George Grosz, né Georg Ehrenfried Groß le à Berlin et mort dans la même ville le (à 65 ans), est un peintre et caricaturisteallemand, qui fut un membre important du mouvement Dada ainsi que de l'aile gauche du mouvement de la Nouvelle Objectivité.
Enrôlé dans l'armée comme volontaire le (à 21 ans), il sert d'abord dans le 2e régiment de grenadiers de la Garde « empereur François », puis est muté le au Premier bataillon de réserve du même régiment avant d'être libéré momentanément de ses obligations militaires le . La raison officielle de cette réforme argue d'une infection des sinus, bien qu'il soit resté quelque temps dans un hôpital psychiatrique militaire. Il écrit « La guerre était pour moi l'horreur, la mutilation et l'anéantissement ».
« Meine Nerven gingen entzwei, ehe ich dieses Mal nahe Front verweste Leichen und stechenden Draht sah. Die Nerven, jede kleinste Faser, Abscheu, Widerwillen — nun, meinetwegen krankhaft — jedenfalls totales Versagen, selbst allmächtigstem Paragraphenzwang gegenüber »
— George Grosz, mars 1917
« Mes nerfs ont lâché avant que j'aille cette fois-là au front et que je voie des cadavres putréfiés et des barbelés. Les nerfs, jusqu'à leurs plus petites fibres, un dégoût, une aversion — bon, morbide, si on veut — en tout cas une défaillance totale, même face à la plus puissante des contraintes légales »
En tant qu'opposant strict à la guerre, pour se défaire de la connotation allemande de son patronyme, en 1916 il modifie officiellement son état-civil en rajoutant un « e » à la fin de son prénom et en modifiant le « ß » de son nom en « sz »[1]. En choisissant un nom à consonance anglaise, il a voulu émettre un signal contre le sentiment anti-anglais. Probablement à l'instigation d'Emil Orlik, il collabore avec un dessin satirique ("Bei Siechen", Wieland, n° 49-52, mars 1916), sous le nom d'Ehrenfried, son second prénom, au magazine de propagande de guerre fondé en 1915 par Bruno Paul : Wieland[2].
Adhérant aux idées communistes du Novembergruppe en 1918 et participant à l'insurrection spartakiste, Grosz est arrêté en . Il parvient à s'échapper grâce à de faux papiers d'identité. Avec Heartfield, il rejoint le Parti communiste allemand (KPD). Il participe aux revues politisées berlinoises comme Der blutige Ernst[3] ou Die Aktion. Son antimilitarisme et son engagement pour un art prolétaire lui causent des démêlés avec la justice : revues saisies ou interdites de parution, puis au cours de la Première foire internationale Dada de Berlin, condamnation pour insulte envers l'armée impériale, censure de recueils de gravures comme « Gott mit Uns »[4] (été 1920).
Baptisé « Maréchal Propagandada »[réf. nécessaire], Grosz organise avec Raoul Hausmann et Heartfield la Première foire internationale Dada à Berlin, le . Il publie à cette occasion "Ecce Homo". Il y pratique l'exagération caricaturale et montre avec vérisme, l'état du monde de l'après-guerre. Les saynètes de la vie privée de la bourgeoisie allemande et de ses vices se télescopent aux scènes de rue hantées par les mutilés de guerre. Ce recueil lui vaut censure et amende de six cents marks pour « outrage aux bonnes mœurs »[5].
En 1924, il devient président du Groupe rouge, l'association des artistes communistes. Son dessin Ferme-la et continue de servir représentant un Christ crucifié en habit militaire, publié dans l'hebdomadaire satirique communiste Der Knüppel (La Matraque) lui vaut une nouvelle peine de prison de deux mois et 2 000 marks d'amende pour blasphème[5].
Période américaine
Anti-nazi, Grosz quitte l'Allemagne en 1932. Invité à enseigner l'art à l'Art Students League de New York en 1933, il y travaille de façon intermittente jusqu'en 1955. Il devient citoyen des États-Unis en 1938. Son style s'édulcore et verse dans un romantisme sentimental. Ce changement est généralement considéré comme un déclin.
En 1959, il choisit de retourner à Berlin, où il meurt le , victime d'une chute dans les escaliers, après une nuit de beuverie. Il est inhumé à Berlin au Waldfriedhof Heerstraße.
Vie familiale et privée
Lors d'une cérémonie de mariage dada, George Grosz se marie le avec Eva Peter, née à Berlin le , qu'il appela amoureusement Daum ou Maud. Le couple s'installe provisoirement Belle-Alliance-Strasse 21 avant d'emménager dans leur propre maison Hohenzollerndamm 201 à Berlin-Wilmersdorf. Il a représenté son mariage dans Daum Marries(en).
Leur premier fils, Peter Michael, naît le . Leur deuxième fils, Martin Oliver, né le , connu sous le nom de Marty Grosz(de), est un guitariste, banjoïste et chanteur de jazz.
Citation
« L'artiste d'aujourd'hui, s'il ne veut pas tourner à vide, être un raté passé de mode, ne peut choisir qu'entre la technique et la propagande pour la lutte des classes. Dans les deux cas, il doit abandonner l'art pur.[réf. nécessaire] »
2014 : Marseille, vieille charité. Exposition Visages, au .
Musée consacré à George Grosz
Le , un musée dédié à George Grosz appelé « Das kleine Grosz Museum » a ouvert à Berlin dans une ancienne station-service Shell des années 1950[35],[36].
Notes et références
↑Au même moment, son ami l'artiste Helmut Herzfeld anglicise son nom en John Heartfield.
↑Olivier Deloignon, « Wieland. Un magazine illustré de propagande sur l’art » in Pas vu, pas pris, Collectif, Paris, –zeug + HEAR / laboratoire de recherche De traits et d’esprit, (ISBN979-10-95902-04-1)
↑Der blutige Ernst, de John Höxter (Hg., N° 1 et 2), Carl Einstein (Hg., N° 3 à 6), George Grosz (Hg., N° 3 à 5, illustrateur), N° 1 à 6, 1919
↑Traduction française « Dieu avec nous ». Cette devise de l'armée allemande était notamment inscrite sur la boucle de ceinturon des militaires.
↑Jean-Louis Ferrier, L’Aventure de l’art au XXe siècle, Editions du Chêne, , 1005 p. (ISBN2-84277-464-7), p. 375
↑ a et bDietmar Elger (trad. de l'allemand), L’Expressionnisme : Une révolution artistique allemande, Hong Kong/Köln/Paris etc., Taschen, , 202,256 (ISBN978-3-8228-3185-4), p. 218
Laurent Le Bon (dir.), Dada, catalogue de l'exposition présentée au Centre Georges-Pompidou du 5 octobre 2005 au 9 janvier 2006, Paris, éditions du Centre Pompidou, .
Ralph Jentsch, George Grosz, l'œil de l'artiste, Paris : Société nouvelle Adam Biro, 2002.
(en) Beth Irwin Lewis, George Grosz, Art and Politics in the Weimar Republic, London, Madison, 1971.
Peter-Klaus Schuster, George Grosz : Berlin - New York, Berlin : Ars Nicolai, 1995, 2. Auflage, (ISBN3-89479-054-7) (Ausstellung : Berlin, Neue Nationalgalerie, 21. Dezember 1994 bis 17. April 1995 : Düsseldorf, Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, 6. Mai bis 30. Juli 1995 : Stuttgart, Staatsgalerie, 7. September bis 3. Dezember 1995. Die Ausstellung wird veranstaltet von der Nationalgalerie und dem Kupferstichkabinett, Staatliche Museen zu Berlin - Preußischer Kulturbesitz, in Verbindung mit der Stiftung Archiv der Akademie der Künste, Berlin).