Le poliziottesco[1],[2],[3][polittsjotˈtesko][4] (au pluriel poliziotteschi[polittsjotˈteski][4]) ou le poliziesco all'italiana[politˈtsjeskoallitaˈljana][4], parfois traduit « néo-polar italien »[5], « polar-spaghetti »[6] ou « polar bis italien », est un genre cinématographique italien en vogue dans les années de plomb, c'est-à-dire entre la fin des années 1960 et le début des années 1980. Sa thématique repose sur des enquêtes policières concernant la plupart du temps des faits divers de l’époque, celles-ci étant traitées sur un mode emphatique, démagogique ou comique.
La différence stylistique entre le poliziottesco et le film noir réside dans la prédominance de l’action et de la violence, toutes deux plutôt exacerbées et explicites. En outre, le titre évoque plutôt des films où l’on parle de policiers et de leur goût pour la vengeance, plutôt que de films avec une fin rassurante où la loi a le dernier mot. Le poliziottesco est donc un sous-genre fait d’un mélange de genres dit « adulte » : le film noir et le film d'horreur, souvent avec une touche non négligeable de gore (genre à son apogée en Italie à la fin des années 1960, illustré par des gialli comme ceux de Mario Bava) et le western spaghetti revisité dont les metteurs en scène et les acteurs sont les transfuges. Le milieu urbain est le décor principal, commun à tous ces films, et renvoie à une Italie où tout peut arriver.
D’un autre côté, le poliziottesco doit beaucoup à la peinture de la société italienne portée à l’écran par des auteurs comme Damiano Damiani et Elio Petri. Au cours de son développement, le courant du néo-polar s’est mêlé à d’autres genres populaires. En particulier, très vite sont apparues les autoparodies, en créant ainsi un courant comico-grotesque.
Terminologie
En italien, poliziesco est l'adjectif grammaticalement correct (composé de polizia « police » et du suffixe -esco « -esque ») pour désigner toutes fictions de genre policier. Mais l'expression qui s'est imposée dans le langage courant pour désigner spécifiquement ce cinéma policier italien des années de plomb est une juxtaposition de poliziotto (« policier ») et du suffixe -esco.
Origine
La genèse du poliziottesco est liée principalement à un des genres le plus fécond du monde cinématographique, le policier. Tout commence, probablement, par un petit film de Carlo Lizzani en 1968, Bandits à Milan (Banditi a Milano), avec Tomás Milián dans le rôle d’un commissaire violent et intransigeant. Mais le genre perce vraiment avec Société anonyme anti-crime (La polizia ringrazia) de Steno et est codifié définitivement avec Le Témoin à abattre (La polizia incrimina, la legge assolve), d'Enzo G. Castellari. Le genre atteint sa plénitude avec le personnage du commissaire Betti, interprété par Maurizio Merli. Une autre figure emblématique est Poubelle (Er Monnezza) interprété par Tomás Milián, qui est selon les films soit un personnage de délinquant (avec un bon fond) soit un commissaire balourd.
La plupart de ces films sont empreints politiquement d’une bonne dose de je-m’en-foutisme même si, çà et là, des idées de la gauche et de la droite sont présentes. Les protagonistes sont presque toujours des anti-héros, des inadaptés et même des racistes mais avec une part de générosité sincère et un indéniable dévotion pour la force. Policiers anarchisants, avec plus le sens de l’honneur que de la loi, souvent sur le même plan que les délinquants (et les terroristes) qui ensanglantaient les routes d’Italie dans les Années de plomb. Comme de vrais moralistes, ils font une distinction entre celui qui vole pour vivre et celui qui fait du tort aux autres, et ils arrivent à tolérer les premiers. Le poliziottesco parlait de ces temps sombres que vivait l’Italie à cette époque et ses thèmes sont encore d’actualité aujourd’hui. Les metteurs en scène qui se sont distingués dans ce genre sont principalement Fernando Di Leo, Enzo G. Castellari, Umberto Lenzi et Stelvio Massi.
Poliziottesco comique
À partir de ces films naquit un courant du cinéma comique appelé de manière générale trash ou cinéma-poubelle, duquel se détachent deux personnages liés à deux séries distinctes : le délinquant au grand cœur, Sergio Marazzi (« Monsieur La Poubelle »), et le commissaire haut en couleur, Nicola Giraldi (Nico Monsieur Le Pirate). Ces personnages, interprétés par Tomás Milián, possèdent une forte charge romanesque. On trouvera dans ce courant comique une veine napolitaine avec le commissaire Rizzo (« Le Cogneur »), interprété par Bud Spencer, à la limite du mélodrame napolitain et du cinéma d’action. Il existe aussi un courant mettant en avant le personnage de la policière sexy à commencer par La poliziotta avec Mariangela Melato. Le succès du film a donné lieu à trois suites avec Edwige Fenech, intégrées dans le courant de la comédie érotique italienne).
Critique
La critique italienne de l’époque n’a jamais aimé le néo-polar. Accusé de fascisme, de je-m’en-foutisme, de justicialisme, ces films étaient éreintés en quelques lignes et accusés de proposer toujours la même histoire. C’est seulement depuis quelques années, grâce à des revues spécialisées dans le genre comme Nocturno et Cine 70, que le genre a été réévalué et également grâce au metteur en scène Quentin Tarantino qui a déclaré à plusieurs reprises l’estime qu’il portait à ces films et à leurs metteurs en scène.
1968 : Échec à la mafia (Scacco alla mafia) de Warren Kiefer - avec Pier Paolo Capponi, Maria Pia Conte, Micaela Pignatelli, Victor Spinetti
1968 : Tout sur le rouge (Tutto sul rosso) d'Aldo Florio - avec Brett Halsey, Barbara Zimmermann, Piero Lulli, José Greci, Franco Ressel, Gianni Solaro, Vladimiro Bacci, Ivan Scratuglia, Antonio Nalis
1971 : Le Week-end des assassins (Concerto per pistola solista) de Michele Lupo - avec Anna Moffo, Eveline Stewart, Gastone Moschin, Giacomo Rossi Stuart
1973 : Le Témoin à abattre (La polizia incrimina, la legge assolve) d'Enzo G. Castellari - avec Franco Nero, Fernando Rey, Delia Boccardo, Silvano Tranquilli, James Whitemore
1973 : Piège pour un tueur (Si può essere più bastardi dell'ispettore Cliff?) de Massimo Dallamano - avec Ivan Rassimov, Stephanie Beacham, Patricia Hayes, Verna Harvey
1973 : La Guerre des gangs (Milano rovente) d'Umberto Lenzi - avec Antonio Sabato, Philippe Leroy, Antonio Casagrande, Carla Romanelli, Alessandro Sperli, Franco Fantasia, Tano Cimarosa, Marisa Mell, Piero Corbetta
1974 : La Rançon de la peur (Milano odia: la polizia non può sparare) d'Umberto Lenzi - avec Tomás Milián, Henry Silva, Ray Lovelock, Gino Santercole, Laura Belli
1974 : La Lame infernale (La polizia chiede aiuto) de Massimo Dallamano - avec Giovanna Ralli, Claudio Cassinelli, Mario Adorf, Franco Fabrizi
1974 : Les Durs (Uomini duri) de Duccio Tessari - avec Lino Ventura, Isaac Hayes, Fred Williamson, Vittorio Sanipoli, Paula Kelly, William Berger, Lorella De Luca, Luciano Salce
1975 : Marc la gâchette (Mark il poliziotto spara per primo) de Stelvio Massi - avec Franco Gasparri, Lee J. Cobb, Ely Galleani, Nino Benvenuti, Massimo Girotti
1976 : Assaut sur la ville (Napoli spara!) de Mario Caiano - avec Henry Silva, Leonard Mann, Jeff Blynn, Evelyne Stewart, Massimo Deda
1976 : La Mort en sursis (Il trucido e lo sbirro) d'Umberto Lenzi - avec Tomás Milián, Claudio Cassinelli, Nicoletta Machiavelli, Henry Silva, Robert Hundar
1977 : Le justicier défie la ville (Torino violenta) de Carlo Ausino - avec George Hilton, Emanuel Cannarsa, Giuseppe Alotta, Annarita Grapputo, Franco Nebbia, Laura Ferraro
1979 : La Cité du crime (Sbirro, la tua legge è lenta... la mia no!) de Stelvio Massi - avec Maurizio Merli, Mario Merola, Carmen Scarpitta, Francisco Rabal, Nando Marineo
1976 : Un flic très spécial (Squadra antifurto) de Bruno Corbucci - avec Tomás Milián, Robert Webber, Lilli Carati, Giuseppe Pambieri, Tony Ucci
1977 : Deux Super-flics (I due superpiedi quasi piatti) d'Enzo Barboni - avec Terence Hill, Bud Spencer, Laura Gemser, David Huddleston
1977 : Nico l'arnaqueur (Squadra antitruffa) de Bruno Corbucci - avec Tomás Milián, David Hemmings, Anna Cardini, Leo Gullotta, Alberto Farnese, Bombolo
1978 : Pied plat en Afrique (Piedone l'africano) de Steno - avec Bud Spencer, Enzo Cannavale, Baldwin Dakile, Dagmar Lassander
1978 : Brigade antimafia (Squadra antimafia) de Bruno Corbucci - avec Tomás Milián, Alberto Farnese, Lilli Carati, Roberto Messina
(it) Daniele Magni et Silvio Giobbio, Ancora più... Cinici infami e violenti – Guida ai film polizieschi italiani degli anni '70, Bloodbuster Edizioni, (ISBN978-8890208744)
(it) Giovanni Buttafava, Il Patalogo Due. Annuario 1980 dello spettacolo, Volume secondo - Cinema e televisione, Ubulibri/Electa, , « Procedure sveltite »
(fr) Jean-Noël Castorio, "Policiers au cinéma. Le néo-polar italien, un mauvais genre" dans Jean-Noël Castorio (éd.), Les mains dans "la paperasse des pauvres". Mélanges en l'honneur de Christian Chevandier, Paris, Classiques Garnier, 2024, p. 175-188.