Olivia Chaumont, née à Meudon, le , est une architecte et urbanistefrançaise. Femme trans, le Grand Orient de France reconnait officiellement son changement d'identité et de genre en 2010. Militante de la cause trans, elle est l'auteure D'un corps à l'autre, témoignage autobiographique sur la transidentité.
Biographie
Olivia Chaumont suit d'abord un enseignement scientifique en classes préparatoires aux grandes écoles pour s'orienter ensuite vers l'architecture. Elle entre à l’École nationale supérieure des beaux-arts, à l'unité pédagogique no 6, et obtient son diplôme en 1978. Elle complète sa formation d'architecte par des études d'urbanisme à l'Institut d'urbanisme de Paris.
Architecture et urbanisme
En 1981, elle fonde l'agence Urbatecture puis, en 1991, l'agence d'architecture et d'urbanisme Atelier Cité qu'elle dirige jusqu'en 2008. Elle est nommée en 1990 expert auprès de l'État et du Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais pour la reconquête des friches industrielles. Tout au long de ces années elle mène de nombreux projets d'architecture et d'urbanisme. En 1990, elle est lauréate du concours national « Pour une architecture de la réhabilitation » lancé par le ministère de l’Équipement pour son projet de réhabilitation du grand ensemble de Montereau-Ruffins à Montreuil[1]. L'approche est novatrice. Elle repose sur la clarification des statuts entre espaces privés et publics et l'affirmation d'une résidentialité nouvelle. Cette réalisation sera citée en exemple en France et à l'étranger pour sa façon de réintégrer un grand ensemble dans la structure urbaine qui l'entoure[2],[3],[4]. Dans la même ville, Olivia Chaumont est l'urbaniste de la ZAC centre-ville, ce qui l'amène à rencontrer l'architecte Alvaro Siza. Elle y réalise un ensemble de 110 logements sociaux qui domine la place de la mairie.
Intéressée dès la fin des années 1980 par la question des friches industrielles et urbaines, ainsi que par celle de la mutabilité foncière, elle met au point des outils théoriques permettant de définir des stratégies urbaines globales sur un territoire donné. De sa première étude[5] et jusqu'aux toutes dernières[6], elle affine cette approche de l'aménagement urbain où la forme urbaine est l'élément déterminant de la politique urbaine. Elle s'appuie sur et prolonge les principes de l'îlot ouvert définis par Christian de Portzamparc dans ce qu'il appelle l'âge III de la ville.
2003 est une année marquante dans sa carrière. Elle voit la consécration de son travail d'urbaniste en étant désignée lauréate du concours international Ville-port 2 à Saint-Nazaire[7]. Son projet fait suite à celui de l'urbaniste catalan Manuel de Sola Morales. Il répond aux enjeux d'une renovatio urbis par des actions spécifiques insérées comme autant de jalons dans une structure claire des espaces publics et qui redonne à la ville la centralité perdue depuis sa reconstruction après guerre.
Transidentité et militantisme
En 2005, Olivia Chaumont commence une transition qui aboutit en janvier 2009 à son changement d'état civil. Elle découvre le parcours médical et juridique que les personnes transgenres doivent emprunter pour vivre leur véritable identité. Devant les conditions peu respectueuses de la personne humaine qu'exige ce parcours, elle s'engage dans le milieu associatif et milite activement au sein d'Homosexualités et socialisme pour l'obtention de droits spécifiques pour les personnes transgenres. En premier lieu une simplification du changement d'état civil qui abandonne l'obligation de réassignation sexuelle. Elle participe ainsi à l'organisation d'un colloque sur la transidentité en direction des parlementaires[8] ainsi qu'à l'élaboration du projet de loi déposé à l'Assemblée Nationale en 2011 par Michèle Delaunay[9], députée de la Gironde, qui lui reconnaît un rôle moteur dans cette démarche[n 1]. Elle a également comme objectif de dé-médicaliser et dé-psychiatriser le parcours de transition comme le revendiquent les associations trans.
Parallèlement, elle s'implique dans les débats sur la question du genre et sur les rapports de pouvoirs entre les sexes. À ce titre, elle devient membre du think tank l'Observatoire des futur(e)s[10] et y apporte son expérience personnelle particulière, celle du regard différent que porte la société sur une personne, quand elle est un homme et quand elle est une femme. Pour elle, la construction du genre est le prima de la question du pouvoir[n 2],[11].
Franc-maçonnerie
Membre de la logeUniversité maçonnique du Grand Orient de France (GODF) depuis 1992, Olivia Chaumont demande en 2009 que son changement d'identité soit pris en compte. Demande difficilement acceptable pour une obédience exclusivement masculine et qui arrive à un moment où le débat sur la mixité enflamme cette obédience. Plusieurs vœux qui demandent que les femmes puissent être initiées au sein du GODF, sont repoussés au convent[n 3].[réf. nécessaire]
Après une année de discussion, le Conseil de l'ordre du GODF finit néanmoins par entériner le changement de sexe d'Olivia Chaumont. Il diffuse cette décision par un communiqué de presse le [12][source insuffisante]. Olivia Chaumont devient ainsi la première femme trans institutionnellement reconnue comme membre du Grand Orient de France. Soulagée que les principes humanistes de l'obédience n'aient pas été malmenés par une possible exclusion, elle réagit cependant publiquement à ce communiqué qu'elle trouve choquant dans sa formulation[13].
La reconnaissance du nouvel état civil d'Olivia Chaumont transforme, de fait, le Grand Orient de France en une obédience mixte[Interprétation personnelle ?], même si la situation a vocation à rester exceptionnelle[14]. « Il suffit d'une sœur... » titre l'hebdomadaire L'Express en reprenant son expression personnelle[15]. Même si ce ne fut pas de façon spontanée, le GODF est de nouveau, pour elle, en phase avec l'évolution de la société française[16]. Cette nouvelle se répand rapidement au-delà des frontières de l'Hexagone. Particulièrement en Espagne, Turquie et Amérique Latine où la presse s'en fait largement l'écho[17],[18],[19],[20].
Le convent de 2010, qui se tient à Vichy cette année-là, va proposer la mixité du GODF par le vote d'un vœu qui autorise l'admission des femmes[21],[n 4]. Élue déléguée de sa loge, Olivia Chaumont est présente à ce convent. C'est la première fois qu'une femme déléguée prend part au convent et y prend la parole. Dans le portrait que le journal Libération fait d'elle on vit ce moment historique où, seule parmi 1 200 délégués hommes, elle prend la parole[14]. En septembre de la même année, devant plus d'une centaine de frères et de sœurs de toutes obédiences, elle est installée vénérable de sa loge. C'est à nouveau une première dans l'histoire contemporaine du Grand Orient[23],[24]. Elle dirige les travaux de la loge pendant trois années, jusqu'en 2013.
Activités
Olivia Chaumont consacre principalement son temps à l'écriture. Elle a donné un témoignage sur la transidentité dans un livre paru en 2013, D'un corps à l'autre[25], aux éditions Robert Laffont. À travers cet ouvrage elle cherche à faire connaître et comprendre au grand public quelles sont la vie et la situation des personnes trans aujourd'hui.
Elle donne des conférences en France et à l'étranger (notamment en Belgique et au Canada)[26] sur la transidentité et la question du genre.
Olivia Chaumont est programmatrice au festival du film LGBTQI de Paris, dit Chéries-Chéris, depuis 2016.
Principales réalisations
2009-2010 : L'Estran, Saint-Nazaire
2008-2009 : Logements, Pierre de Montreuil, Montreuil 93
2009-2011 : Nouvelle Vague (95 logements), Saint-Nazaire[27], projet sélectionné au prix d'architecture Caue44
2008-2010 : Les Caboteurs (80 logements), Saint-Nazaire
2002-2007 : Ville-Port 2-Saint-Nazaire. Projet lauréat du concours international.
2000-2002 : Palais Cambon-Valorisation du patrimoine, Cour des Comptes, Paris
1995-1996 : Grand Projet Urbain-Val d'argent, Argenteuil. Finaliste du concours d'urbanisme
1993-1999 : Opération René Cassin (110 logements), ZAC Walwein, Montreuil
1990-1993 : Réhabilitation (620 logements), cité Montreau-Ruffins, Montreuil 93. Projet lauréat du concours national « Pour une architecture de la réhabilitation »
1989-1991 : Hôtel 100 chambres-Gare de Lyon, Paris 12e
↑« Olivia a été pour moi un authentique moteur. Michèle Delaunay, journal Sud Ouest du 8 janvier 2012 à propos de sa décision de faire évoluer la loi. »
↑« Je pense que la question du genre est le primat de la question du pouvoir et je dis bien la construction du genre, contrairement au sexe qui est donné par la génétique. »
↑« Il s'agit de l'assemblée générale qui se tient annuellement et qui rassemble les délégués de chaque loge du Grand Orient de France (GODF). Il dure près de trois jours et compte plus de 1 200 participants. »
↑Ce vœu sera annulé pour vice de forme par la Chambre de justice maçonnique et revoté l'année suivante et de nouveau annulé pour les mêmes causes[22].
Références
↑Ministère de l'Equipement, Une architecture de la réhabilitation no 20.
↑P. Joffroy, La Réhabilitation des bâtiments, Éditions du Moniteur, janvier 2000.
↑A. Fernandez-Maldonado, E.D. Hulsbergen & P.L.M. Stouten, Transforming neighbourhoods : examples of french practice in banlieue of Île-de-France, The Architectural Intervention, Falculty of Architecture, Delft University of Technology, Delft 2000 (ISBN90-407-2133-5), p. 56-60.
↑Urbatecture, Définition d'une stratégie de réutilisation des friches industrielles du district de Reims, Agence d'urbanisme de Reims, 1985.
↑Atelier Cité, Mutabilité foncière et potentialités de renouvellement urbain, Études sur 14 communes de Seine-Saint-Denis (2009), 12 communes du Val de Marne (2007-2008), 12 communes de la communauté d'agglomération de la Riviéra Française (CARF 2008).
↑Colloque à l'Assemblée nationale du 21 octobre 2009 : « Questions sociales et juridiques posées en France par les parcours de changement de sexe »-Groupe d'étude parlementaire sur l'identité de genre, HES avec les parlementaires Michèle Delaunay, Jean Mallot, Pascale Crozon, Catherine Lemorton, Marie-Odile Bouillé et les intervenants : Alecs Recher, transsexuel, Conseiller municipal du parlement de la ville de Zurich, Frédérique Granet, juriste du droit européen, Patrice Hilt, juriste, Marie-Laure Peretti, psychologue et le docteur Jean Guetta, psychiatre.
↑I. Herrera, Olivia Chaumont, la mujer que convirtio en mixto al Gran Oriente de Francia, El toque y la palabra, Arte Real Colombie, 2011 (ISBN978-84-92984-62-6), p. 230-262.
↑« Le Grand Orient autorise l'initiation des femmes », L'Express du 3 septembre 2010.
↑Science-Po le 18 novembre 2010, colloque organisé par l'université de Bordeaux 3 le 19 juin 2010, Masonica, Bruxelles, 2013, Université Mc Gill, Montréal, 2014.