Les psychotropes, dans le sens ancien de drogues, et plus tard dans la signification moderne de médicaments psychiatriques, ont fait l'objet de nombreuses démarches de classification, principalement selon leurs effets et la nature du danger qu'ils présentent.
Les critères d'estimation de la dangerosité des psychotropes sont en 2015 sujets à débat et ne font pas consensus[1]. Selon le docteur Nora Volkow, directrice du National Institute on Drug Abuse, la « distinction entre drogue douce et drogue dure est une fumisterie »[2].
Le niveau de dangerosité n'est évalué que pour des consommateurs uniques et non globalement pour la collectivité. Les taux d'occupation de chaque produit au sein de la société ne sont pas pris en compte dans les classifications de cet article.
De nos jours on fait la distinction entre les médicaments psychiatriques ou psychotropes et les drogues psychotropes. Les classifications selon les effets rencontrent leurs limites dans le fait que les catégories portent sur les effets et non sur les substances elles-mêmes, or une même substance peut avoir plusieurs effets différents en fonction de son dosage et de ses modalités de consommation et donc peut être rangée dans plusieurs catégories.
Intérêt des classifications
Il est très difficile de définir et de comparer des psychotropes et notamment leur dangerosité en raison de la multiplicité des usages, doses, fréquences, modes de consommation, raisons de la consommation (récréative ou médicale par exemple), contexte social, des combinaisons de produits, de l'état de santé du consommateur etc[1]. Les classifications dépendent des caractéristiques comparées. Par exemple l’addiction, la nocivité ou l’impact sur le comportement[3]. L'usage de drogue entraîne une variété de risques (surdosage, dépendance, violence, maladie, etc.) dont la pondération est difficile[1]. Par exemple le cannabis est régulièrement présenté comme moins dangereux que l'alcool mais ce point ne fait pas l'unanimité[3]. L'alcool ne contient qu'une seule substance active, l'éthanol, contre plus de 400 pour le cannabis[4]. L'élimination de l'alcool du corps est très rapide alors que le cannabis s'accumule dans les tissus adipeux — dont des éléments cancérogènes — et peut être libéré plusieurs semaines après la consommation dans la circulation sanguine[5]. Ces particularités biochimiques expliquent pourquoi une consommation occasionnelle et modérée d'alcool est généralement tolérée en Occident, alors qu'il est — culturellement et juridiquement — problématique de faire de même avec le cannabis ou d'autres drogues[4].
Selon le docteur Nora Volkow, directrice du National Institute on Drug Abuse, la distinction entre drogue dure et drogue douce est factice. Ce qui importe avant tout, c'est le type de rapport que l’individu entretient avec ces stupéfiants et le type de consommation[2].
Classification des drogues psychotropes selon Lewin (1924)
En 1924, Louis Lewin (un pharmacologueallemand) décrivit et classa les psychotropes, dans leur ancien sens de drogues psychoactives qu'il qualifiait de poison de l'esprit, en cinq groupes en leur donnant des noms latins selon leurs effets. Cette classification était la première qui tenait compte des effets de ces produits :
Euphorica : produits qui calment l'activité psychique en diminuant la perception des sensations : principalement les opiacés, mais aussi la coca et la cocaïne ;
Cette classification, bien que claire et simple, présente ses limites dans le fait qu'elle ne classe pas les produits psychotropes récents et qu'elle ne tient pas compte du fait que l'effet peut varier selon la dose. Ainsi la cocaïne, utilisée à l'époque comme anesthésiant, est présentée comme un calmant alors que c'est un stimulant[6].
Classification des agents psychotropes selon Delay et Deniker (1957)
les hallucinogènes ou perturbateurs : ils perturbent le fonctionnement du système nerveux et la perception de la réalité et peuvent, à long terme, modifier durablement la personnalité du consommateur (syndrome post hallucinatoire persistant). Cette classe inclut notamment le chanvre indien, les solvants (éther, colles), les anesthésiques volatils, le LSD, la mescaline, la psilocybine, la kétamine, etc.
Dépresseurs dont l'action augmente généralement en allant en bas à droite.
Hallucinogènes sont des psychédéliques vers la gauche, des dissociatifs vers la droite, généralement les moins prévisibles en bas à droite et généralement les plus actifs près du titre.
Stimulants dont l'action augmente généralement en allant en haut à gauche.
Groupes secondaires
Intersection des stimulants (bleu) avec les neuroleptiques (rose) - antidépresseurs moderne non-sédatifs.
Intersection des dépresseurs (rouge) avec les neuroleptiques (rose) - anciens antidépresseurs sédatifs et anxiolytiques.
Intersection des dépresseurs (rouge) avec les hallucinogènes dissociatifs (vert) - dissociatifs primaires ayant un pouvoir dépresseur.
Intersection des stimulants (bleu) avec les hallucinogènes psychédéliques (vert) - psychédéliques primaires ayant un pouvoir stimulant.
Groupes tertiaires
Intersection des stimulants (bleu) avec les dépresseurs (rouge) — Exemple : la nicotine possède ces deux effets.
Intersection des dépresseurs, hallucinogènes dissociatifs et neuroleptiques.
Intersection des stimulants, dépresseurs et hallucinogènes — Exemple : le THC possède des effets appartenant aux trois groupes.
Intersection des stimulants, hallucinogènes psychédéliques et neuroleptiques - exemple : les empathogènes / entactogènes.
Groupes quaternaires
Intersection centrale des quatre sections (stimulants, dépresseurs, hallucinogènes et neuroleptiques) - le cannabis contient du THC et du CBD qui possèdent des effets appartenant à toutes les sections, le THC étant le constituant primaire de la section hallucinogène.
Ces classifications ont surtout une portée juridique.
Classification de l'OMS (1971)
En 1971, l'OMS établit une classification des substances psychotropes en évaluant leur danger selon trois critères : dépendance psychique, dépendance physique et tolérance (accoutumance). Cette classification est cependant imprécise dans ses évaluations et la liste des psychotropes pris en compte est incomplète, le tabac ou les tranquillisants n'y sont pas pris en compte (Remarque : le cannabis en 1971 avait des taux de THC beaucoup plus faibles qu'en 2020) :
En 1978, Monique Pelletier (une avocate française) reprend la classification de l'OMS et l'applique à l'ensemble des psychotropes juridiquement réglementés dans son rapport de la mission d'études sur l'ensemble des problèmes de la drogue[7]. Les évaluations sont plus claires et s'échelonnent de 0 à 4. La tolérance de la cocaïne et des amphétamines passent de « aucune » à « très forte ».
Largement inspiré des conventions internationales de 1961, 1971 et 1988 sur le contrôle des stupéfiants, le code de la santé publiquefrançais classe les psychotropes en quatre catégories (dont les deux premières, stupéfiant et psychotrope, furent établies par l'arrêté du ) en fonction de leur toxicité et de leur dangerosité :
Les substances stupéfiantes. Cette catégorie inclut les produits considérés comme les plus toxiques. Leur production, leur distribution et leur usage sont étroitement réglementés, voire interdits pour certains (héroïne). Cette catégorie liste plus de 170 plantes et substances parmi lesquelles :
les médicaments inscrits sur les listes I et II, définis par l'article L.5132-6 du Code de la santé publique français. Ils ne sont délivrables que sur ordonnance "non renouvelable" (Liste I) ou renouvelable (liste II) ;
les substances dangereuses. Cette catégorie concerne les substances destinées à l'industrie, l'agriculture et au commerce et classées par les ministères concernés en huit sous-catégories (très toxique, toxique, corrosif, irritant, cancérogène, tératogène, mutagène). Cette catégorie liste notamment l'éther, ou les acides, etc.
Les substances dopantes relèvent d'une liste spécifique établie par les ministères des sports et de la santé et fixée par arrêté ministériel le . Cette liste s'inspire grandement de la liste officielle du Comité international olympique (CIO).
Rapport Roques (1998) sur la dangerosité des drogues
En 1998, Bernard Roques, un professeurfrançais membre de l'Académie des sciences, présente une approche globale considérant à la fois les propriétés pharmacologiques des drogues psychotropes et les problèmes et risques sanitaires et sociaux liés à la consommation de ces produits.
Ce tableau est un extrait du tableau publié à la page 152 du rapport sur la dangerosité des produits[8] par le professeur Bernard Roques et adressé au Secrétaire d'État à la Santé de l'époque, M. Kouchner, à l'issue des Rencontres Nationales sur l'Abus de drogues et la toxicomanie (France, juin 1998)[9].
Facteurs de dangerosité des drogues, selon classification du rapport Roques (1998)
1: nulle pour méthadone et morphine en usage thérapeutique[pas clair] 2 : sauf conduite automobile où la dangerosité devient alors très forte
Le rapport Roques propose une nouvelle classification des drogues psychotropes en ne considérant donc que les effets neuropharmacologiques qu'ils provoquent[6] :
Elles sont critiquées par le milieu médical qui préfère considérer une consommation problématique plutôt que des types de produit[6].
Notes et références
↑ ab et cdagmar domenig et sandro cattacin, « Les drogues sont-elles dangereuses? : Estimations de la dangerosité des substances psychoactives », Sociograph, (lire en ligne)
↑ a et bRobert Galibert, « Was Man Über Cannabis Wissen Sollte », www.nonaladrogue.org | www.sag-nein-zu-drogen.de, , p. 8-9 (lire en ligne) :
« L'alcool se compose d'une seule substance : l'éthanol. Le cannabis, en revanche, contient plus de 400 substances connues, dont les mêmes substances cancérigènes que la fumée de cigarette. Contrairement aux fumeurs, les consommateurs de haschisch ont tendance à inhaler profondément et à retenir la fumée aussi longtemps que possible pour intensifier les effets de la drogue. Cela augmente également le potentiel de dommages aux poumons.
Le corps élimine l'alcool en quelques heures. Le THC reste dans le corps pendant des semaines ou des mois, selon la durée et la quantité de consommation. Le THC nuit au système immunitaire, alors que l'alcool ne le fait pas. Il ne s'agit pas ici de minimiser les dangers de l'abus d'alcool. Cependant, les consommateurs de marijuana doivent être conscients que les composants de la drogue, qui peuvent être en partie cancérigènes, restent dans le corps longtemps après la consommation. »
↑(en) Nutt D, King LA, Saulsbury W, Blakemore C., « Development of a rational scale to assess the harm of drugs of potential misuse », Lancet, vol. 369, no 9566, , p. 1047-53. (PMID17382831, DOI10.1016/S0140-6736(07)60464-4)modifier.