La caractéristique principale de Lynne Cohen est de faire des photographies de lieux dans lesquels l'humain n'est jamais montré mais suggéré, en noir et blanc et, depuis 1999, en couleur. Elle est une des représentantes de la photographie conceptuelle. Ses expositions Territoire occupé, L’endroit du décor, No man’s land, Camouflage et Cover ont fait l'objet de cinq livres de photographies.
Elle a réalisé de nombreuses expositions en Amérique du Nord et en Europe. En 2005, elle reçoit le prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques[3].
Lynne Cohen entreprend des études à l'université, aux Beaux-arts, en 1971 et commence la sculpture. Elle est influencée par le pop art, l'art pauvre, mouvement artistique italien (arte povera) qui s'oppose à la société de consommation et privilégie les techniques artisanales et les matériaux bruts, mais aussi par Marcel Duchamp, peintre et plasticien français inventeur du ready-made, et Mark Rothko.
Elle se tourne vers la photographie afin d'être plus engagée dans le monde.
Démarche
Depuis trente ans, le travail photographique de Lynne Cohen se développe à travers des images d'espaces intérieurs]. Dans ses œuvres, il n'y a jamais d'êtres humains mais ces derniers sont toujours suggérés, ils sont absents mais toujours présents.
Lynne Cohen photographie des lieux publics sans personnages : laboratoires, stations thermales, usines, salles d'attente ou d'entraînement. Leur décoration, souvent très kitsch, peut être comique, même si elle contribue à en renforcer l'aspect intrigant, autoritaire, voire inquiétant. Ces aspects sont soulignés lorsqu'elle photographie par exemple des lieux militaires ou des sous-marins. Elle s'intéresse en effet à l'ambiguïté des lieux et montre que les choses ne sont pas exactement ce qu'elles paraissent être. Chaque lieu est à la fois, sociologiquement et esthétiquement parlant, intéressant[6],[7].
Les cadrages rigoureux, la lumière qui met en relief matières et couleurs confèrent à ces images une apparence construite. S'attachant à l'aspect factice des lieux, parfois à leur usage mal défini, Lynne Cohen n'en suggère pas moins un contrôle social qui s'exerce de manière diffuse.
Lynne Cohen est passée du noir et blanc à la couleur. La couleur évoque une température, une autre psychologie de l'espace, le noir et blanc était plus près de la mémoire des espaces photographiés. La couleur depuis 1995 est peut-être plus sinistre. Des lieux identiques ont été photographiés en noir et blanc et en couleur, les rendant complètement différents.
Son travail se fait en argentique à la chambre photographique, avec un très petit obturateur ou diaphragme. Le temps pour prendre une photo varie entre une demi-journée et un jour, en fonction du temps imparti.
Influences
Lynne Cohen s’est inspirée de plusieurs artistes.
Jian Xing Too, critique d'art et préfacière du livre lié à l’exposition « Cover », a mis en lumière ses influences artistiques :
Eugène Atget : il photographiait les intérieurs des appartements parisiens (ex. : Album « Intérieurs parisiens, début du XXe siècle : artistiques, pittoresques et bourgeois »). Il a certainement inspiré Lynne Cohen par le fait que ses photographies représentent des intérieurs vides de présence humaine.
David Byrne, le musicien, écrit l'avant-propos pour le livre Lynne Cohen : Occupied Territory[8], publié par Aperture Foundation en 1987.
Walker Evans, chargé par la Farm Security Administration, parmi d'autres photographes, de prendre des photographies pour témoigner des conséquences de la Crise de 1929, il a beaucoup axé son travail sur l'habitat.
Bernd et Hilla Becher, couple d'artistes allemands qui photographiaient des lieux industriels de l'après-guerre.
1985 : Environnements d'ici et d'aujourd'hui : trois photographes contemporains, Lynne Cohen, Robert Del Tredici, Karen Smiley, Musée des beaux-arts du Canada, Ottawa.
1994 : La Nièvre photographiée : Javier Baldeòn, Lynne Cohen, John Davies, Robert Polidori, Jean-Marc Tingaud, Maison de la Culture, Nevers[21].
Camouflage, texte et photographies de Lynne Cohen (traduit de l'anglais par Cécile Dazord), Cherbourg, le Point du jour, 2005, 198 p. (ISBN2-912132-44-4)[29].
Cover, photographies de Lynne Cohen, texte de Jian-Xing Too, Cherbourg, le Point du jour, 2009. C'est le second livre de Lynne Cohen ; il rassemble des photographies en couleurs, réalisées au cours des dix années précédentes. Cover (couverture) peut signifier couvercle, revêtement, protection, ou réserve. Il renvoie au livre lui-même, au croisement de la photographie utilitaire et de l'art contemporain, du sens et du non-sens, de l'ordinaire et de l'onirique.
↑« Clichés d'intérieur de Lynne Cohen. Territoires occupés. Entre l'archéologie documentaire et l'investigation policière, d'hallucinants portraits de notre espace social », Le Monde, (lire en ligne).
↑Thierry de Duve, « Photographie d’ameublement. Note sur le travail de Lynne Cohen », dans Lynne Cohen (catalogue d'exposition), Bruxelles, Galerie Coekelaere & Janssen, .
↑« Plus réel que nature. Lynne Cohen trouve dans les lieux et les objets les plus ordinaires des références multiples à l'histoire de l'art », Le Monde, (lire en ligne).
↑(fr + en) Philippe Guillaume, « Lynne Cohen.
Faux indices : des espaces au sein des lieux », Ciel variable, no 95 « Cyber / Espace / Public », , p. 74–77 (lire en ligne).
↑La Nièvre photographiée : Javier Baldeòn, Lynne Cohen, John Davies, Robert Polidori, Jean-Marc Tingaud (catalogue d'exposition), Nevers, Conseil général de la Nièvre, , 56 p..
↑Hervé Gauville, « "Double mixte" : Quatre pour une partie au Jeu de paume », Libération, (lire en ligne).
↑Geneviève Breerette, « Un quatuor pour images en creux au Jeu de paume », Le Monde, (lire en ligne).
↑Double mixte (catalogue d'exposition), Paris, Jeu de Paume, coll. « Générique », , 63 p. (ISBN2-908901-35-8).
(en) David Byrne, David Mellor et William A. Ewing, Lynne Cohen : Occupied Territory, New York, Aperture, , 111 p.
Sarah Bassnett et Sarah Parsons, La photographie au Canada, 1839 - 1989. Une histoire illustrée, Art Canada Institute, (lire en ligne).
Catalogues d'exposition
Marc Donnadieu, Lynne Cohen, Double aveugle, 1970-2012 (catalogue d'exposition), Vanves, Hazan, , 141 p. (ISBN978-2-7541-1112-6).
Florian Ebner et Matthias Pfaller, Observatoires-laboratoires, Lynne Cohen (catalogue d'exposition), Paris, Centre Pompidou, Atelier EXB, , 103 p. (ISBN978-2-36511-364-9).
François LeTourneux et Paulette Gagnon, Lynne Cohen. Faux Indices (catalogue d'exposition), Musée d'art contemporain de Montréal, , 71 p..
Frédéric Paul, Johanne Lamoureux et Jean-Paul Criqui, Lynne Cohen : l'endroit du décor / Lost and Found (catalogue d'exposition), Limoges, FRAC Limousin, .
Ann Thomas, Environnements d'ici et d'aujourd'hui : trois photographes contemporains, Lynne Cohen, Robert Del Tredici, Karen Smiley, Ottawa, Musée des beaux-arts du Canada, , 92 p. (ISBN0-88884-522-7 et 9780888845221).
Ann Thomas (trad. Jean-François Allain, préf. Pierre Théberge, William A. Ewing), No Man's Land : les photographies de Lynne Cohen (catalogue d'exposition), Paris, Londres, Thames & Hudson, , 160 p. (ISBN2-87811-204-0).
Articles
(en) Jean-François Bélisle, « (Un)Framing Interior Views. Cultural Geography in the Work of Lynne Cohen », Ciel variable, no 71 « Un monde d’images », , p. 32–33 (lire en ligne).
Jacqueline Fry, « Lynne Cohen : un théâtre d'objets de plus en plus inquisiteurs », Parachute, vol. 33, 1983-1984, p. 5-11