Loi relative à la solidarité et au renouvellement urbainsLoi SRU
Lire en ligne La loi no 2000-1208 du relative à la solidarité et au renouvellement urbains, couramment appelée loi SRU, est une loi française qui a modifié en profondeur le droit de l'urbanisme et du logement en France. Adoptée sous le gouvernement Lionel Jospin et portée par le ministre de l'Équipement et du Logement, le communiste Jean-Claude Gayssot, elle est publiée au Journal officiel du . Son article le plus notoire est l'article 55, codifié aux articles L. 302-5 et suivants du code de la construction et de l'habitation, qui impose aux communes importantes (plus de 1 500 habitants en Île-de-France, et plus de 3 500 habitants pour les autres régions)[1], qui sont comprises dans une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, de disposer d'au moins 20 % de logements sociaux. Ce taux est porté à 25 % par la loi du relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, dite loi Duflot I. OrientationLa loi SRU du est l’aboutissement d’un débat national lancé en 1999 ayant pour thème « Habiter, se déplacer… vivre la Ville » qui a fait ressortir la nécessité d’assurer une plus grande cohérence entre les politiques d’urbanisme et les politiques de déplacements dans une perspective de développement durable[2],[3]. Ces six débats réunissaient chaque fois 60 à 80 habitants, les techniciens et experts des administrations (Conseil général des ponts et chaussées, DATAR, Délégation Interministérielle à la Ville, Préfets) et les ministres (Jean-Claude Gayssot, Louis Besson, Dominique Voynet et Jean-Pierre Chevenement). Ils ont été organisés à partir du 18 mars 1999 dans des agglomérations de tailles différentes à Orléans, Perpignan, Nîmes, Lille, Dijon et Lyon, et ont renvoyé l'image de villes sorties de leurs limites, s'étendant dans les anciens territoires ruraux, où le centre-ville historique n'a pas trouvé sa nouvelle place, et où la demande d'infrastructures modernes de transport est forte. Ces débats et les réflexions, travaux et sondages qui les ont suivis ont montré que le principal besoin était de décloisonner la ville en réduisant ses trois fractures principales : fractures entre générations, fractures géographiques (espaces spécialisés) et fracture sociale[4]. La loi a ensuite été élaborée autour de trois exigences :
On peut noter par exemple la présence des notions de protection de l'environnement et de gestion urbaine dans l'intérêt général (en faveur d'un développement durable)[5]. ContenuLa loi SRU a eu un impact dans cinq domaines : le droit de l'urbanisme, la mixité sociale, les transports, les bailleurs sociaux et le droit civil.
Un certain nombre d'associations et d'élus[11], généralement marqués à gauche, souhaitent voir rendre inéligibles les maires qui refusent de construire des logements sociaux dus en application de la loi SRU, estimant que cet égoïsme local[non neutre] compromet les logiques de solidarité nationale et régionale, tout en contribuant à la relégation de populations en difficultés dans les « quartiers sensibles ».
Évolution de l'article 55On désigne couramment sous le nom d'« article 55 de la loi SRU » les dispositions des articles L. 302-5 à L. 302-9-2 du code de la construction et de l'habitation[13], créés ou modifiés par l'article 55 de la loi SRU proprement dite puis par plusieurs lois ultérieures. Fin , ce dispositif a été modifié par l'Assemblée nationale par l'adoption d'un amendement de Patrick Ollier et Gérard Hamel (député UMP, Eure-et-Loir), en première lecture sur le projet de loi portant engagement national pour le logement (loi ENL). L'amendement Ollier-Hamel permettait d'assimiler certaines opérations d'accession sociale à la propriété à du logement social. Le Sénat a supprimé ces mesures début . Le , à l'Assemblée nationale, lors de l'examen en deuxième lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement (ENL), Patrick Ollier a déposé à nouveau un amendement contre le quota de 20 % logements sociaux imposé à 740 communes. Selon lui, cet aménagement facilitera l'accès de nombreux ménages à la propriété. La rédaction de l'article 55 de la loi SRU a été modifiée par l'article 65 de la loi portant engagement national pour le logement du [14]. La mise en application des dispositifs de l'agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), portés par la loi de cohésion sociale, dite « loi Borloo[15] » (du nom du ministre Jean-Louis Borloo), a affaibli les incitations initialement posées par la loi SRU en donnant la possibilité à certains maires de « déplacer » de l'habitat social d'une commune vers une autre, dans le cas d'une commune au-dessus du quota des 20 % vers une commune en deçà (dans le cadre d'une communauté d'agglomération). Le [16], Christine Boutin a présenté son projet de loi pour l’accession au logement. Le projet de loi Boutin visant à assouplir la loi SRU définissait 4 grandes priorités :
Après travaux parlementaires et de nombreuses évolutions, ce texte constitue la loi n°2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, dite loi Molle ou loi Boutin. L'article 123 qui impose aux autorités organisatrices de transport de délivrer un titre de transport à mi-tarif aux personnes dont les ressources sont égales ou inférieures à un plafond fixé par la sécurité sociale a été codifié à l'article L1113-1 du code des transports. L'article 10 de la loi dite « Duflot I » du « relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social » porte le taux minimum de logements locatifs sociaux de 20 % à 25 %[17]. L'article 55 : les communes déficitairesEn 2008, sur les 730 communes qui comptaient moins de 20 % de logements sociaux, 330 communes n’ont pu réaliser leurs objectifs de construction[18]. Le bilan 2014-2016 montre que les objectifs cumulés de rattrapage assignés aux communes soumises au dispositif SRU ont été dépassés pour atteindre 188 587 logements (soit 106 % des objectifs cumulés) ; il n'en demeure pas moins que sur les 1 152 communes soumises au dispositif, 649 n’ont pas atteint le niveau de production fixé par la loi, et que plus de 200 communes ont été proposées à la carence[19]. Île-de-France44 % des communes d’Ile-de-France (83 sur 181) ne respectent pas la loi SRU et son objectif de 20 % de logements sociaux pour la période 2005-2007, selon le comité régional de l’habitat[20]. 77 communes sur ces 83 pourraient payer une amende majorée après un arrêté « de carence ». La majoration de l'amende à payer dépend de l’écart entre le nombre de logements sociaux effectivement construits et le nombre de logements qui auraient dû l’être. Parmi les communes les plus hors-la-loi se trouvent Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) (48,8 %, soit 378 construits sur 774 demandés), Le Raincy (Seine-Saint-Denis) (26,7 %) et Lésigny (Seine-et-Marne). Côte d'AzurLe taux de 25 % de logements sociaux prévu par la loi s'applique par rapport au nombre de résidences principales, et devrait être atteint à l'horizon 2025 ; le département des Alpes-Maritimes est, avec Paris et la région parisienne, l'une des deux zones, en France métropolitaine, dites tendues en raison du déficit de logements sociaux ; 27 communes sur 36 n'y remplissent pas leurs obligations[21]. De même dans le Var, où le taux moyen de logement social est de 9 %, 20 des 24 communes ne respectent pas non plus leurs obligations[21]. Cette spécificité locale est d'ailleurs mise en évidence par exemple par le journal régional de PACA le Ravi (situé à l'extrême gauche) qui, dans son « palmarès annuel des villes à fuir », utilise parmi ses indicateurs la part des habitations en logement social dans les communes (moins une ville a de logements sociaux, plus elle est "à fuir" selon le mensuel satirique) : les villes de l'Est de la région sont pénalisées[22]. Néanmoins, les préfectures départementales ont mis en place des critères permettant d'éviter à ces communes de payer des amendes, comme le prévoit la loi[21]. Ainsi, les situations apparaissent-elles comme particulièrement hétérogènes : la commune des Alpes-Maritimes d'Antibes avec un taux de logements sociaux de 9,69 %, paye près de 826 000 € de pénalités ; Cagnes-sur-Mer, avec 6,39 % de logements sociaux, ne paye aucune pénalité ; Menton (8,82 %) est déclarée carencée, mais Nice avec 12,67 %, n'est pas déclarée carencée et échappe à toute pénalité. Au contraire, Carros, avec un taux de 22,49 % de logements sociaux, paye plus de 36 000 € de pénalités. Toulon, dans le Var, avec 15,41 % de taux de réalisation, est considérée comme « exonérée de tout prélèvement », et échappe aussi à toute condamnation financière[23]. BilanAu bout de vingt années d'application, il apparaît que la moitié des 1,8 million de logements sociaux nouveaux depuis l'entrée en vigueur de la loi SRU ont été produits dans des communes concernées par cette loi ; il manque toutefois encore 600 000 logements pour que toutes les communes respectent leurs obligations d'ici à 2025. Au cours de la période triennale 2017-2019, parmi 1 035 communes soumises à obligation, 485 ont rempli leurs objectifs triennaux sur les volets quantitatif et qualitatif et 550 ne les ont pas remplis. Le nombre total de logements sociaux produits sur cette période a toutefois été supérieur à la somme des objectifs communaux, certaines communes dépassant leurs objectifs[24]. Au-delà de ces résultats quantitatifs, le journal Le Monde considère que la loi SRU a échoué à mélanger ménages aisés et modestes dans les mêmes quartiers. Citant l'Institut des hautes études pour l’action dans le logement (Idheal), il estime que la loi a réussi à mieux répartir géographiquement l’offre de logement social dans les communes urbaines mais n'est pas parvenue à combler les écarts de revenus entre quartiers « ni à contrecarrer une tendance de fond au creusement de l'inégalité entre enclaves de richesse et de pauvreté »[25]. De son côté, le géographe Grégoire Fauconnier, auteur d'une thèse sur le sujet, considère que la loi SRU a permis de stimuler la construction de logements sociaux dans les communes où il y en avait peu mais que la mixité sociale souhaitée par le législateur n'est pas au rendez-vous du fait du contournement de l'esprit de la loi[26]. Ses conclusions convergent avec celles de la plupart des chercheurs ayant travaillé sur la loi SRU. Ainsi, en 2006, Philippe Subra et Didier Desponds avaient montré les difficultés d’application de la loi SRU en raison de l’opposition, voire de l’hostilité, des élus locaux et des habitants. De son côté, le politiste Fabien Desage[27], a montré dans ses recherches comment les maires des communes concernées par la loi ne construisent des logements sociaux qu'après s'être assurés d'en contrôler l'attribution, privilégiant les ménages de leurs communes. Cette contrepartie informelle limite fortement les effets déségrégatifs de la loi. Notes et références
Voir aussiArticles connexes
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