Titre honorifique des unités soviétiques et russesUn titre honorifique désigne une mention distinctive rajoutée à la suite du nom d'une unité militaire des forces armées soviétiques puis russes, faisant référence à la participation de cette unité (ou de celle dont elle est l'héritière) à une bataille, un siège ou une opération portant ce nom, ou à un personnage historique, et/ou à un ordre honorifique. Cette pratique est née dans l'Armée rouge durant la guerre civile, puis s'est développée lors de la Seconde Guerre mondiale quand une unité se comportait remarquablement bien au combat, méritant ainsi une citation. L'équivalent britannique et indien est le Battle honour, celui français est l'honneur de bataille figurant sur le drapeau. Références impérialesDans l'Armée impériale russe, comme dans les autres armées européennes de l'époque moderne, de nombreux régiments portaient le nom d'un lieu lié à leur formation, ou le patronyme de leur colonel. Ainsi, les régiments de la Garde impériale Préobrajenski et Semionovski portent tous les deux des noms de lieux se trouvant huit verstes à l'est du Kremlin de Moscou (Preobrajenskoïe et Semionovskoïe (ru)). Ces deux noms ont été de nouveau attribués en avril 2013 à deux régiments russes : le 154e régiment séparé du commandement Préobrajenski (154-й отдельный комендантский Преображенский полк)[1] et le 1er régiment séparé de fusiliers Semionovski (1-й отдельный стрелковый Семёновский полк)[2]. Le 5e régiment de hussards Aleksandriski (pl) doit son nom à garnison à Alexandrie (Александрийск, renommée ensuite Александрия, Aleksandria, aujourd'hui la ville ukrainienne d'Oleksandria), puis on lui rajoute à partir de 1907 le nom d'Alexandra Feodorovna, qui fut grande-duchesse puis impératrice ; le nom Alexsandriskaïa a été redonné en 2018 à la 15e brigade de fusiliers motorisés de la Garde[3], qui est casernée près de Samara[4] (où le 5e hussards était de 1910 à 1914). Un grand nombre d'unités soviétiques puis russes ont été décorées d'un ordre honorifique, leur donnant le droit de le rajouter à leur nom. Quatre de ces ordres font allusion à la période monarchique, malgré leur rétablissement en 1942-1943 (Staline n'a pas hésité à s'appuyer sur le nationalisme russe pour repousser l'invasion allemande) :
Références soviétiquesEn septembre 1941, est institué un nouveau titre honorifique, celui d'unité de la Garde (гвардейская, gvardeïskaïa) pour récompenser quatre divisions soviétiques qui avaient obtenu un succès local en reprenant Ielnia aux Allemands. Ce titre « de la Garde » a été largement distribué à des bataillons, des régiments, des brigades, des divisions, des corps et même des armées durant la Seconde Guerre mondiale. Ces mentions furent conservées pendant la guerre froide et même après la dislocation de l'URSS, jusqu'en 2016 pour les forces armées ukrainiennes (oukase de Porochenko du )[5], et existent encore dans les forces biélorusses et russes. À partir de 1943, chaque victoire est commémorée par des salves de canons à Moscou et par le rajout du nom de la ville, du cours d'eau ou du relief évoquant l'opération au nom des unités qui s'y sont illustrées. Ainsi, plus de 100 unités soviétiques ont reçu la mention «Берлинская» (Berlinskaïa) après la bataille de Berlin et 79 celui «Будапештская» (Budapechtskaïa) pour l'offensive de Budapest. En janvier 1943, la victoire de Stalingrad (opération Saturne) a notamment comme conséquence l'attribution du titre «Тацинский» (Tatsinski, référence au raid de Tatsinskaïa) au 2e corps de chars de la Garde, «Котельниковский» (Kotelnikovski, de Kotelnikovo) au 3e corps, «Кантемировский» (Kantemirovski, de Kantemirovka, dans l'oblast de Voronej) au 4e et «Зимовниковский» (Zimovnikovski, de Zimovniki, dans l'oblast de Rostov) au 5e corps[6]. Un autre exemple se situe pendant la reconquête du Donbass en septembre 1943 : la 127e division de fusiliers ayant repris la ville de Tchistiakovo (renommée Торез en 1964 en hommage à Maurice Thorez, elle devient Tchystiakove en 2016 dans le cadre de la décommunisation, bien qu'elle est sous contrôle de la RP de Donetsk depuis 2014), elle reçoit le titre de «Чистяковская» (Tchistyakovskaïa). Plusieurs unités ont reçu successivement deux titres de victoire ; quand une unité mérite une troisième mention, c'est un ordre honorifique qui est octroyé. Exemple avec la 3e division de fusiliers motorisés, qui a hérité des titres du 31e corps de chars : Vislenskaïa pour la traversée de la Vistule, le Drapeau rouge pour la capture de Breslau, Souvorov pour Hindenburg et Koutouzov pour Ratibor. À ceux de l'ancien régime se rajoutèrent ceux strictement soviétiques que sont :
Enfin, pendant la guerre froide, quelques unités reçoivent le nom de personnages importants. Nouvelles attributionsEn 1992, lors de la formation des forces armées russes, tous les titres de la période soviétique sont maintenus. À l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, leur importance est réaffirmée[7]. En 2001, la 22e brigade des forces spéciales reçoit le titre d'unité de la Garde pour sa participation à la seconde guerre de Tchétchénie. Le , ce sont les 11e[8] et 83e brigades d'assaut aéroporté[9] qui deviennent de la Garde. Le , la 810e brigade d'infanterie de marine obtient aussi ce titre, après sa participation à l'annexion de la Crimée en 2014 et à l'intervention russe en Syrie en 2015[10]. En 2018, Vladimir Poutine a signé deux oukases présidentiels attribuant des mentions honorifiques à des unités russes, faisant référence à la Seconde Guerre mondiale, mais presque tous dans des pays qui ont été occupés par les forces soviétiques et/ou alliés de 1945 à 1991. Alors que la Russie réarme, tient un discours nationaliste, est en conflit avec plusieurs États et a envahi la Crimée ainsi que la majorité du Donbass, ces mesures symboliques déclenchent des réactions dans une partie des médias des autres pays d'Europe orientale et centrale[11], ainsi que sur Radio Free Europa[12]. Le , le 23e régiment d'aviation de chasse de la Garde (des Su-35 basés à Dzyomgi près de Komsomolsk-sur-l'Amour, de la 11e armée aérienne) a reçu le nom honorifique de « Таллинский » Tallinnskaïa (de Tallinn, en Estonie), et le 227e régiment d'aviation de bombardement (des Su-34 basés à Khourba à Komsomolsk-sur-l'Amour) est devenu « Млавским » Mlavskim (de Mława, en Pologne dans la voïvodie de Mazovie). Le , Poutine a attribué des noms honorifiques à onze autres unités, « afin de préserver les glorieuses traditions historiques militaires et d'éduquer les militaires à l'esprit de dévouement à la patrie et de loyauté envers le devoir militaire »[13] :
L'invasion de l'Ukraine par la Russie entraîne de nouvelles nominations. Le , la 155e brigade d'infanterie de marine (pour leur combat près d'Hostomel) et la 126e brigade de défense côtière (pour leur raid jusqu'à Voznessensk) reçoivent le titre d'unité de la Garde[10]. Le , la 64e brigade de fusiliers motorisés, qui est mise en cause pour le massacre de Boutcha, reçoit le titre de la Garde « pour l'héroïsme et la vaillance collectif, la force d'âme et le courage dont le personnel de la brigade a fait preuve lors d'opérations de combat visant à défendre la patrie et les intérêts de l'État dans le cadre de conflits armés »[14] (c'est la formule habituelle de l'oukase). Le , c'est le tour de la 2e brigade des forces spéciales et de la 17e brigade d'aviation de l'armée (des hélicoptères, de la base de Kamensk-Ouralski, 14e armée aérienne) d'obtenir le titre d'unités de la Garde[15]. Le , c'est la 53e brigade de missiles antiaériens (celle qui a abattu le vol MH17 en 2014) qui devient de la Garde ; le , la 200e brigade de fusiliers motorisés[16] ; le , la 39e brigade de fusiliers motorisés[17]. Quelques exemplesUn grand nombre d'unités russes cumulant chacun plusieurs titres honorifiques, leur nom complet est le plus souvent un peu long. Par exemples :
Notes et références
Articles connexes
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