Du point de vue politique, les dénominations et les définitions sont plus nombreuses et évoluent avec l'histoire.
Selon les linguistes Jernej Kopitar, Gustav Weigand(de) et Kristian Sandfeld-Jensen[2] l'existence d'une union linguistique balkanique présentant des particularités syntaxiques, grammaticales et phonologiques communes à toutes ces langues et à elles seules, montre que les populations ne s'y sont pas remplacées les unes les autres, mais se sont mutuellement assimilées[3]. Ce n'est qu'à partir de la fin du XVIIIe siècle, avec l'éveil des nationalités et au XIXe siècle avec la scolarisation, que les langues ont cessé d'être étroitement imbriquées à travers toute la péninsule, pour se développer chacune dans un espace exclusif où, avec l'émergence des États modernes, les autres langues sont devenues de plus en plus minoritaires (sauf en Macédoine où ce processus a attendu la seconde moitié du XXe siècle)[4].
À l'exception du Monténégro dont deux-tiers des citoyens se sont déclarés de langue Serbe en 2011[14], chacune de ces nations revendique des locuteurs de sa langue officielle dans les pays voisins
Les linguistes décrivent les langues slaves méridionales comme un « continuum linguistique » du fait que chacune est en grande partie compréhensible par les locuteurs immédiatement voisins[15]. En termes de linguistique et de sociolinguistique, le bulgare et le macédonien présentent assez de traits structurels communs objectivement établis pour constituer une langue unitaire, même si l'accent et certains éléments lexicaux distinguent le parler macédonien (également parlé en Bulgarie du Sud-Ouest, vallées de la Mesta et de la Struma) du bulgare standard. Une situation similaire existe entre le bosnien, le croate, le serbe et le monténégrin, langue unitaire jadis appelée « serbo-croate » et aujourd'hui nommée « BCMS » : il s'agit d'une langue abstand , c’est-à-dire une langue dont les dialectes passés ou actuels présentent des traits structurels communs objectivement établis[16].
Les locuteurs du bulgare-macédonien entre eux, comme ceux du « BCMS » entre eux, peuvent se comprendre parfaitement sans interprète ni dictionnaire : la distinction des dénominations est purement politique. Le BCMS est parlé par 18 millions de locuteurs dans les Balkans : c'est la langue la plus parlée dans la région. Les autres langues slaves méridionales, le slovène d'un côté et le bulgare-macédonien de l'autre, ne sont pas complètement transparentes sans apprentissage pour les locuteurs du BMCS[17].
Groupe roman
Ce groupe issu du Roman oriental †[18] compte environ 23 millions de locuteurs dont environ 1,5 million dans les Balkans[19] :
En termes de linguistique et de sociolinguistique, il s'agit de quatre langues différentes qui ne sont pas transparentes sans apprentissage pour les locuteurs de chacune d'elles[20] ; néanmoins, pour des raisons politiques, une partie des linguistes roumains considèrent le diasystème qu'elles forment comme une seule langue, dont chaque forme serait un dialecte[21]. Ces linguistes (Gustave Weigand, Ovide Densușianu, Sextil Pușcariu, Alexandre Rosetti, Théodore Capidan) appellent « roumain » l'ensemble du diasystème, « istro-roumain » l'istrien, « mégléno-roumain » le méglénite et « daco-roumain » le roumain. En outre, ce dernier est appelé « moldave » par les mouvements pro-russes et communistes de la République de Moldavie, également pour des raisons politiques.
↑Kristian Sandfeld-Jensen : Linguistique balkanique : problèmes et résultats, Klincksieck et Champion, coll. linguistique de la Société linguistique de Paris, Paris, 1930
↑Jernej Kopitar, Albanische, walachische und bulgarische Sprache, in : « Jahrbücher der Literatur » no 46, p. 59-106, Vienne 1829, et Kristian Sandfeld-Jensen, Linguistique balkanique : problèmes et résultats, Klincksieck et Champion, Collection linguistique de la Société linguistique de Paris, Paris, 1930
↑(en) J. Lindstedt, « Linguistic Balkanization : contact-induced change by mutual reinforcement », dans D. G. Gilbers, Languages in Contact, Amsterdam & Atlanta (Georgia), 2000, (ISBN90-420-1322-2), chap. 28, p. 231–246.
↑Ernest Gellner, Nations et nationalisme, Bibliothèque historique Payot, 1999 et Éric Hobsbawn, Nations et nationalisme depuis 1780: programme, mythe, réalité, Folio histoire 2002.
↑Jernej Kopitar, Albanische, walachische u. bulgarische Sprache in : « Jahrbücher der Literatur » no 46, p. 59-106, Vienne 1829.
↑Ion Russu, "The Language of the Thraco-Dacians" (Limba Traco-Dacilor), Editura Ştiinţifică, Bucarest 1967.
↑Selon François Pouqueville les Bardariotes étaient des iranienschrétiens hétérodoxes, dont la légende affirmait qu'après avoir formé la garde rapprochée du basileus byzantin Jean Ier Tzimiskès, ils avaient été établis au Xe siècle dans le bassin de l'Axios auquel ils auraient donné son nom de Vardar : Voyage en Morée, à Constantinople, en Albanie, et dans plusieurs autres parties de l'Empire Ottoman, Paris, 1805, 3 vol., à lire sur en ligne (Gallica).
↑Zdravko Batzarov, article Balkan Linguistic Union sur [3] in : Encyclopædia Orbis Latini, et Olga Mišeska Tomić, article The Balkan Sprachbund properties : an introduction to topics in Balkan syntax and semantics téléchargeable sur [4] (2003).
↑Roman Jakobson, Über die phonologischen Sprachbünde, dans « Travaux du Cercle linguistique de Prague » no 4, 1931, 234-240, et Donald Winford, An introduction to contact linguistics, Londres, Blackwell Publ. 2003.
↑Jernej Kopitar, Op. cit., Vienne 1829 et Andreï N. Sobolev, Op. cit. (« Petit atlas dialectologique des langues balkaniques »), Munich 2003.
↑André DuNay, article The Origins of the Rumanians sur [5], 1977.
↑Marius Sala (dir.), Enciclopedia limbilor romanice [« Encyclopédie des langues romanes »], éd. Științifică și Enciclopedică, Bucarest 1989, (ISBN973-29-0043-1).
↑Brian D. Joseph, article Romanian and the Balkans : some Comparative Perspectives sur [6] (1999, PDF à télécharger)
↑Alexandru Rosetti, Istoria limbii române (Histoire de la langue roumaine), 2 vols., Editura Ştiinţifică, Bucarest 1969.
Voir aussi
Bibliographie
(en) Sarah Grey Thomason, « Linguistic areas and language history », Studies in Slavic and General Linguistics, vol. 28, , p. 311–327 (lire en ligne, consulté le )
(en) Hans-Heinrich Hock, « Historical implications of a dialectological approach to convergence », dans Jaček Fisiak, Historical dialectology : regional and social, Berlin, Mouton de Gruyter Verlag, , p. 283-328