Elle enseigne deux ans dans un lycée et dans des écoles normales, avant d'être nommée à la Sorbonne où elle fait une carrière universitaire d'assistante, maître-assistante et de professeure de psychologie clinique à l'université René Descartes à Paris[3]. Elle soutient sa thèse d'État en psychopathologie en 1970 à l'université Paris-VII[4] et publiée en 1971 sous l'intitulé : L'enfant de six ans et son avenir[2].
Elle se montre assez critique à l'égard des conceptions de Freud sur la femme. Elle évoque dans un entretien en 2005 sa « déception » à l'égard du manque d'ouverture de la psychanalyse à l'égard des « apports des autres disciplines ». Elle s'intéresse aux questions méthodologiques, notamment à l'entretien clinique de recherche[9].
Dans le cadre de ses activités d'enseignante, elle réfléchit à la formation des psychologues, en lien avec les fonctions spécifiques qu'ils auront à assumer. Elle est particulièrement convaincue de « l’importance de former des professionnels praticiens, engagés sur le terrain et aptes à travailler en équipe, plutôt que des savants théoriciens »[10]. Dans son chapitre sur l'entretien clinique[11], elle s'emploie à définir la démarche qui préside à l'entretien clinique, au dispositif qui permet l'entretien et à la posture du clinicien, notamment sa disponibilité d'écoute, qu'elle rapproche de l'attention flottante, durant le temps de l'entretien.
Elle a mené des recherches, en lien avec sa pratique médicale à l’hôpital Fernand-Widal auprès de personnes désirant changer de sexe, sur l'identité sexuelle[5]. Colette Chiland préférait le terme « identité sexuée » à « identité sexuelle » qui prédominait en France ; les anglophones parlant davantage d'« identité de genre ». Elle proposait de ne pas inclure l'orientation sexuelle dans l'identité sexuée, alors que John Money considérait que « l’identité est la face privée des rôles sociaux, et que les rôles sont la face publique de l'identité[12] ». Au contraire de la psychologue clinicienne Françoise Sironi, qui pense que la conception naturaliste et binaire de l’identité de genre constitue « un angle mort de la théorie psychanalytique[13] », Chiland affirme son attachement à « la boussole du sexe » : « la division en sexes n’est pas une création de la société[14] ». Elle considère que la proposition de Judith Butler de supprimer les distinctions de sexe relève d'une propagande « ethnocentriste » qu'elle compare à l'idéologie nazie[15].
Ses travaux et ses prises de positions font l'objet de vives critiques de la part de certains collègues[16] (Françoise Sironi la qualifie de « transphobe »[17]) et d'associations de défense de la cause trans[18],[19]. Elle estime qu'il s'agit d'« attaques personnelles » et que ses propos[20] sont dénaturés par les militants « en changeant les termes, en sortant les phrases de leur contexte[21] ».
Karine Espineira et Maud-Yeuse Thomas estiment qu'en défendant l'idée qu'« une minorité ne peut avoir raison sur la majorité et la Raison et la Réalité », Colette Chiland a « montr[é] le chemin d'une fabrique de l'ignorance dans laquelle quantité de défenseurs de la légalité, réalité et naturalité "des sexes" [ont placé] leurs pas ». Elles citent pour exemple la permanente dénonciation d'une « tyrannie des minorités » par Polony, et regrettent l'absence de remise en cause de ce qu'elles appellent le « tyrannie des pathologisations » qui attise pourtant les haines et discriminations[22]. Les deux chercheuses pointent aussi une déshumanisation dans les propos de Chiland : « J'ai compris que je m'étais laissée piéger par son aspect déconcertant, effrayant, non pas parce qu'il aurait été une caricature de femme, un travelo sans talent: il n'était rien, ni homme ni femme. »[23].
Affaire Chiland contre Martin
Dans la préface de la réédition de « Changer de sexe »[21], Chiland raconte comment, le , des militants d'Act up-Paris sont venus la réveiller bruyamment et distribuer des tracts sur lesquels figuraient sa photo, la mention « un visage de la haine » et des « propos très agressifs accompagnés de citations dénaturées de ses livres ». À la suite de sa plainte[5], Jérôme Martin, ex-président d'Act up-Paris, est condamné en 2007 pour diffamation publique[24]. Elle expose son analyse :
« J’ai beaucoup réfléchi sur ce qui pouvait choquer dans mon écriture : trop directe et trop concise, trop imagée et concrète, elle a pu être mal interprétée et ressentie comme agressive. Je n’avais pourtant pas la “haine” à l’égard des transsexuels qu’on a voulu m’attribuer, bien au contraire. (…) Je ne conçois pas l’exercice de mon métier sans bienveillance à l’égard des patients, mais les patients ne nous facilitent pas toujours la tâche. (…) Dans leur colère contre leur condition, leur maladie éventuellement (VIH) pour lequel ils sont à risque plus élevé s’ils se droguent ou se prostituent ou ont des rapports sexuels non protégés, les activistes trans’ ont besoin d’une cible sur laquelle tirer. (…) Ils se sont trompés en me choisissant pour cible. Ils (…) l’ont fait avec une violence rare, en dénaturant mes propos, (…) en passant sous silence ce que j’avais fait pour les transsexuels. Ils veulent faire feu de tout bois ; certains commentaires sont d’une ignorance et d’une sottise déconcertantes, alors que leurs auteurs ne sont ni sots, ni ignorants[21]. »
Ouvrages
L'enfant de six ans et son avenir : L'Enfant, la famille et l'école, Paris, Puf, (ISBN978-2-13-037823-5).
↑Marie-Michèle Bourrat et Jean-Philippe Raynaud, « Colette Chiland, une pionnière de la psychiatrie et de la psychanalyse de l’enfant et de l’adolescent », Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence, vol. 65, no 1, , p. 1-4 (DOI10.1016/j.neurenf.2016.11.001).
↑Tom Reucher, « Quand les trans deviennent experts : Le devenir trans de l'expertise », Multitudes, vol. 20, no 1, , p. 159-164 (DOI10.3917/mult.020.0159)
« Les propos de Colette Chiland illustrent ce que Sándor Ferenczi (1873-1933) écrivait en 1932 à propos de l'hypocrisie des professionnels du soin: « Une grande part de la critique refoulée concerne ce que l'on pourrait appeler l'hypocrisie professionnelle. Nous accueillons poliment le patient quand il entre, (...) nous lui promettons (...) de consacrer tout notre intérêt à son bien-être et au travail de l'élucidation. En réalité, il se peut que certains traits externes et internes du patient nous soient difficilement supportables. » Cette hypocrisie professionnelle n'est pas réductible au seul contre-transfert. Il ne se rejoue pas un modèle relationnel préalable de la vie du thérapeute projeté sur le patient en situation thérapeutique. Il s'agit d'une véritable hostilité à l'égard des patients, liée à un rejet moral de la même nature que le racisme, et qui porte aujourd'hui un nom: la transphobie. Les manquements éthiques de ces thérapeutes qui continuent de recevoir des sujets transsexuels en parfaite connaissance de cause eu égard à leur hostilité sont gravissimes. »