI se faisant passer pour les marchands d'armes, au moment où ils essayaient d'acheter un Igla. En 2003, le prix d'un exemplaire de cette arme était situé aux alentours des 60 000 à 80 000 $. Un grand nombre en a été vendu au gouvernement du Venezuela, et des inquiétudes se font ressentir quant à la possibilité de les voir tomber aux mains des guérillas colombiennes[23]. Igla-1E (SA-16)
Igla (SA-18)
Igla-S (SA-24)
Autres utilisationsLe GLL Igla est un projet récent d'avion russe propulsé par statoréacteur, mené par l'Institut Central de Développement des Moteurs d'Avion de Baranov (TsIAM). MédiasLe missile Igla (dans sa variante « Djigit ») est l'un des deux systèmes anti-aériens sur trépied utilisables dans le jeu vidéo Battlefield 2 (l'autre étant le Stinger). Dans le jeu, il est très sensible aux leurres, et un minimum de trois missiles est nécessaire pour détruire un avion ou un hélicoptère ennemi. Notes et références
AnnexesArticles connexes
Liens externes
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