L’odéon d’Hérode Atticus, ou théâtre d’Hérode Atticus, est un théâtre romain construit au pied de l’acropole d’Athènes en l'an 161, par Hérode Atticus, en mémoire de sa femme Régilla, morte en l'an 160. Saccagé près d'une centaine d'années après son achèvement, l'édifice fut dès lors intégré aux fortifications d'Athènes. Redécouvert à l'époque moderne, il fut fouillé puis restauré entre le milieu du XVIIIe siècle et le milieu du siècle suivant. Lieu emblématique du festival d'Athènes-Épidaure, le monument accueille des événements culturels de renommée internationale.
Histoire
Un imposant monument romain
Hérode Atticus, rhéteurgrec célèbre pour sa fortune et ses actions de mécénat public, commandita l'érection de l'odéon peu après l'an 160. Si la date de construction exacte n'est pas connue, on sait qu'elle intervient nécessairement entre la mort de Régilla en 160 et la visite de Pausanias en 174[1],[2]. L'odéon d'Hérode Atticus est le troisième édifice du genre construit à Athènes, après celui de Périclès et d'Agrippa. L'effondrement du toit de ce dernier, vers l'an 150, accentua potentiellement le besoin d'une nouvelle structure consacrée aux arts musicaux[3]. À l'emplacement choisi, sur les pentes sud-ouest de l'acropole, figurait vraisemblablement un sanctuaire de la nymphe, relié à l’époque hellénistique et romaine au culte d’Aphrodite Pandémos[4].
Le monument fut décrit par Pausanias comme l'odéon le plus majestueux de Grèce[5],[6]. Philostrate exprima lui son admiration pour le plafond en bois de cèdre[7]. Le lieu figure également dans la Souda[8].
L'odéon fut incendié lors du pillage de la ville par les Hérules en l'an 267-268 apr. J.-C., soit à peine une centaine d'années après sa construction[9].
Intégration aux fortifications d'Athènes
Le monument ruiné fut vraisemblablement intégré à la fin de la période romaine dans la muraille de la ville, puis au XIe siècle dans la fortification ultérieure, le Rizókastro[10]. Durant l'occupation ottomane, le monument fut intégré au mur de Serpentzé et transformé en redoute[11],[12]. Des traces d'habitations et les vestiges d'une église ont également été découverts lors des fouilles[13].
Redécouverte, restaurations et utilisation moderne
Largement endommagé, partiellement enfoui et remanié, l'odéon n'est plus guère reconnaissable. Au XIVe siècle, un voyageur italien du nom de Niccolo da Martini le confondit avec un ancien pont[9]. En 1460, un visiteur l'identifia comme le palais de Léonidas et de Miltiade et école d’Aristote. En 1575, le dignitaire byzantinThéodose Zygomalas y vit l'école d’Aristote et de Miltiade. Un certain Simon Rabin y situa lui les vestiges de l'Aréopage lors d'un séjour à Athènes en 1665. Rernhum, voyageur Anglais, fit le premier l'hypothèse d'un théâtre dix ans plus tard. Cependant, nombreux furent les voyageurs, tels Jacob Spon, George Wheler, Francesco Fanelli, Jacques-Guillaume Legrand, Nicholas Revett, Richard Pococke, James Stuart[14],[15],[16], Georges Guillet de Saint-George et Francis Vernon(en)[17], qui prirent comme lui l'odéon d'Hérode Atticus pour le théâtre de Dionysos. Ce dernier n'étant pas encore découvert, Julien-David Le Roy fit la même confusion[15] lors de son voyage en Grèce entre et . L'architecte français effectua des dessins et décrivit le monument dans son ouvrage le plus connu, Les Ruines des plus beaux monuments de la Grèce, publié en 1758 à son retour en France[18]. Louis-François Cassas réalisa lui aussi des dessins de l'édifice à la fin du XVIIIe siècle[19]. Il fallut attendre Richard Chandler pour voir réapparaître la mention correcte de théâtre d’Hérode Atticus, même si l'archéologue britannique situa le monument à la place qu'occupe l'odéon de Périclès[14].
Les fouilles débutèrent en 1849[21]. En 1856, le ministre de l'instruction publique Christópoulos lança d'importants chantiers qui se déroulèrent au cours des deux années suivantes et qui permirent l'excavation des gradins[22],[23]. Conduits sous la houlette de Kyriákos Pittákis, les travaux mirent au jour plusieurs inscriptions, un boulet utilisé lors du siège de l'acropole par Morosini en 1687 et une multitude d'artéfacts tombés du rocher sacré[13]. Une tête de femme fut également découverte[24].
En 1867, une représentation fut donnée en l'honneur de la nouvelle reineOlga[22]. Au printemps 1920, un an et demi avant sa mort, Camille Saint-Saëns s'y produisit. Richard Strauss donna trois concerts six années plus tard[25].
L'odéon d'Hérode Atticus fut l'un des plus imposants odéons de son temps, avec une cavea de 81 mètres de diamètre[40] adossée au versant méridional de l'acropole. Le lieu pouvait vraisemblablement accueillir environ 5 000 spectateurs[41]. Les 32 rangées de gradins[42] sont divisées en deux étages (mæniana) par un palier de circulation (præcinctio) de 1,2 m de large. Au sommet de la cavea figurait une galerie[9]. Les rangées supérieures en marbre furent réutilisées après l'abandon de l'édifice et remaçonnées lors des rénovations du milieu du XXe siècle[13]. L'orchestra de 19 mètres de diamètre était pavée de dalles de marbre. Des sols en mosaïque aux motifs géométriques recouvraient les entrées des escaliers intérieurs (vomitoria)[9] et les murs étaient couverts de marbre[41]. La scène (proscænium) de marbre blanc et cipolin mesure 35 mètres de large. Le mur de scène (frons scænæ) est préservé sur deux des trois étages originels jusqu'à une hauteur de 28 mètres[42]. La façade abritait probablement des statues des membres de la famille d'Hérode Atticus, de Régilla et de la lignée impériale[42]. À l'intérieur est conservée la statue d'un homme sans tête vêtu d'un himation[43].
Bien que de dimensions exceptionnelles, l'odéon d'Hérode Atticus était vraisemblablement couvert. Outre les mentions antiques du toit, les fouilles du milieu du XXe siècle ont permis de mettre au jour une épaisse couche de cendres dans la cavea[8]. Très onéreuse[9], la construction de l'édifice n'en fut pas moins menée à la hâte. La précipitation se traduit architecturalement par un traitement limité des détails et une volonté de privilégier l'aspect majestueux du monument[44].
↑Carl Friedrich von Wiebeking(de), Architecture civile theorique et pratique, enrichie de l'histoire descriptive des édifices les plus remarquables, vol. 1, Lindauer, , 258 p. (lire en ligne), p. 60.
↑ abcd et e(el) María Kosmá, « Ωδείο Ηρώδου Αττικού » [« Odéon d'Hérode d'Atticus »], sur www.odysseus.culture.gr (consulté le ).
↑(el) « Το Ριζόκαστρο. Σωζόμενα υπολείμματα: Νέες παρατηρήσεις και επαναχρονολόγηση » [« Rizókastro. Traces survivantes : nouvelles observations et nouvelles datations »], Bulletin de la Société archéologique chrétienne, vol. 32, , p. 329–366 (ISSN1105-5758, lire en ligne).
↑(en) Rune Frederiksen, Elizabeth R. Gebhard et Alexander Sokolicek, The Architecture of the Ancient Greek Theatre, Bristol, ISD LLC, , 468 p. (ISBN978-87-7124-996-5, lire en ligne), p. 20.
↑Julien-David Le Roy, Les Ruines des plus beaux monuments de la Grèce considérées du côté de l'histoire et du côté de l'architecture, t. I, Nyon, Guérin & Delatour, , 2e éd. (1re éd. 1758), 54 p. (lire en ligne), p. 14–15.
↑Louis-François Cassas, « L'Odéon d'Hérode Atticus à Athènes », sur www.collections.louvre.fr, Département des Arts graphiques du Louvre (consulté le ).
↑(en) Thomas Gordon, History of the Greek Revolution, t. 2, Édimbourg, Blackwood, , 508 p., p. 346 et 347.
↑(en) Konstantínos Bolétis, « The Conservation and Use of Ancient Theatres in Modern Greece-Current Issues Relating to the Epidauros Theatre », Journal of Mediterranean Studies, Mediterranean Institute, University of Malta, vol. 8, no 1, , p. 14–19 (ISSN1016-3476, lire en ligne, consulté le ), p. 15.
↑(en) Catherine E. Forrest Weber, « A Citizen of Athens: Fort Wayne's Edith Hamilton », Traces of Indiana and Midwestern History, Indianapolis, Indiana Historical Society, vol. 14, no 1, , p. 38–47, p. 47.
↑(en) Gerald L. Stevens, Acts, Second Edition: A New Vision of the People of God, Eugene, Wipf and Stock Publishers, , 696 p. (ISBN978-1-5326-9356-4, lire en ligne), p. 369.
↑(en) Michaël Abecassis, An Anthology of French and Francophone Singers from A to Z: “Singin’ in French”, Newcastle upon Tyne, Cambridge Scholars Publishing, , 688 p. (ISBN978-1-5275-1205-4, lire en ligne), p. 491.
↑Adéa Guillot et Françoise Arvanitis, Grèce : La nouvelle odyssée : L'Âme des Peuples, Paris, Primento, , 96 p. (ISBN978-2-511-01352-6, lire en ligne), p. 7.
↑Michèle Villetard, « L'Auditorium de Mécène. Une réévaluation à la lumière des auditoriums d’Alexandrie », dans Natasha Bershadsky (dir.), Dossier : Place aux objets ! Présentification et vie des artefacts en Grèce ancienne, Paris, Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales, coll. « Métis » (no 16), , 562 p. (ISBN978-2-7132-3078-3, lire en ligne), p. 282.
(el) Kyriákos Pittákis, « Περί Θεάτρου Ηρώδου του Αττικού » [« Sur le théâtre d'Hérode Atticus »], ΑΕ, , p. 1707–1714 (lire en ligne).
Ernest Breton, Athènes décrite et dessinée par Ernest Breton de la Société Impériale des Antiquaires de France... Suivie d'un voyage dans le Péloponnèse, Paris, Gide, , 378 p. (lire en ligne), p. 286–298.
Paul Vidal de La Blache, Hérode Atticus : étude critique sur sa vie (thèse présentée à la Faculté des lettres de Paris), Paris, Ernest Thorin, , 184 p. (lire en ligne), p. 98–102.
Émile Isambert et Adolphe Laurent Joanne, Itinéraire descriptif, historique et archéologique de l'Orient: contenant 11 cartes et 23 plans. Grèce et Turquie d'Europe. Première Partie, Paris, Hachette Livre, , 128 p. (lire en ligne).
(de) Rüdiger Meinel, Das Odeion, Unteruchungen an uberdachten antiken Theatergebauden, Francfort-sur-le-Main, Peter Lang, , 646 p. (ISBN978-3820464627), p. 80–113.
(en) Stamatis L. Vassilantonopoulos et John Mourjopoulos, « The Acoustics of Roofed Ancient Odeia: The Case of Herodes Atticus Odeion », Acta Acustica united with Acustica, vol. 95, no 2, , p. 291–299 (ISSN1610-1928, lire en ligne).
(en) Loukia Martha et Amalia Kotsaki, « Ancient Greek Drama and its Architecture as a Means to Reinforce Tourism in Greece », Procedia - Social and Behavioral Sciences, 2nd International Conference on Strategic Innovative Marketing, vol. 148, , p. 573–578 (ISSN1877-0428, lire en ligne, consulté le ).