Commune de ParisCommune de Paris
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Entités précédentes : Entités suivantes : La Commune de Paris est la plus importante des communes insurrectionnelles de France en 1870-1871, qui dura 72 jours, du 18 mars 1871 à la « Semaine sanglante » du 21 au . Cette insurrection, faisant suite aux communes de Lyon et de Marseille, refusa de reconnaître le gouvernement issu de l'Assemblée nationale constituante, qui venait d'être élue au suffrage universel masculin dans les portions non occupées du territoire, et choisit d'ébaucher pour la ville une organisation de type libertaire, fondée sur la démocratie directe, qui donnera naissance au communalisme. Ce projet d'organisation politique de la République française visant à unir les différentes communes insurrectionnelles ne sera jamais mis en œuvre du fait de leur écrasement lors de la campagne de 1871 à l'intérieur dont la Semaine sanglante constitue l'épisode parisien et la répression la plus célèbre. La Commune est à la fois le rejet d'une capitulation de la France face aux menées de Bismarck lors de la guerre franco-prussienne de 1870 et du siège de Paris, et une manifestation de l'opposition entre un Paris républicain, favorable à la démocratie directe, et une Assemblée nationale à majorité acquise au régime représentatif. Cette insurrection et la violente répression qu'elle subit eurent un retentissement international important, notamment au sein du mouvement ouvrier et des différents mouvements révolutionnaires naissants. La Commune est de ce fait encore aujourd'hui une référence historique importante pour les mouvements d'inspiration libertaire, la mouvance révolutionnaire issue du mouvement ouvrier et plus largement pour les sympathisants de gauche, y compris réformistes, ou encore d'autres mouvements favorables à la démocratie directe. L'implication de nombreuses femmes est également un trait remarquable de cet épisode. À l'origine de la CommuneParis, bivouac des révolutionsDepuis 1789, l'histoire de Paris est marquée par de nombreuses journées d'émeutes révolutionnaires qui, selon l'historien Michel Cordillot, « ont souvent décidé du sort politique de la France tout entière »[1]. La prise de la Bastille le en constitue le premier repère et les révoltes parisiennes, dont la prise de l'Hôtel de ville devient rapidement l'acte symbolique, contribuent au renversement du pouvoir, à l'image des Trois Glorieuses qui instaurent la monarchie de Juillet en 1830 ou de la révolution de qui aboutit à l'avènement de la Deuxième République. Pour autant, jusqu'en 1870, la France vit principalement sous des régimes politiques plus ou moins autoritaires et la République tout comme la démocratie représentative ne sont que des expériences passagères. L'émeute parisienne est parfois réprimée rapidement et violemment, comme lors des journées de Juin en 1848 ou après le coup d'État du qui marque le début du Second Empire, mais le pouvoir « se méfie des réactions d'une capitale jugée imprévisible »[1]. Au XIXe siècle, Paris est donc le « bivouac des révolutions » selon l'expression forgée par l'écrivain Jules Vallès et reprise par plusieurs historiens comme Robert Tombs[2] et Michel Cordillot[1]. Pour Michel Cordillot, la Commune est en réalité portée « par trois dynamiques distinctes mais confluentes, qui à ce moment précis entrèrent brutalement en résonance pour donner naissance à un puissant élan populaire » : d'une part, le processus de républicanisation de la France sur le long terme, élément politique d'autant plus manifeste à Paris ; d'autre part le contexte économique et social marqué par l'émergence d'organisations ouvrières structurées et l'essor des actions revendicatives ; enfin l'élan patriotique suscitée par la guerre contre la Prusse[3]. Émergence du sentiment républicainLa Commune trouve donc en partie son origine dans l'élan républicain né de la Révolution de 1789, « révolution modèle pour tous les Parisiens d'origine ou d'adoption, indissociable de leur histoire et de celle de la capitale » pour Hélène Lewandowski, qui qualifie Paris de « berceau de la République »[4]. De fait, le sentiment républicain ne cesse de progresser dans la capitale et, des bourgeois libéraux aux représentants du mouvement ouvrier, tous voient dans l'établissement de ce régime la garantie des grandes libertés et du suffrage universel[1],[4]. Depuis 1851, la capitale est privée de ses droits municipaux et gouvernée de manière autoritaire par le préfet de police Joseph Marie Pietri et le préfet de la Seine Georges Eugène Haussmann, ce qui n'empêche pas les mouvements de contestation dans un contexte de libéralisation du régime. Ainsi, lors des élections législatives de 1869, la ville élit huit députés républicains sur neuf, et lors du plébiscite du , le non l'emporte avec une large majorité dans certains quartiers, atteignant par exemple 77 % à Belleville où l'opposition à l'empereur est la plus forte[1]. La parole se libère dans les réunions publiques, tolérées depuis 1868, et les funérailles du journaliste Victor Noir, assassiné par le prince Pierre-Napoléon Bonaparte, sont transformées en une vaste manifestation républicaine où se pressent environ 200 000 personnes[5]. Ainsi, à la veille d'un conflit armé contre la Prusse, Paris apparaît « comme indiquant la voie du progrès et du mouvement » à une France encore rurale et majoritairement conservatrice, à l'exception de quelques grandes villes traditionnellement frondeuses, et cette rupture est encore accentuée par la défaite de 1870[1]. Contexte social parisienOrigine de l'insurrectionEn 1870, Paris est une ville en pleine transformation : d'une part, après l'absorption de plusieurs communes limitrophes en 1860, la capitale occupe désormais tout l'espace compris dans l'enceinte érigée dans les années 1840 sous l'impulsion d'Adolphe Thiers et sa population a considérablement augmenté, passant d'environ un million d'habitants en 1851 à près de deux millions en 1870 ; d'autre part, les transformations urbanistiques menées par le baron Haussmann sous le Second Empire ont entièrement redessiné la ville, les ruelles étroites des quartiers insalubres laissant place à de grands boulevards rectilignes et à des monuments publics comme l'Opéra Garnier. Dans ce Paris moderne, la mixité sociale a presque disparu, l'accroissement de la population et l'augmentation du prix des loyers ayant repoussé les habitants les plus pauvres dans les faubourgs récemment annexés, tandis que les arrondissements de l'ouest et du centre abritent les plus fortunés[1]. Toutefois, Paris est encore une ville socialement très diversifiée[1]. D'après le recensement de 1866, la capitale compte 455 400 ouvriers, 120 600 employés, 140 000 patrons et 100 000 domestiques[5], tandis qu'environ 125 000 oisifs vivent de leurs rentes[1]. L'industrie textile et le vêtement concentrent près d'un quart des travailleurs actifs, tandis que les métiers d'art, le bâtiment et la métallurgie sont également bien représentés. C'est néanmoins la petite industrie qui domine car plus de 60 % des patrons travaillent seuls ou un seul ouvrier. Ainsi, dans les quartiers populaires, de nombreuses ateliers et boutiques de petite taille coexistent avec de grands établissements industriels comme les sociétés Cail à Grenelle et Goüin aux Batignolles qui emploient toutes deux plus de 1 000 ouvriers[1],[5]. Entre les classes fortunées et les classes laborieuses, Paris voit aussi l'émergence d'une couche sociale intermédiaire composée de boutiquiers, d'artisans et d'employés que l'écrivain et journaliste Jules Vallès qualifie de « bourgeoisie travailleuse »[1]. Quoique ses conditions de vie demeurent précaires, le monde ouvrier vit modestement mais n'est pas misérable et les salaires ont augmenté dans le contexte économique favorable des années 1860. Il présente toutefois une grande diversité, un ouvrier journalier, au travail incertain gagnant de 2 à 2,50 francs par jour quand un ouvrier qualifié en gagne environ le double[1]. Par ailleurs, ouvriers originaires de la province ou de l'étranger côtoient les ouvriers de « vieille souche parisienne », mais la plupart savent lire, fréquentent des lieux de sociabilité et assistent à des réunions publiques, si bien qu'« il s'est forgé comme une nationalité ouvrière parisienne » selon l'expression de Jacques Rougerie[5]. Ainsi, les années 1860 voient l'émergence d'un « prolétariat combatif » et les associations ouvrières se développent, certaines agissant par la grève, tolérée depuis 1864, au point que les manifestations se multiplient à Paris entre 1869 et 1870[5]. L'Association internationale des travailleurs, dont Eugène Varlin est le représentant dans la capitale, regroupe quelques dizaines de milliers de militants à travers l'Europe qui questionnent le pouvoir de l'État et revendiquent la nationalisation des grandes entreprises. À leurs côtés, l'extrême gauche républicaine, et notamment les blanquistes, victimes majeurs du coup d'État en 1851, intensifie ses actions. Partisans de l'insurrection ou révolutionnaires anticapitalistes forment donc un ensemble hétéroclite qui remet en cause l'organisation de la société, ce qui inquiète à la fois l'opinion publique, les classes dirigeantes et les élus républicains [6].
Les classes populaires parisiennes (ou tout du moins une partie d'entre elles) craignent de se voir une nouvelle fois frustrées des bénéfices de « leur » révolution de septembre 1870 (renversement du Second Empire). Déjà, après les journées révolutionnaires parisiennes de juillet 1830 comme après celles de février 1848, suivies des élections d'avril 1848, les classes aisées avaient confisqué le pouvoir politique à leur profit[réf. nécessaire] en installant la monarchie de Juillet et la Deuxième République, qui débouchera sur le Second Empire. En 1871, les Parisiens sont méfiants envers l'assemblée élue en février, où les deux tiers des députés sont des monarchistes de diverses tendances ou des bonapartistes. Comme l'écrit Jean-Jacques Chevallier, « la Commune était l'expression, chez ses meneurs, d'un républicanisme ultra rouge, antireligieux, jacobin, prolétarien, fouetté par la haine pour cette assemblée monarchiste »[7]. Jules Ferry, quant à lui, déclara devant la commission d’enquête sur les causes de l’insurrection, qu’il en voyait trois : premièrement, ce qu’il appelle « la folie du siège », née de l’inactivité, du bouleversement des habitudes civiles, d’une tension des esprits tournés vers la guerre, et enfin de « l’immense déception » d’une « population tout entière qui tombe du sommet des illusions ». La deuxième se trouve dans la désorganisation de la garde nationale, source de graves désordres. Pour terminer, la ferme volonté des Prussiens d’entrer dans Paris finit par convaincre une grande partie de la population qu’elle était trahie[8]. Qui sont les insurgés ?La Commune ne représentait à peu près que la moitié de la population parisienne[9]. Les archives de la répression qui frappa l'insurrection permettent de brosser le portrait social des communards. L'insurgé-type de 1871 est un travailleur parisien, un homme d'une trentaine d'années. Parmi ces insurgés, on rencontre principalement les ouvriers du bâtiment, les journaliers, et les travailleurs du métal, ouvriers d'ateliers ou de petites fabriques. Ils forment respectivement 17 %, 16 % et 10 % du total. Viennent ensuite les employés (8 %), les cordonniers-savetiers (5 %), les marchands de vin (4 %) et les ouvriers du livre (3 %), fortement politisés[10]. L’écrivain Maxime du Camp, témoin hostile de la Commune, fait, en 1881, une description sévère des insurgés : « Malgré certaines apparences et malgré leur uniforme, les bataillons fédérés n’étaient point une armée ; c’était une multitude indisciplinée, raisonneuse, que l’alcoolisme ravageait. Dans toutes les luttes qu’ils engagèrent, même à forces triples, contre l’armée de Versailles, ils furent battus. Lors du combat suprême commencé le 21 mai et terminé le 28, malgré les positions formidables qu’ils occupaient, malgré les abris qui les protégeaient, malgré les refuges que leur offraient les rues, les ruelles, les maisons à double issue, malgré leur énorme artillerie, malgré leur nombre, ils furent vaincus par nos soldats marchant à découvert. Plus d’une cause leur a infligé une infériorité qui devait nécessairement amener leur défaite : au point de vue technique, ils ne savaient pas obéir, et l’on ne savait pas les commander ; au point de vue moral, la plupart ne savaient pas pourquoi ils se battaient ; presque tous trouvaient le métier fort dur et ne le faisaient qu’en rechignant »[11]. Défaite de 1870 et conséquencesDe la déclaration de guerre à la capitulation de ParisLe , la France déclare la guerre à la Prusse[12]. Mal préparée[13], l'armée française mène une campagne désastreuse et subit de nombreux revers[14]. Après la capitulation de l'armée de Napoléon III à Sedan, les députés parisiens proclament la République le [15]. Un gouvernement de défense nationale s'installe à l'hôtel de ville et la guerre se poursuit mais Paris est assiégé dès le [12]. Isolée du reste de la France, la capitale livre une résistance acharnée malgré l'intensification des bombardements prussiens[16] et les souffrances causées par la famine et le froid[12],[3]. Des centaines de milliers d'hommes rejoignent les rangs de la Garde nationale et l'exaltation révolutionnaire donne lieu à plusieurs soulèvements populaires qui exigent l'instauration d'une Commune[17]. Le puis le , le gouvernement contient les tentatives de renversement venues de la gauche qui déplore le manque d'initiative du commandement militaire et conteste son pouvoir[17]. Les Parisiens, humiliés, apprennent la proclamation de l'Empire allemand dans la galerie des Glaces du château de Versailles le et l'annonce de la signature de l'armistice le est vécue comme une trahison[3].
L'Assemblée contre ParisLa capitulation de Paris marque un tournant décisif dans la marche vers l'insurrection, comme l'affirme le l'architecte Georges Arnold : « Il a fallu que les dernières illusions s'évanouissent… Il a fallu voir Paris, ce héros, ce martyr, conspué, calomnié par les infâmes qui, de tout temps, ont méprisé les peuples ; il a fallu cette paix honteuse et hideuse entre toutes… pour que cette population, disposée à une confiance aussi candide, s'aperçût enfin qu’elle n’avait plus à compter que sur elle-même pour assurer son honneur et sa liberté »[18]. La convention d'armistice prévoit notamment la convocation d'une Assemblée nationale chargée de conclure le traité de paix : les élections législatives du marquent ainsi la rupture entre les départements ruraux qui portent à la Chambre une majorité monarchiste, conservatrice et réactionnaire, et le peuple parisien résolument hostile à l'armistice qui choisit d'élire 36 députés républicains sur les 43 sièges à pourvoir dans la capitale[12]. Pour les Parisiens, l'humiliation est totale : l'armistice prévoit, outre l'annexion de l'Alsace-Lorraine et le versement d'une indemnité de guerre de 5 milliards de francs, l'occupation partielle de la ville par les Allemands pendant trois jours, ce qui est vécu selon l'historien Michel Cordillot comme « une injure faite au patriotisme et à l'abnégation » d'une population exaspérée[12]. À cela s'ajoute une série de mesures vexatoires. Le , la nomination du général bonapartiste Louis d'Aurelle de Paladines à la tête de la Garde nationale est perçue comme une nouvelle provocation. Le , l'Assemblée nationale met fin au moratoire sur les effets de commerce, ce qui pousse des milliers d'artisans et de commerçants à la faillite, et supprime la solde quotidienne de nombreux gardes nationaux en décidant de ne la verser qu'aux seuls individus en mesure de prouver leur indigence. L'Assemblée choisit par ailleurs de s'installer à Versailles, « décapitalisant ainsi Paris au profit de la ville des rois » selon l'expression de Jacques Rougerie[12],[19]. Toutes ces mesures entraînent la radicalisation des éléments les plus modérés, cependant que la Fédération de la Garde nationale s'organise et finit par établir un Comité central le [17]. Dès la fin février, les troupes régulières se retirent des quartiers populaires de la ville, où la tension s'accroît. Le général Vinoy, nommé gouverneur de la capitale, tente vainement de rétablir l'ordre en multipliant les mesures répressives : interdiction des réunions et suppression de six journaux républicains[12]. La guerre de 1870 a profondément marqué la ville, qui a subi un siège très dur et dont la population a souffert de la faim. Les ouvriers, les artisans et leurs familles furent ceux qui souffrirent le plus de l'envolée des prix. S’enrôlant en grand nombre dans la Garde nationale, ils portèrent ses effectifs à 350 000 hommes et, en élisant leurs officiers, ils mirent fin à la prégnance de la bourgeoisie parmi eux. L'armistice de paraît insupportable aux Parisiens, qui ont résisté à l'ennemi pendant près de quatre mois. « Les insurgés vibraient d'un patriotisme de gauche que la honte de la défaite exaspérait »[7]. Soulèvement du
— Charles Beslay, délégué du Comité central républicain des Vingt arrondissements, Mes souvenirs, 1873[20]. Chef du pouvoir exécutif, Adolphe Thiers est déterminé à rétablir l'ordre à Paris avant que l'Assemblée nationale ne commence à siéger à Versailles le . Pour ce faire, il compte s'emparer des canons parisiens, acquis pendant le siège par souscription populaire, et que les gardes nationaux ont installé sur les hauteurs de la ville, de Montmartre à Belleville, mais également sur la place des Vosges[12],[21]. Le au soir, évaluant mal l'état d'esprit des Parisiens, Thiers réunit les membres du gouvernement et les chefs militaires pour élaborer le plan d'une offensive prévue pour le lendemain et qui consiste à reprendre les canons tout en arrêtant les principaux meneurs du mouvement[22],[23]. Dans le même temps, il fait imprimer une affiche qui doit être placardée dans les rues de Paris afin d'appeler le peuple à soutenir son initiative, et, conscient de l'influence du révolutionnaire Auguste Blanqui sur le mouvement social parisien, il le fait arrêter alors que ce dernier se repose chez un ami médecin à Bretenoux dans le Lot[22],[24] Environ 15 000 soldats de l'armée régulière sont mobilisés. Les 4 000 hommes du général Susbielle et du général Lecomte doivent s'emparer des canons de Montmartre tandis que la division du général Faron, forte de 6 000 hommes, doit faire de même aux Buttes-Chaumont et à Belleville, quartiers populaires entièrement acquis aux Fédérés. Les hommes du général Maud'huy doivent pour leur part s'installer à la Bastille, tenir le faubourg Saint-Antoine et les ponts de la Seine afin d'isoler la rive gauche[22],[23]. Adolphe Thiers néglige ainsi les quartiers sud de la ville, qu'il juge trop éloignés du théâtre principal des opérations, quand bien même le 13e arrondissement est tombé lui aussi, depuis le , sous le contrôle des Fédérés[22].
Les troupes progressent de nuit et au matin du , les canons sont saisis sans difficulté. Il faut cependant les transporter et les chevaux manquent. À Montmartre, le peuple parisien s'éveille et s'oppose à la troupe. Tandis que les gardes nationaux se rassemblent, le général Lecomte donne l'ordre de faire feu, mais ses soldats refusent d'obtempérer et fraternisent avec la foule. Le même scénario se répète dans les différents quartiers. Lecomte est capturé et, malgré la demande de protection du maire du 18e arrondissement, Georges Clemenceau, il est finalement exécuté en fin de journée en compagnie du général Clément-Thomas, l'ancien commandant de la garde nationale qui avait participé à la répression du soulèvement de juin 1848, reconnu en civil sur un boulevard. En fin de matinée, les gardes nationaux s'activent pour se protéger d'un retour de l'armée. Ils occupent des points stratégiques et des barricades sont érigées à la hâte. Ils passent à l'offensive dans l'après-midi et la reconquête populaire contraint les troupes régulières à se replier en direction du Champ-de-Mars. Vers 16 h, Adolphe Thiers décide de gagner Versailles et donne l'ordre d'évacuation des troupes. Dans la soirée, malgré la résistance de Jules Ferry, l'Hôtel de ville est évacué à son tour. Les Fédérés en prennent possession et le Comité central de la Garde nationale s'y installe vers minuit[22],[23]. Apprenant les événements, Victor Hugo écrit dans son journal : « Thiers, en voulant reprendre les canons de Belleville, a été fin là où il fallait être profond. Il a jeté l'étincelle sur la poudrière. Thiers, c'est l'étourderie préméditée »[25]. Expérience de la CommuneMise en placeLa « semaine de l'incertitude » (18-)Après la journée du , les Fédérés contrôlent la plus grande partie de la capitale et occupent les principaux lieux du pouvoir abandonnés par le gouvernement en fuite, de même que les grandes casernes de la villes et six mairies d'arrondissement sur vingt[22]. S'ouvre alors une période que l'historien Jacques Rougerie qualifie de « semaine de l'incertitude »[26]. Dès sa prise de fonction, et parce qu'il estime que sa compétence se limite à la représentation et à la défense de la Garde nationale, le Comité central annonce la tenue d'élections municipales, fixées dans un premier temps au mais finalement organisées le . En attendant, il nomme plusieurs de ses membres à la tête des différents secteurs de l'administration municipale : François Jourde et Eugène Varlin sont nommés aux Finances, Victor Grêlier et Édouard Vaillant à l'Intérieur, Lucien Combatz à la direction du Télégraphe, Édouard Moreau de Beauvière à la tête de l'Imprimerie nationale et du Journal officiel, Émile-Victor Duval et Raoul Rigault à la préfecture de Police, tandis que Jules Bergeret est nommé commandant de la place et Adolphe Assi gouverneur de l'hôtel de ville[17]. Par ailleurs, le Comité central adopte une série de mesures urgentes ou symboliques : occupation des édifices publics et des lieux du pouvoir, levée de l'état de siège dans le département de la Seine, libération des prisonniers politiques, rétablissement de la liberté de la presse, suspension de la vente des objets déposés au Mont-de-piété, prorogation des échéances de loyers ou encore interdiction d'expulsion des locataires[27]. Pendant plusieurs jours, le Comité central s'efforce d'étendre son pouvoir à l'ensemble de la ville, alors que certains quartiers bourgeois sont encore défendus par des bataillons de gardes nationaux favorables à l'ordre versaillais. Il négocie étroitement avec les élus de la capitale (maires, adjoints et députés), à qui le ministre de l'Intérieur Ernest Picard a confié provisoirement l'administration de la ville par décret et qui tentent finalement de jouer le rôle de médiateurs entre Versailles et la Commune[27]. Élection du Conseil de la CommuneLe , à la veille des élections municipales, le Comité central de la Garde nationale lance auprès des Parisiens un appel à la vigilance et à la réflexion avant d'élire leurs représentants[28]. Le nombre de votants s'élève à 230 000 sur les 475 000 inscrits que comptent la capitale, soit une abstention supérieure à 50 % qui s'explique en partie par le départ de nombreux Parisiens pendant et après le siège de la capitale. Toutefois, la légitimité de la Commune est certaine car les candidats communards obtiennent environ 190 000 voix contre seulement 40 000 voix aux partisans de l'ordre versaillais. Pour Michel Cordillot, « l'instauration de la Commune répond donc bien à une forte volonté populaire, quoique non majoritaire dans l'absolu une fois les abstentions prises en compte »[29]. Le résultat du scrutin témoigne d'un profond décalage entre les arrondissements populaires de l'Est et du Nord de Paris qui votent massivement pour les candidats fédérés, l'adhésion étant totale dans le 20e arrondissement où les candidats communards recueillent près de 100 % des voix et où l'abstention n'est que de 24 %. Dans les arrondissements plus bourgeois de l'Ouest et du Centre, révolutionnaires et conservateurs font pratiquement jeu égal. Sur les 85 élus, 70 sont favorables à la Commune[29]. Les 15 autres élus, membres du « parti des maires », démissionnent rapidement pour marquer leur désaccord avec les premières mesures d'urgence. Quelques républicains les imitent ensuite pour contester le fait que la Commune outrepasse ses attributions municipales. Du fait des démissions, de la mort au combat de certains élus ou de leur impossibilité d'être à Paris, tel l'exemple d'Auguste Blanqui toujours emprisonné, des élections complémentaires sont organisées le après avoir été deux fois ajournées[29]. Ces élections montrent le signe d'une première désaffection de la population parisienne à l'égard de la Commune, l'abstention atteignant plus de 70 %. Leur validation est aussitôt débattue et deux nouveaux membres démissionnent aussitôt car ils estiment leur élection non valide du fait de n'avoir pas obtenu les voix d'un huitième des inscrits. Pour les adversaires de la Commune comme pour le gouvernement versaillais, qui considèrent que les insurgés du ont usurpé le pouvoir, cet échec relance la question de la légitimité politique du mouvement[29]. Le Conseil est représentatif des classes populaires et issues de la petite bourgeoisie parisienne : 33 artisans et petits commerçants (cordonniers, relieurs, typographes, chapeliers, teinturiers, menuisiers, bronziers), 24 professions libérales ou intellectuelles (12 journalistes, 3 avocats, 3 médecins, 2 peintres, 1 pharmacien, 1 architecte, 1 ingénieur, 1 vétérinaire), et 6 ouvriers (métallurgistes). Toutes les tendances politiques républicaines et socialistes sont représentées, jusqu'aux anarchistes. Parmi la vingtaine de « jacobins », admirateurs de la Révolution de 1789 et plutôt centralisateurs, on trouve Charles Delescluze, Félix Pyat, Charles Ferdinand Gambon ou Paschal Grousset. À peine plus nombreux sont les « radicaux », partisans de l'autonomie municipale et d'une république démocratique et sociale, tels Arthur Arnould, Charles Amouroux, Victor Clément et Jules Bergeret. On compte une dizaine de « blanquistes », adeptes de l'insurrection et avant-gardistes, comme l'avocat Eugène Protot, le journaliste Édouard Moreau de Beauvière, Jean-Baptiste Chardon, Émile Eudes, Théophile Ferré, Raoul Rigault ou Gabriel Ranvier. Des collectivistes, membres de l'Association internationale des travailleurs, sont élus, dont Léo Fränkel, Benoît Malon et Eugène Varlin. Quelques « proudhoniens », partisans de réformes sociales, siègent, comme Pierre Denis. Enfin, des « indépendants » ont été élus, tels Jules Vallès et Gustave Courbet. Vingt des soixante élus du Conseil de la Commune sont des francs-maçons[31],[30]. Rapidement, le Conseil de la Commune se divise en « majorité » et « minorité » :
Ces tendances se cristallisent le 28 avril à propos de la création d'un Comité de Salut public, organisme que les minoritaires refusent comme contraire à l'aspiration démocratique et autonomiste de la Commune. Les majoritaires en imposent la création le 1er mai par 45 voix contre 23[32]. La minorité au conseil de la Commune publie un Manifeste le 15 mai. Toutefois, ces luttes d'influence restent incomprises d'une grande partie des Parisiens et les deux tendances feront combat commun dès l'entrée des troupes versaillaises dans Paris. Au début de la Commune, la volonté est de convaincre les « Versaillais » (les membres du gouvernement d'Adolphe Thiers partis à Versailles) d'accepter l'autonomie communale qui vient de se constituer à Paris, cette proposition rencontrant un certain écho parmi les Versaillais modérés. Les communards souhaitent la paix et veulent éviter la guerre civile, proposant à l'assemblée de Versailles de négocier. Paris invite le reste de la France à rejoindre l'autonomie communale mais l'instauration de la République sociale à Paris renvoie au souvenir de 1793 et de la Terreur chez les Versaillais. Du côté de la Commune, l'assemblée de Versailles est vue comme une assemblée des ruraux, gouvernée par la province qui est accusée de soutenir Thiers et la monarchie. Toutefois, Versailles refuse de reconnaitre la validité des élections à Paris, refuse de négocier et prend l'initiative de l'affrontement le 2 avril 1871[33]. Vie politiqueÀ côté des personnalités élues, les classes populaires de Paris manifestent une extraordinaire effervescence politique. Les élections à répétition, le 26 mars pour le Conseil de la Commune et le 16 avril pour des élections complémentaires, maintiennent la tension politique. Les cérémonies officielles permettent aussi les rassemblements : l'installation du Conseil de la Commune à l'hôtel de ville le 28 mars, les obsèques du socialiste Pierre Leroux à la mi-avril, la destruction de l'hôtel particulier de Thiers, la démolition de la colonne Vendôme le 16 mai. Le photographe Bruno Braquehais rend compte de la chute de la colonne Vendôme dans une série de clichés. Surtout, la population peut se retrouver dans de nombreux lieux pour y discuter de la situation, proposer des solutions, voire faire pression sur les élus ou aider l'administration communale. Réunis dans les lieux les plus divers, ils permettent à des orateurs réguliers ou occasionnels de faire entendre les aspirations de la population et de débattre de la mise sur pied d'un nouvel ordre social favorable aux classes populaires (comme au Club de la Révolution, animé par Louise Michel). Si ces clubs sont nombreux dans les quartiers centraux (1er, 2e, 3e, 4e, 5e et 6e arrondissements), les quartiers aisés de l'ouest parisien (7e, 8e et 16e) n'en comptent aucun. Les clubs se fédèrent le 7 mai afin d'avoir des contacts plus efficaces avec le Conseil de la Commune. S'ajoutant aux titres déjà existants, plus de soixante-dix journaux sont créés pendant les soixante-douze jours de la Commune. Mais la liberté de la presse est restreinte dès le 18 avril et, le 18 mai, le Comité de Salut public interdit les publications favorables au gouvernement Thiers. Parmi les journaux les plus influents figurent Le Cri du peuple de Jules Vallès, Le Mot d'ordre d'Henri Rochefort, L'Affranchi de Paschal Grousset, Le Père Duchêne d'Eugène Vermersch, La Sociale avec la féministe André Léo et Le Vengeur de Félix Pyat. OrganisationLe , la Commune se dote pour gouverner d'une Commission exécutive, à la tête de 9 commissions. Au , leur composition est la suivante[34]. Politiques suiviesDans son programme daté du 19 avril 1871, la Commune résume[38] :
Le 21 avril le Conseil décide de nommer un membre de la commission exécutive « délégué » auprès de chacune des neuf autres commissions pour en diriger les travaux. Gustave Cluseret devient délégué à la Guerre (remplacé le 1er mai par Louis Rossel, lui-même remplacé le 10 mai par Charles Delescluze) ; Eugène Protot est délégué à la Justice ; Auguste Viard est délégué aux Subsistances ; Édouard Vaillant à l'Enseignement ; Raoul Rigault à la Sûreté générale (où il sera remplacé le 24 avril par Frédéric Cournet, puis le 13 mai par Théophile Ferré) ; Léo Frankel est nommé au Travail, à l'Industrie et aux Échanges ; Jules Andrieu aux Travaux publics. Le Comité de Salut public, créé le 1er mai, dont les attributions n'ont pas été précisées, vient empiéter sur celles des commissions et crée une certaine confusion (qui aboutit le 10 mai à la démission de Louis Rossel). La Commune administre Paris jusqu'au 20 mai. De nombreuses mesures sont prises et appliquées pendant les 72 journées d'une intense activité législative. La Commune n’ayant aucune légitimité au regard du gouvernement légal du pays, ces mesures disparaissent avec elle sans qu’il soit nécessaire de les abolir explicitement ensuite. Certaines seront reprises par la République plusieurs décennies plus tard. Mesures d'urgenceLe Conseil de la Commune commence par régler les questions qui sont à l'origine du soulèvement du 18 mars : le 29 mars, un décret remet les loyers non payés d'octobre 1870 à avril 1871 (il ne s'agit pas d'un moratoire, les locataires ne sont tout simplement plus redevables de ces loyers)[39], la vente des objets déposés au Mont-de-Piété est suspendue ; le 12 avril, les poursuites concernant les échéances non payées sont suspendues ; le 16 avril, un délai de trois ans est accordé pour le règlement des dettes et des échéances ; le 6 mai, le dégagement gratuit des dépôts de moins de 20 francs au Mont-de-Piété est permis (décret du 6 mai 1871, J.O. du 7 mai). La solidarité est également organisée : une pension est versée aux blessés ainsi qu'aux veuves (600 francs) et aux orphelins (365 francs) des gardes nationaux tués au combat (8 et 10 avril) ; le 25 avril, un décret réquisitionne les logements vacants au profit des sinistrés des bombardements allemands et versaillais ; des orphelinats sont créés avec l'aide en fourniture des familles parisiennes. La question du ravitaillement est devenue moins cruciale que pendant le siège hivernal de Paris par les Prussiens. À l'exception du pain qui est taxé, les aliments se trouvent en suffisance grâce aux stocks accumulés après le siège et aux arrivages des terres agricoles et des jardins situés entre les fortifications et les lignes allemandes. Mais par circulaire du 21 avril, le gouvernement Thiers impose le blocus ferroviaire de la capitale. Le 22 avril, des ventes publiques de pommes de terre et des boucheries municipales sont créées pour soulager le budget des familles (dont les dépenses alimentaires constituent à l'époque l'essentiel). Cantines municipales et distributions de repas (à l'exemple des « marmites de Varlin ») fonctionnent, des bons de pain sont distribués.
La Commune prend aussi quelques mesures symboliques : le drapeau rouge est adopté le 28 mars et le calendrier républicain (an 79 de la République) remis en vigueur. La destruction de la colonne Vendôme, considérée comme le symbole du despotisme impérial, est décrétée le 12 avril et réalisée le 16 mai. Sont aussi décidées la confiscation des biens de Thiers et la destruction de son hôtel particulier à Paris (Thiers se fera rembourser plus d'un million de francs).
Démocratie et citoyennetéL'appel du 22 mars[41] du Comité central de la Garde nationale énonce que « les membres de l'assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l'opinion, sont révocables, comptables et responsables » et que leur mandat est impératif. Il s'agit d'une démocratie directe reposant sur une citoyenneté active, renouant avec l'esprit de la constitution de 1793 qui fait du droit à l'insurrection « le plus sacré des droits et le plus imprescriptible des devoirs » (article XXXV de la Déclaration des droits de l'Homme de 1793). La Commune de Paris ouvre la citoyenneté aux étrangers : « Considérant que le drapeau de la commune est celui de la République universelle ; considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent… »[42]. Travail et démocratie socialeLe Conseil de la Commune, issu d'un mouvement populaire, se préoccupe d'améliorer la condition des prolétaires. La Commune entend réaliser l'aspiration du mouvement ouvrier français du XIXe siècle : « l'émancipation des travailleurs par les travailleurs eux-mêmes » (mot d'ordre de l'Association internationale des travailleurs dès 1864). Le 16 avril, un décret réquisitionne les ateliers abandonnés par leurs propriétaires (assimilés à des déserteurs) ; il prévoit de les remettre à des coopératives ouvrières après indemnisation du propriétaire. Deux ateliers fonctionnent ainsi pour la fabrication d'armes ; la journée de travail y est de 10 heures et l'encadrement est élu par les salariés. Le 20 avril, les bureaux de placement de la main d'œuvre, entreprises privées très florissantes sous l'Empire, monopoles agissant bien souvent comme des « négriers », sont supprimés et remplacés par des bureaux municipaux. Le même jour, le travail de nuit dans les boulangeries est interdit, mais il faut lutter contre le travail clandestin par des saisies de marchandises et l'affichage de la sanction dans les boutiques. Pour contrer une pratique très répandue, la Commune interdit les amendes patronales et retenues sur salaires, dans les administrations publiques comme dans les entreprises privées (28 avril). Pour lutter contre le sous-salariat dans les appels d'offres concernant les marchés publics, un cahier des charges avec indication du salaire minimum est créé. La Commune annonce les prémices de l'autogestion[43]. Dans les entreprises, un conseil de direction est élu tous les 15 jours par l'atelier et un ouvrier est chargé de transmettre les réclamations. Vers l'émancipation des femmesPendant la Commune, sous l'impulsion d'Élisabeth Dmitrieff, jeune militante russe de l'Internationale, et de Nathalie Lemel, ouvrière relieuse, se crée l'un des premiers mouvements féminins de masse, l'Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés. L'Union réclame le droit au travail et l'égalité des salaires (un commencement d'application est mis en place pour les institutrices), elle participe au recensement des ateliers abandonnés par leurs patrons (les francs fileurs) réfugiés à Versailles et organise des ateliers autogérés. La Commune reconnaît l'union libre (elle verse une pension aux veuves de fédérés mariées ou non, ainsi qu'à leurs enfants légitimes ou naturels)[45],[46], interdit la prostitution, met en place un début d'égalité salariale et décrète la séparation des Églises et de l'État dans les écoles et les hôpitaux. Des femmes se battent — comme Louise Michel et d'autres — sous l'habit des « fédérés » et défendent Paris contre les « Versaillais » sur les barricades (elles sont une centaine, place Blanche, avec Nathalie Lemel), rejoignent le front en tant qu'ambulancières ou vivandières — les témoignages de Victorine Brocher ou d'Alix Payen nous sont parvenus — ou poursuivent les gardes nationaux réfractaires dans Paris — une légion des Fédérées armée est levée pour cette tâche. Sur le chemin de l'émancipation des femmes, la Commune a marqué une étape importante[45],[46]. PresseLa liberté de la presse est réaffirmée le 19 mars par le Comité central de la Garde nationale et les journaux anti-communards continuent donc de paraître à Paris. Ils se livrent à des attaques violentes contre le soulèvement et relaient les mots d'ordre politiques de Thiers. Aussi, dès le 5 avril, le Journal des Débats et La Liberté, jugés pro-versaillais, sont interdits. Le 12, Le Moniteur universel connaît le même sort. La presse pro-versaillaise continuant ses attaques, le 9 avril, la Commission de Sûreté générale rappelle que la « déclaration préalable » reste en vigueur. Dès le 18 avril, la Commune menace d'interdiction les journaux « favorables aux intérêts de l'armée ennemie » qui continuent tout de même de paraître. C'est surtout en mai que la lutte contre la presse pro-versaillaise prend de la vigueur : le 5 mai, 7 journaux sont supprimés, le 11 ce sont 5 autres journaux dont Le Vengeur et le 18 mai, 9 autres. Néanmoins, les publications interdites peuvent reparaître quelques jours plus tard du fait de la totale liberté laissée pour la fondation d'un journal. De son côté, la presse parisienne procommunarde ne peut être diffusée en province du fait de la vigilance du gouvernement Thiers[réf. nécessaire]. FonctionnairesLa Commune doit faire face à l'absentéisme des fonctionnaires, qui pour une grande part sont partis à Versailles avec Adolphe Thiers ou restent chez eux comme ce dernier le leur ordonne. Il s'agit aussi de changer l'état d'esprit de ces agents publics recrutés sous le Second Empire. La Commune décide l'élection au suffrage universel des fonctionnaires (y compris dans la justice et dans l'enseignement), l'instauration d'un traitement maximum (2 avril) de 6 000 francs annuels (l'équivalent du salaire d'un ouvrier[réf. nécessaire]) et l'interdiction du cumul (4 mai). Les fonctionnaires ne doivent plus le serment politique et professionnel. JusticeLa plupart des professionnels de la justice ou du droit ayant disparu (il n'y a plus que deux notaires en activité dans Paris), il faut pourvoir à tous les postes. Il y a beaucoup de projets, mais faute de temps, peu sont mis en application. Les enfants légitimés sont considérés comme reconnus de droit ; le mariage libre par consentement mutuel est instauré (avec un âge minimum de 16 ans pour les femmes, 18 ans pour les hommes) ; la gratuité des actes notariaux (donation, testament, contrat de mariage) est décidée. Pour tempérer l'activité répressive de Rigault à la Sûreté générale, une sorte d’habeas corpus est mise en place par Eugène Protot : les cas des suspects arrêtés par le Comité central de la Garde nationale ou la Sûreté doivent recevoir une instruction immédiate (8 avril) ; les perquisitions et réquisitions sans mandat sont interdites (14 avril) ; il est obligatoire d'inscrire le motif de l'arrestation sur les registres d'écrou (18 avril) ; une inspection des prisons est créée (23 avril). EnseignementDans l'enseignement, le personnel de l'administration centrale s'est réfugié à Versailles, les professeurs du secondaire et du supérieur, assez peu favorables à la Commune, ont déserté lycées et facultés et les écoles privées congréganistes, nombreuses, car favorisées par la loi Falloux de 1850, ont été vidées de leurs élèves[47] depuis le décret du 2 avril « séparant l'Église de l’État ». Édouard Vaillant, chargé de ce secteur, prévoit une réforme qui vise à l'uniformisation de la formation primaire et professionnelle. Deux écoles professionnelles, une de garçons et une de filles, sont ouvertes. L’enseignement est laïcisé : l'enseignement de la religion est interdit, les signes religieux chrétiens sont enlevés des salles de classe. Une commission exclusivement composée de femmes est formée le 21 mai pour réfléchir sur l'instruction des filles. Quelques municipalités d'arrondissement, celle du 20e en particulier, qui ont alors la responsabilité financière de l'enseignement primaire, rendent l'école gratuite et laïque. Le personnel enseignant, qui est à la charge des municipalités, reçoit une rémunération de 1 500 francs annuels pour les aides-instituteurs et 2 000 pour les directeurs, avec égalité de traitement entre hommes et femmes. Cultes
Dans le domaine des cultes, la Commune rompt avec le concordat de 1801 qui faisait du catholicisme « la religion de la majorité des Français » et des membres du clergé des fonctionnaires. À la fin de l'Empire, les classes populaires parisiennes sont assez hostiles au catholicisme, trop lié au régime impérial et aux conservateurs (liens notamment incarnés en la personne de l'impératrice Eugénie). L'anticléricalisme a été revigoré par la propagande blanquiste, d'un athéisme militant, et par l'attitude du pape Pie IX face à l'unification de l'Italie. Le 2 avril, la Commune décrète la séparation de l'Église (catholique) et de l'État, la suppression du budget des cultes et la sécularisation des biens des congrégations religieuses. Le même jour, l'archevêque de Paris, Georges Darboy, est arrêté comme otage. Les religieux des couvents de Picpus, des Dames-Blanches et d'Arcueil sont inquiétés ou arrêtés sous divers motifs. Les églises Saint-Laurent et Notre-Dame-des-Victoires sont perquisitionnées. Les propositions d'échange de l'archevêque contre Auguste Blanqui, détenu par le gouvernement d'Adolphe Thiers, sont repoussées par celui-ci le 12 avril, puis le 14 mai. Le prélat est fusillé par les communards, avec quatre autres ecclésiastiques, en réplique à l'avance des troupes versaillaises. D'autres exécutions de religieux vont avoir lieu et portent le nombre total à plus d'une vingtaine[48]. ArtsGustave Courbet publie le un appel aux artistes afin de les encourager à participer aux réunions politiques. La première réunion se tient à l'amphithéâtre de l'école de médecine le 14 avril devant plus de 400 personnes, et Eugène Pottier lit devant une assemblée d'artistes et d'artisans parisiens le manifeste de la Fédération des artistes de Paris, qui se conclut par la phrase : « Le comité concourra à notre régénération, à l'inauguration du luxe communal et aux splendeurs de l'avenir, et à la République universelle »[49],[50] (p. 64). L'apport de Courbet consista principalement à l'établissement d'une fédération laissant libre les artistes de gérer leurs propres affaires en dehors de toute tutelle administrative ou étatique[50](p. 65). La fédération des artistes réprouve l'idée d'octroi de subventions, les considérant comme une forme de tutelle et privilégiant une organisation corporatiste prenant la forme d'un syndicat des artistes. Il s'agit aussi d'une critique par rapport à l'administration muséale et l'emprise des musées sur le travail des artistes, et pour ce qui concerne la production littéraire une critique de l’administration par la censure pratiquée sous le Second Empire[50] (p. 66). Les artistes durant cette première assemblée élurent 47 représentants révocables pour les domaines suivants : peinture, sculpture, architecture, lithographie, dessin industriel. Le manifeste se préoccupe de la propriété artistiques et du droit pour les artistes de signer leur œuvre et de garder le contrôle de la distribution :
Gustave Courbet devient le président de cette nouvelle fédération des artistes. D'autres sont élus, comme Corot, Manet, Daumier (ils sont pourtant absents de Paris) mais Courbet est le seul peintre connu à s'y impliquer de façon résolue (Cézanne, Pissarro et Degas quittent la ville durant le siège prussien avant la période de la Commune). Courbet sera rendu responsable financièrement de la chute de la colonne Vendôme, et sévèrement critiqué par les artistes et écrivains bourgeois comme Émile Zola et Alexandre Dumas pour être sorti de son rôle d'artiste et s'être engagé politiquement[50] (p. 53). Zola tentera tout de même de sauver « ce grand artiste »[51]. D'après l'universitaire américaine Kristin Ross, « par « luxe communal », les artistes et les artisans de la Commune semblaient penser à une sorte de « beauté publique » : l'amélioration des espaces partagés dans toutes les villes et tous les villages, le droit pour chacun de vivre et de travailler dans un environnement agréable. En créant un art public, un art vécu, au niveau de municipalités autonomes, le luxe communal œuvrait contre la conception même de l'espace monumental et sa logique centralisatrice (nationaliste) »[49]. Il s'agit également de gommer la séparation entre arts décoratifs et beaux arts réservés à une élite consommant des produits de luxe. Élisée Reclus dans son livre L'art et le peuple décrira une volonté utopiale de transformer ce qu'il appelle le « palais coutumier » (lieu où sont enfermés les beaux arts pour une petite élite) en un feu de joie créatif d'art vécu, indispensable et non superflu :
Le cordonnier Napoléon Gaillard par exemple se réclame d'une pratique quotidienne des arts intégrée dans le travail des artisans. Il revendique une forme d'art dans sa pratique de cordonnier, Il se fait de façon emblématique photographier signant la barricade qu'il a créée place de la Concorde, ce qui lui vaut le surnom de Château Gaillard par la suite[50](p. 70). Gaillard indique aussi être fier de « faire une chaussure bien chaussante » et revendique en tant que cordonnier un statut « d'artiste chaussurier ». Outre le fait qu'il est l'inventeur des chaussures en caoutchouc (gupta percha), il rédige des textes sur le pied et la chaussure[52]. Toutes ces réflexions sur l'art menées par la fédération des artistes influencèrent un artiste tapissier tel que William Morris, qui devient dans les années 1880 un défenseur de la mémoire artistique de la Commune[50] (p. 76). Frank Jellinek qualifiera la commune de « révolution de cordonniers » dans son livre The Paris commune of 1871[53]. Selon Kristin Ross, les artisans d'art ont joué un rôle important dans la commune de Paris et on compta 10 000 détenus plus tard parmi eux[50] (p. 77-78). MédiatisationSelon l'historien Quentin Deluermoz, « dès mars 1871, la révolte parisienne est sans doute l'un des événements les plus médiatisés de l'époque »[54]. La Commune est suivie par les journaux européens aussi bien que dans l'aire d'influence britannique (Canada, Inde, Australie) et dans l'espace atlantique (Brésil, Mexique, États-Unis)[54]. D'après l'examen des télégrammes Reuters circulant sur le réseau du câble télégraphique transatlantique, l'écrasante majorité des informations concerne l'insurrection parisienne « alors que de nombreux « faits » signifiants se déroulent bien entendu à l'échelle de la planète »[54]. Selon l'historien Samuel Bernstein (en), « aucun thème économique ou politique […], à l'exception de la corruption gouvernementale, n'a reçu plus de gros titres dans la presse américaine des années 1870 que la Commune de Paris »[55]. En France, l'insurrection parisienne a été très largement combattue par la presse, tant monarchiste que républicaine modérée[56]. Communards contre VersaillaisMobilisation des deux campsL'armée versaillaiseAprès le soulèvement du , l'armée régulière se replie à Versailles où siègent l'Assemblée nationale et le gouvernement dirigé par Adolphe Thiers. Ce dernier entreprend aussitôt de réorganiser les troupes dans le but de reprendre au plus vite la capitale[57]. Il bénéficie de l'appui du chancelier allemand Otto von Bismarck qui entend signer la paix au plus vite et pour qui le désarmement de la capitale est un impératif. Alors que la convention d'armistice n'autorise que 40 000 soldats français en région parisienne, Bismarck libère rapidement près de 60 000 prisonniers de guerre qui peuvent s'adjoindre aux soldats dont dispose Thiers. La nouvelle armée est formée par décret le et son commandement est confié au maréchal de Mac Mahon[58]. Elle est ainsi constituée d'éléments d'origines diverses : lignards, de chasseurs à pied, soldats de l'infanterie de marine, de la légion étrangère et fusiliers marins[57]. Les prisonniers de retour d'Allemagne sont progressivement intégrés aux régiments provisoires et pour assurer l'union des troupes, le gouvernement « multiplie les gestes de bonne volonté » : les promotions sont nombreuses, le ravitaillement est particulièrement soigné et les uniformes sont renouvelés[57]. Des gratifications incitatives en nourriture, vin ou argent sont accordées aux meilleurs éléments[14]. Par ailleurs, la discipline est renforcée : afin d'éviter la contagion politique et d'endiguer le risque de fraternisation avec les insurgés, des unités compromises lors des émeutes à Montmartre le sont dissoutes et certains de leurs membres sont envoyés en Afrique du Nord, cependant que les actes d'insubordination sont punis sévèrement[57]. La résistance des fédérés et certains actes symboliques comme la destruction de la colonne Vendôme tendent à renforcer la détermination des soldats de l'armée régulière. Exploitant cette soif de revanche, la propagande du gouvernement relaie auprès des troupes des représentations péjoratives des communards[14]. Avant l'assaut de la capitale le , l'armée versaillaise regroupée au camp de Satory[58] est divisée en cinq corps confiés aux généraux Paul de Ladmirault, Ernest Courtot de Cissey, François Charles du Barail, Félix Douay et Justin Clinchant. L'armée de réserve est placée sous le commandement du général Joseph Vinoy[57]. Les effectifs sont nombreux, évalués entre 120 000[59] à 130 000 hommes[60]. Par les banlieues nord et est qu'ils contrôlent, les Allemands laissent passer les troupes versaillaises qui veulent contourner Paris. De plus, par convention avec le gouvernement Thiers, ils occupent le Chemin de fer du Nord, établissent un barrage de troupes de la Marne à Montreuil et massent 80 canons et 5 000 soldats près de la porte et du fort de Vincennes tenus par la Commune, bloquant ainsi la sortie de la capitale par l'Est. Les FédérésFace à une armée nombreuse, expérimentée et bien armée, la Commune dispose des hommes de la Garde nationale réunis sous l'égide de la Fédération de la Garde nationale, qui reçoit l'adhésion de 215 bataillons sur les 242 que compte la capitale, en grande majorité ceux issus des quartiers populaires[61]. Mais comme l'affirme l'historien Olivier Peynot, « il n'y eut jamais d'armée communarde au sens strict ». De fait, la défense de Paris est assurée par « un agglomérat de bataillons réunis en légion pour chaque arrondissement » mais leur action n'est ni coordonnée ni efficace[62]. Nommé délégué à la Guerre de la Commune le , Gustave Paul Cluseret tente d'organiser l'armée fédérée, mais après l'échec de la tentative de sortie ce même jour, il opte pour une stratégie défensive. Une commission des barricades est constituées pour superviser leur érection, mais les travaux sont lents. Par ailleurs, les réformes qu'il entreprend pour améliorer la discipline, l'administration et l'encadrement de la Garde nationale ont des résultats limités, tant son mode de fonctionnement, basé sur l'élection des officiers et des délégués, renforce les contestataires. Le , Cluseret est remplacé par un autre militaire de formation, Louis Rossel, qui démissionne dix jours plus tard. Charles Delescluze, un journaliste, lui succède[14]. Au début de la Semaine sanglante, la Garde nationale estime disposer de 170 000 hommes en armes, dont 80 000 dans les compagnies de combat, 10 500 en garnison dans les forts au sud et plusieurs milliers de réservistes dans les casernes[63]. Cependant pour l'historien Robert Tombs, « la totalité des forces ne furent jamais disponibles simultanément »[63], et si la garde nationale compte dans ses rangs des soldats compétents, expérimentés et déterminés, d'autres font preuve de tiédeur, n'étant « pas profondément convaincus par une idéologie révolutionnaire »[63]. Elle souffre également d'indiscipline, avec notamment quelques cas spectaculaires d'ivrognerie[63]. L'état-major se rend aussi compte que de nombreux bataillons exagèrent leurs effectifs, parfois pour percevoir des soldes, des équipements ou des rations supplémentaires, dont les surplus sont revendus[63]. D'après le communard Gaston Da Costa, la Commune ne pouvait compter que sur 20 000 combattants actifs, ce qui semble assez crédible pour Robert Tombs : « mais il faut rappeler que le niveau d'implication variait beaucoup : certains se contentèrent de poser quelques pavés sur les barricades tandis que d'autres combattaient jour après jour »[64]. Par ailleurs, les soldats n'ont pratiquement pas d'expérience militaire et leur ardeur républicaine s'accompagne d'une certaine réticence à la discipline. Malgré la présence de plusieurs chefs d'expérience comme Jarosław Dąbrowski ou Louis Rossel, l'encadrement de la Garde nationale est globalement défaillant[62]. Les Fédérés disposent pourtant d'importantes réserves d'armes et de cartouches, cependant que les arsenaux continuent de fonctionner, mais toutes ne sont pas utilisées. D'après Olivier Peynot, sur les 400 000 fusils disponibles, moins de 115 000 sont utilisés, et sur les 1 740 pièces d'artillerie, seules 300 sont mises en action par les insurgés. Les quatre locomotives blindées dont le général Jarosław Dąbrowski s'était emparé à Asnières ne sont utilisées qu'à poste fixe et les douze canonnières dont dispose la flottille de la Commune sont désarmées et leur équipage est envoyé sur d'autres points de défense[62]. Second siège de ParisL'échec de la sortie sur Versailles (3-)Au lendemain du soulèvement du , plusieurs chefs de bataillons insurgés comme Émile-Victor Duval, Émile Eudes, Théophile Ferré ou Victor Jaclard souhaitent pousser leur avantage en marchant sur Versailles, mais Charles Lullier, nommé à la tête de la Garde nationale, s'y oppose. Les négociations entre les membres du Comité central et les maires et députés parisiens pour l'organisation des élections municipales retardent encore la réalisation d'un plan d'offensive[65]. Le , les Versaillais occupent le fort du Mont-Valérien où les fédérés ont négligé de s'installer, ce qui leur donne un avantage considérable : les pièces d'artillerie qu'ils y installent dominent toute la proche banlieue ouest de Paris leur donne un avantage considérable[66]. Le , à la tête d'une brigade de cavalerie, le général de Galliffet lance des patrouilles contre les forts et les avant-postes parisiens, et le , les Versaillais mènent une reconnaissance offensive vers Courbevoie : ils capturent de nombreux insurgés dont cinq sont fusillés sur ordre du général Vinoy[14]. Sous les ordres d'Émile Eudes, Émile-Victor Duval, Jules Bergeret et Gustave Flourens, une contre-offensive en direction de Versailles est menée le lendemain : elle se solde par un échec à Meudon et à Rueil, où Flourens est assassiné. Malgré l'arrivée de renforts fédérés au matin du , les insurgés sont encerclés sur le plateau de Châtillon et Duval est fusillé à son tour[65],[67]. Pour Michel Cordillot, l'échec de la marche sur Versailles rend « inéluctable à terme la défaite militaire des communards »[66]. Bombardements versaillaisEn réponse aux exactions versaillaises, la Commune publie le , le « décret sur les otages » qui prévoit l'exécution de trois otages pour un communard exécuté. Plusieurs dizaines de personnes sont arrêtées, principalement des gendarmes et des prêtres dont l'archevêque de Paris, Georges Darboy. Dans les faits, ce décret n'est mis en application qu'à la fin mai, pendant la Semaine sanglante, mais il conduit plusieurs membres plus modérés à démissionner du conseil de la Commune. Il produit cependant son effet dans la mesure où les Versaillais suspendent immédiatement les exécutions sommaires[67]. Plusieurs barricades sont également érigées dans Paris, notamment sous les ordres de Napoléon Gaillard qui prend la tête de la Commission des barricades le [68]. Tout au long du mois d'avril, les combats sont sporadiques mais les bombardements s'intensifient notamment en direction du fort d'Issy sur lequel les Versaillais concentrent leurs efforts. La capitale étant solidement protégée par son enceinte, le gouvernement adopte une stratégie prudente et cherche avant tout à empêcher les fédérés d'organiser une nouvelle sortie. Les Allemands étant stationnés au nord et à l'est de la capitale, l'armée régulière se masse au sud et à l'ouest de Paris[69]. Au soir du , le village des Moulineaux est occupé par les lignards de l'armée régulière qui menacent aussi celui d'Issy. Le , les Versaillais prennent la redoute du Moulin de Saquet, puis le village de Clamart le lendemain. Le fort d'Issy tombe le [70]. Le fort de Vanves est neutralisé à son tour et l'artillerie fédérée placée sur les remparts n'est plus d'aucune utilité pour assurer la défense de la capitale, soumise à un bombardement de plus en plus intense de ses quartiers ouest[70]. Semaine sanglanteLa Commune est finalement vaincue durant la Semaine sanglante qui débute avec l'entrée des troupes versaillaises dans Paris le pour s'achever par les derniers combats au cimetière du Père-Lachaise le . Au cours de cette semaine, l'insurrection est écrasée et ses membres exécutés en masse[69]. Le , Jules Ducatel, piqueur des Ponts et Chaussées, monte sur le bastion no 64 pour avertir les Versaillais que la place n'est plus gardée : l'armée régulière pénètre dans Paris par le rempart du Point-du-Jour et la porte de Saint-Cloud sans rencontrer la moindre résistance. Le conseil de la Commune, qui est en train de juger Gustave Cluseret, tarde à réagir et n'envoie aucun renfort malgré la demande formulée par Jarosław Dąbrowski qui envisage une contre-attaque. Dans la soirée, le délégué à la guerre Charles Delescluze fait même afficher une publication affirmant que les Versaillais sont repoussés[69]. Le lendemain matin, les fédérés ripostent mais la lutte n'est pas coordonnée et les membres du conseil se replient dans leur arrondissement pour organiser la défense. Les Versaillais continuent de progresser rapidement[69]. Une nouvelle proclamation rédigée par Delescluze engage le peuple à résister[69] et environ 900 barricades sont dressées dans toute la ville[71], notamment au square Saint-Jacques, dans les rues Auber, de la Chaussée-d'Antin, de Châteaudun, du Faubourg Montmartre, de Notre-Dame de Lorette, des Martyrs, à l'église de la Sainte-Trinité, à La Chapelle, à la Bastille, aux Buttes Chaumont, à Ménilmontant, au Panthéon, au Père-Lachaise ou sur les grands boulevards comme celui de Saint-Michel[69]. Dans la soirée, les Versaillais occupent déjà le quart de la ville et mènent une répression active : 17 gardes nationaux sont fusillés à la caserne Babylone[69], tandis que les premiers incendies se déclenchent[72],[73]. Ces incendies deviennent rapidement l'un des moyens privilégiés par les communards pour retarder la progression de l'armée régulière : le feu est mis à de nombreux monuments comme le palais de la Légion d'honneur, le palais d'Orsay, la Caisse des dépôts ou le palais des Tuileries[73],[71]. Les Versaillais occupent l'Opéra, Montmartre et la Concorde, ils atteignent l'Observatoire et procèdent à des exécutions massives[69]. Le , l'armée régulière progresse difficilement dans le réseau de rues étroites et fortement barricadées du centre de Paris et les combats sont acharnés, en particulier dans le Quartier latin. Les insurgés se replient sur la rue Mouffetard, la rue des Gobelins et la Butte-aux-Cailles, où le général Walery Wroblewski a mis seize pièces d'artillerie en batterie. Au nord, les Versaillais prennent les gares de l'Est et du Nord, la porte Saint-Denis et la porte Saint-Martin[69]. Les incendies de la veille se poursuivent et de nouveaux feux sont allumés au Louvre, dans des maisons rue Saint-Honoré, rue de Rivoli et rue Royale, au Palais-Royal, à l'Hôtel de ville, au Palais de justice, à la Conciergerie, à la Préfecture de police, au théâtre de la Porte-Saint-Martin et au Théâtre-Lyrique[73],[74]. La mairie du 11e arrondissement devient le centre de la résistance et un vaste réseau de barricades est constitué de la caserne du Prince-Eugène aux Magasins réunis[69]. Dans la soirée, l'archevêque de Paris Monseigneur Darboy est exécuté avec cinq autres otages dont Louis-Bernard Bonjean, président de la Cour de cassation. La mort de l'archevêque, qui avait tenté de faciliter l'échange d'Auguste Blanqui contre des prisonniers fédérés, ôte le dernier espoir d'arrêter l'effusion de sang[67]. La Butte-aux-Cailles tombe le tandis que de nouveaux otages sont exécutés[69]. Le lendemain, plus de cent communards sont abattus sur une barricade rue de Charenton, et les défenseurs de la rue Sainte-Marguerite sont tués jusqu'aux derniers. Les insurgés ne tiennent plus qu'un secteur réduit dans l'est de la capitale et les derniers représentants de la Commune se réfugient dans une maison rue Haxo pour débattre de la situation. Malgré l'opposition de certains dirigeants, de nouveaux otages sont exécutés[69],[67]. L'encerclement des derniers fédérés se poursuit le : l'assaut des Buttes-Chaumont est donné en début d'après-midi tandis que le corps de réserve s'empare de la porte de Montreuil et de la porte de Bagnolet, tout en progressant dans le quartier de Charonne où la résistance faiblit. Des dizaines d'insurgés se replient au cimetière du Père-Lachaise, rapidement investi par deux brigades versaillaises[75]. Les insurgés défendent le terrain pied à pied entre les tombes et les derniers combats ont lieu à la baïonnette à la tombée de la nuit. Le lendemain matin, 147 communards sont fusillés au mur des Fédérés puis jetés dans une fosse ouverte près du mur est de l'enceinte[69],[75]. Les derniers combats ont lieu à Belleville le et les dernières barricades sont enlevées comme celle de la place du Prince-Eugène dont la plupart des défenseurs sont fusillés[69]. Dans la soirée, des coups de feu sont encore tirés près de l'hôpital Saint-Louis et seul le fort de Vincennes est encore aux mains des insurgés. Ses occupants acceptent de se constituer prisonniers le lendemain matin : malgré la convention signée par un colonel versaillais, neuf officiers communards sont fusillés[69]. Certains insurgés parviennent à s'enfuir, comme Jules Vallès qui se déguise en infirmier. Ce n'est pas le cas d'Eugène Varlin qui est reconnu et dénoncé par un prêtre rue Lafayette. Immédiatement arrêté, il est conduit à Montmartre, rue des Rosiers, où il est fusillé sur le lieu même de l'exécution des généraux Lecomte et Clément-Thomas le [76]. Pendant toute la semaine du 21 au 28 mai, celle de l'offensive contre la Commune, la Bourse de Paris reste fermée alors qu'elle était jusque-là restée ouverte[77]. Bilan humain et destructionsMassacres versaillaisLa répression contre les communards est impitoyable et féroce[78] : tous les témoins des événements de la Semaine sanglante mentionnent les nombreuses exécutions sommaires commises par les troupes versaillaises et l'historien Jacques Rougerie affirme que celles-ci procèdent « à des massacres systématiques » qui « ne peuvent s'expliquer seulement par l'énervement des troupes, ou la sauvagerie des corps à corps de guerre civile »[79]. Il précise par ailleurs que ces exactions sont d'abord le fait des généraux bonapartistes ou monarchistes comme Ernest Courtot de Cissey, Joseph Vinoy et Félix Douay, ou de leurs subordonnées comme Gaston de Galliffet, alors que les massacres sont presque inexistants lors des opérations menées dans le nord de la capitale par le général républicain Justin Clinchant[80]. Les exécutions commencent dès le , alors que l'armée régulière n'a pas encore rencontré de résistance sérieuse, et les soldats versaillais « ratiss[ent] les quartiers, arrêt[ent] au moindre soupçon, exécut[ent] »[79]. Pour Robert Tombs, les communards sont victimes d'une « purge organisée et calculée »[81] qui ne se limite pas aux seuls combattants : d'après Alain Bauer et Christophe Soullez, des femmes, des enfants, des malades et des vieillards sont assassinés jusque dans les hôpitaux[82]. Le bilan humain de la Commune de Paris fait l'objet de controverses et le nombre exact de morts est largement débattu[83],[84]. Comme l'explique Quentin Deluermoz, « la difficulté du décompte tient à la nécessité de distinguer les morts du premier Siège, ceux du second Siège puis ceux de la reconquête parisienne ; puis, de chercher les morts sur les barricades, les hommes et femmes tués dans les rues, ceux fusillés par les cours martiales, ceux morts des suites de leurs blessures, mais aussi les survivants, les prisonniers, les exilés, les fuyards etc »[83]. Dès 1871, lors de l'audition du maréchal Mac Mahon par la commission d'enquête parlementaire sur l'insurrection du , le nombre de 17 000 morts est avancé[83],[80]. En 1876, dans son Histoire de la Commune, l'ancien communard Prosper-Olivier Lissagaray évoque 20 000 victimes[85], et la fourchette proposée par d'autres auteurs de cette époque reste assez large, les chiffres variant principalement en fonction de l'orientation politique de celui qui les avance : Maxime du Camp, journaliste ouvertement hostile à la Commune et qui s'appuie sur les registres des inhumations effectuées dans les cimetières parisiens, ne dénombre que 6 562 morts, tandis que Camille Pelletan, après examen critique des mêmes sources, évoque 30 000 victimes, en incluant une dizaine de milliers d'inhumations probables en banlieue[83],[80]. Mais selon des historiens comme Jacques Rougerie, Éric Fournier ou Robert Tombs[84],[86],[80], cette dernière estimation est nettement excessive du fait du parti pris par Pelletan qui cherche ainsi à présenter la Semaine sanglante comme plus meurtrière encore que la Terreur de –, une manière de réhabiliter les débuts de la Première République[84]. Dans ses différentes études sur « la guerre contre Paris », Robert Tombs revoit progressivement à la baisse le bilan humain de la Semaine sanglante : après avoir avancé le nombre de « 10 000 à 20 000 morts », puis d'« au moins 12 000 morts »[83], il donne en 2012 une fourchette encore plus basse, allant de 2 000 à 3 000 tués au combat ou exécutés sommairement, 1 200 à 3 000 exécutés après les combats et 1 700 à 2 800 morts des suites de leurs blessures[87]. En s'appuyant sur de nombreuses archives, il arrive finalement à la conclusion que probablement 5 700 à 7 400 personnes ont été tuées lors de la Semaine sanglante[86],[87],[83], dont environ 1 400 fusillées après les combats[88]. Le bilan humain de la Semaine sanglante est progressivement revu à la baisse par ce dernier qui, au fil de son travail sur « la guerre contre Paris », passe de « 10 000 à 20 000 morts » à « au moins 12 000 morts »[83]. En , Robert Tombs donne une fourchette encore plus basse, allant de 2 000 à 3 000 tués au combat ou exécutés sommairement, 1 200 à 3 000 exécutés après les combats et 1 700 à 2 800 morts des suites de leurs blessures[87]. En s'appuyant sur de nombreuses archives, il arrive finalement à la conclusion que probablement 5 700 à 7 400 personnes ont été tuées lors de la Semaine sanglante[86],[87],[83], dont environ 1 400 fusillées après les combats[88]. Quentin Deluermoz estime que cette révision à la baisse « s'inscrit en fait dans une tendance historiographique concernant les grands massacres du XIXe siècle » comme ceux la Terreur, la guerre de Vendée, la bataille de Montréjeau, la Révolution de Juillet et les Journées de Juin[84]. Pour Jacques Rougerie, les estimations de son confrère britannique négligent les inhumations sauvages, c'est pourquoi il conclut qu'un bilan de 10 000 victimes semble le plus plausible, et « reste énorme pour l'époque »[80]. En 2021, l'écrivaine et mathématicienne Michèle Audin conteste elle aussi le bilan de Robert Tombs et estime que le nombre des communards tués se situe probablement entre 15 000 et 20 000[89],[90]. Exécutions des otages par les communardsEn face, l'armée versaillaise dénombre officiellement 873 morts et 6 424 blessés pour l'ensemble des combats livrés contre les communards depuis le début du mois d'avril, un « compte sûrement insuffisant » selon Jacques Rougerie[79]. Dans un article pour la Revue historique des armées, publié en 2005, Michaël Bourlet évoque quant à lui le nombre de 900 morts[58]. Selon Robert Tombs, pour la période spécifique de la Semaine sanglante, le bilan est d'environ quatre cents soldats et officiers tués et trois mille blessés, dont mille sérieusement, soit environ cinq cents morts ou blessés par jour[64]. Par ailleurs, les massacres perpétrés par les Versaillais pendant la Semaine sanglante conduisent les membres de la Commune à mettre en application le décret des otages : d'après Jacques Rougerie, une centaine d'entre eux sont fusillés, tandis que Michel Cordillot avance le nombre de 85 exécutions sommaires[67],[79]. Détenu depuis le , l'archevêque de Paris Georges Darboy est longtemps au cœur de négociations entre versaillais et communards. Ces derniers entendent l'utiliser comme monnaie d'échange pour obtenir la libération d'Auguste Blanqui, une offre rejetée à plusieurs reprises par Adolphe Thiers qui ne veut pas doter la Commune d'un chef militaire populaire et influent[67]. Sur l'ordre de Théophile Ferré, Georges Darboy est finalement exécuté à la prison de la Roquette dans la nuit du 24 au , en compagnie de l'abbé Deguerry, de trois jésuites et du président de la Cour de cassation Louis-Bernard Bonjean[67],[91].
Les exécutions se poursuivent à mesure que les fédérés reculent et de nouveaux otages sont fusillés. Cinq dominicains du couvent d'Arcueil sont exécutés le et, le lendemain, près d'une cinquantaine d'otages sont massacrés rue Haxo, principalement des gendarmes, des prêtres et des religieux. Une quinzaine de personnes sont abattues ailleurs dans Paris, notamment le journaliste Gustave Chaudey, pourtant opposé au gouvernement versaillais mais qui entretient une haine tenace avec le communard Raoul Rigault[67]. L'historien britannique Robert Tombs affirme que les représailles suscitent l'opposition des principaux dirigeants de la Commune : « Les quatre principaux incidents […] eurent lieu soit à l'initiative d'un petit nombre d'individus, en particulier des blanquistes, soit furent la conséquence d'une rage spontanée de fédérés du rang et de passants dans une situation confuse et traumatique »[92]. DestructionsLes nombreuses destructions dans Paris sont imputables à la fois à l'âpreté des combats et, principalement les 23 et 24 mai, aux incendies déclenchés par des commandos communards, visant des bâtiments symboliques de l'État, avec aussi pour but de ralentir la progression de l'Armée des Versaillais[93]. La colonne de la place Vendôme, surmontée par la statue de l'empereur Napoléon Ier, est quant à elle abattue et démolie dès le 16 mai. Les destructions et incendies d'immeubles civils (rues Royale, de Lille, de Rivoli, boulevard Voltaire, place de la Bastille, etc.), sont liés aux combats de rue, aux tirs d'artillerie, autant fédérés que versaillais. Certains incendies d'immeubles auraient aussi été provoqués pour des raisons tactiques, pour contrer l'avancée versaillaise[94]. De grands édifices sont détruits par des incendies :
Le ministère des Finances[98] est également détruit par un incendie le 22 mai, selon un ordre donné à un certain Lucas par un document ministériel signé de Théophile Ferré[95], dont il contestera être l'auteur. Des sources de l'époque proches des communards avancent que l'incendie fut déclenché par des obus de l'artillerie de l'armée régulière, qui aurait visé la barricade fédérée à l'angle de la rue Saint-Florentin[99] : « Bon nombre d'obus, en éclatant, avait mis le feu de divers côtés : c'est ainsi, quoiqu'on en ait dit que le ministère des Finances, incendié de cette façon, brûlait lentement derrière nous, depuis le lundi de grand matin »[100].
L'hôtel de ville est incendié le 24 mai 1871 par deux inconnus munis d'un arrosoir de pétrole, quelques heures après son abandon par les communards qui n'avaient pourtant pas donné un tel ordre[Note 1]. L'un d'eux est habillé en zouave, selon le témoignage de Monsieur Bonvalet, ancien maire du 3e arrondissement, qui fut l'un des derniers à quitter les lieux[95]. La bibliothèque de l'hôtel de ville et la totalité des archives de Paris furent ainsi anéanties, ainsi que tout l'état civil parisien à partir de 1515 (un exemplaire existait à l'hôtel de ville, l'autre au palais de justice depuis 1668 ; ils furent tous deux la proie des flammes). Seul un tiers des huit millions d'actes détruits a pu être reconstitué. Les archives judiciaires du département de la Seine détruites furent essentiellement celles du conseil de préfecture, ancêtre du tribunal administratif, conservées à l'hôtel de ville, et du tribunal correctionnel, conservées au palais de justice, pour la période 1800-1871[101]. Une grande partie des archives de la police fut également détruite dans l'incendie du palais de justice. Certains bureaux de la Préfecture de police étaient alors intégrés aux bâtiments du palais ; la Conciergerie est également touchée[96]. Les archives comptables disparaissent également dans l'incendie du palais d'Orsay[97]. D'autres richesses culturelles connurent le même sort, à l'exemple, rue de Lille, de la maison de Prosper Mérimée, qui brûla avec tous ses livres, souvenirs, correspondances et manuscrits et de celle du sculpteur Jacques-Édouard Gatteaux avec la plus grande partie de ses collections, ou celle de Jules Michelet, rue d'Assas. Le musée de la manufacture des Gobelins est touché par l'incendie avec environ 80 tapisseries, dont la moitié antérieure au XIXe siècle et surtout l'exemplaire de François Ier de la série des Actes des Apôtres de Raphaël[102], tout comme l'église Saint-Eustache, l’église Notre Dame de Bercy, la caserne de Reuilly, les Magasins-Réunis place de la République, le Grenier d'abondance sur le bassin de l'Arsenal incendié par un certain Ulric[95]Interprétation abusive ?, le théâtre du Châtelet, celui de la Porte-Saint-Martin, incendié par un certain Brunel[95]Interprétation abusive ?, le théâtre du Bataclan et celui des Délassements-Comiques ; tandis que le Théâtre lyrique est fortement touché. La chronologie de ces destructions suit très précisément la reconquête de Paris par les troupes versaillaises : le 22 mai, le ministère des Finances ; dans la nuit du 23 au 24, les Tuileries, le palais d'Orsay et l'hôtel de Salm (actuel Palais de la Légion d'honneur) ; le 24, le Palais-Royal, le Louvre, l'hôtel de ville et le palais de justice ; le 25, les greniers d'abondance ; le 26, les docks de la Villette et la colonne de la Bastille ; le 27, Belleville et le Père-Lachaise[96]. L'incendie de l'Hôtel-Dieu et de Notre-Dame, envisagé, semble avoir été évité. Le gouvernement publie a posteriori une liste de plus de deux cents édifices touchés par les flammes[96]. Les Archives nationales furent sauvées par l'initiative du communard Louis-Guillaume Debock, lieutenant de la Garde nationale parisienne et directeur de l'Imprimerie nationale sous la Commune, qui s'opposa in extremis à l'incendie ordonné par d'autres communards. Le palais du Louvre et ses collections échappèrent le 24 mai à la destruction grâce à l'action de Martian de Bernardy de Sigoyer, commandant le 26e bataillon de chasseurs à pied (appartenant aux forces versaillaises), qui fit intervenir ses soldats pour empêcher que le feu ne se propage du palais des Tuileries au musée, comme en témoigne une plaque apposée dans le pavillon Denon. Il trouve la mort en poursuivant les combats à la tête de son bataillon. Son corps est retrouvé percé de balles le 26 mai au matin, entre le boulevard Beaumarchais et la rue Jean-Beausire[réf. à confirmer][103]. Après la CommuneRépression judiciaireRecherche et arrestation des fuyardsDès le , Adolphe Thiers prévient qu'il entend punir sévèrement les meneurs de la Commune (« l'expiation sera complète ») et de fait, à l'issue des combats, la répression versaillaise est impitoyable[104],[78]. La police est étroitement associée à l'armée pour empêcher les communards de s'enfuir et la recherche des suspects s'intensifie par le biais de perquisitions et de fouilles dans les gares ou aux portes de Paris. Les autorités gouvernementales tentent également d'intercepter les communards à la frontière en renforçant la surveillance des ports, en particulier ceux qui possèdent une liaison régulière avec le Royaume-Uni[105]. Toutefois, la collaboration des différents services de police n'est pas efficace, ce qui permet à certains proscrits d'éviter l'arrestation, à l'image du journaliste Eugène Vermersch qui se cache à Paris chez un cafetier quand la police le croit à Versailles, et d'autre part, la destruction de la plupart des fichiers individuels dans l'incendie de l'Hôtel de ville rend difficile l'identification des individus, ce qui conduit parfois à des erreurs tragiques. Comme le rapporte Prosper-Olivier Lissagaray, de nombreux parisiens sont ainsi exécutés sommairement pour simple fait de ressemblance avec un communard connu[105]. De nombreux insurgés parviennent ainsi à fuir la répression versaillaise en prenant le chemin de l'exil, leur nombre étant estimé entre 5 000 et 6 000 individus. Le choix de la destination se fait en fonction de la proximité géographique, des politiques d'accueil et des traditions d'asile, des réseaux militants ou encore de la question de la langue. Ainsi, près de 3 000 communards trouvent refuge en Grande-Bretagne, 1 500 en Belgique et environ 1 000 en Suisse. D'autres s'installent en Espagne, en Italie, en Hongrie, aux États-Unis voire en Russie. Si certains communards connaissent une vraie réussite en bénéficiant à l'étranger de la recherche du savoir-faire des ouvriers qualifiés parisiens, la plupart se retrouvent dans un état de précarité et de dénuement avancé[106]. ProcèsLa loi du porte à 15 le nombre de conseils de guerre chargés de juger les prisonniers de la Commune pour la division militaire de Paris[107], alors qu'ils sont limités à un ou deux pour les autres divisions militaires. Outre ces conseils de guerre, une commission des grâces est instituée par la loi du afin de statuer sur le sort des condamnés pour faits relatifs à l'insurrection du 18 mars 1871[108]. Composée de quinze membres, pour la plupart royalistes, et présidée par Louis Martel, député du Pas-de-Calais, elle se réunit pour la première fois le 16 octobre à Versailles[109],[110]. Les lois d'amnistie interviennent en 1880. Longtemps encore après les événements, la gauche reste hostile au général Gaston de Galliffet, surnommé pour son zèle répressif « le boucher de la Commune ». Bien qu'il fût légitimiste, Albert de Mun s'élève contre la violence de la répression. Le , la loi Dufaure interdit l'affiliation à l'Association internationale des travailleurs[111]. Le 22 mars est votée une loi sur le transport en Nouvelle-Calédonie des communards condamnés aux travaux forcés ou à la déportation, complétée par les décrets du , du et du [112]. Cette loi fixe plus précisément le lieu de déportation : la presqu'île Ducos est destinée à la déportation en enceinte fortifiée, l'île des Pins à la déportation simple et le bagne de l'île de Nou aux condamnés aux travaux forcés[113], lieux tous situés en Nouvelle-Calédonie. Le premier convoi, parti à bord de la frégate La Danaé de Brest le , arrive à Nouméa le 29 septembre[112]. Vingt convois se succèdent de 1872 à 1878, transportant un peu plus de 3 800 personnes, dans des conditions très pénibles. Les prisonniers sont enfermés dans de grandes cages dont ils ne sortent qu'une trentaine de minutes pour prendre l'air sur le pont avec des rations alimentaires faibles et de mauvaise qualité et des punitions fréquentes. En tenant compte des décès, évasions, disparitions, grâces, commutations et rapatriements, sans compter les forçats de l'île de Nou, il y aurait 3 350 à 3 630 déportés en Nouvelle-Calédonie le , après les premiers décrets de grâce d'octobre 1876[113]. Dans les premiers jours de juin, la justice « régulière » remplace les massacres et les exécutions sommaires de communards avec la mise en place de conseils de guerre, qui siègent pendant quatre années consécutives[114]. L'ampleur de la répression judiciaire conduit à la création de 22 conseils en plus des 4 préexistants[104]. Dans son rapport remis à l'Assemblée nationale le , le général Appert dénombre 46 835 individus jugés, sur lesquels il y a 23 727 non-lieux, 10 137 condamnations prononcées contradictoirement, 3 313 condamnations prononcées par contumace, 2 445 acquittements et 7 213 refus d'informer[104],[115]. Ce rapport ne tient toutefois pas compte des condamnations prononcées en province[113]. Sur les 10 137 condamnations prononcées contradictoirement, on en compte 95 à la peine de mort mais seuls 23 individus sont exécutés, parmi lesquels Théophile Ferré et Louis Rossel, fusillés à Satory le [113]. 251 personnes sont condamnées aux travaux forcés, 4 586 à la déportation, dont 1 169 en enceinte fortifiée et 3 417 à la déportation simple, 1 247 à la réclusion perpétuelle et 3 359 à des peines de prison variables. 332 individus sont condamnés au bannissement et 155 à des peines mineures telles que la surveillance de haute police ou une amende. Par ailleurs, 55 enfants de moins de 16 ans sont envoyés en maison de correction[104],[113]. En ce qui concerne les condamnations par contumace, 175 communards sont condamnés à mort, 159 aux travaux forcés, 2 910 à la déportation et 46 à la prison[104]. La majorité des dirigeants de la Commune échappent à la mort au combat, aux exécutions sommaires et à la répression judiciaire. Sur neuf membres du Comité de Salut public, un, Delescluze, est tué sur une barricade, un autre, Billioray, est fait prisonnier, les autres parviennent à fuir Paris et à s’exiler à l’étranger. Les arrêtés se répartissent ainsi : 75 % d'« ouvriers » (ouvriers salariés et petits patrons artisans), 8 % d'employés, 7 % de domestiques, 10 % de petits commerçants, de professions libérales, voire des petits propriétaires-rentiers. Cette répression a l'appui des grands élus républicains de l'Assemblée nationale, qui pour préserver la République, encore fragile, donnent leur accord à Thiers, craignant la surenchère des communards. Tel est notamment le cas de Léon Gambetta, Jules Ferry, Jules Grévy qui évoque « un gouvernement factieux », Jules Favre « une poignée de scélérats ». Les députés parisiens condamnent en majorité les communards. On estime par ailleurs, sans qu'il soit possible d'avoir un chiffre exact, qu'environ 5 000 à 6 000 communards se sont exilés, principalement en Grande-Bretagne, en Suisse, en Belgique ou aux États-Unis[116]. L'historien François Furet note que le socialisme français pâtit « de l'exil du mouvement ouvrier », et écrit que « ces morts, ont une nouvelle fois et plus profondément encore qu'en juin 1848, creusé le fossé qui sépare la gauche ouvrière et le républicanisme bourgeois ». Pour Le Figaro, « Jamais, pareille occasion ne s'est offerte pour guérir Paris de la gangrène morale qui le ronge depuis vingt ans. L'historien Alistair Horne note que la répression eut un impact terrible sur la classe ouvrière parisienne : « L'aspect de Paris changea de façon curieuse pendant quelques années. La moitié des peintres en bâtiment, la moitié des plombiers, des couvreurs, des cordonniers et des zingueurs avaient disparu » »[réf. nécessaire]. Amnistie et réhabilitationLa question de l'amnistie des communards est évoquée dès les premiers mois qui suivent l'événement. Ses partisans la réclament dans un vœu de réconciliation nationale et au nom de l'humanité, des excès de la répression ou encore du patriotisme des Parisiens pendant le siège prussien, tandis que leurs adversaires la refusent au nom de la menace politique et sociale qu'aurait fait courir l'insurrection et parce que la répression a été menée en vertu du droit[117]. Deux propositions de loi sont déposées à la fin de l'année 1871 par les députés Henri Brisson et Edmond de Pressensé. Bien que les deux hommes ne soutiennent pas le mouvement communaliste, il s'agit pour eux de faire preuve de clémence à l'égard d'une population « égarée par les souffrances du siège »[118]. Toutefois, jusqu'en 1875, la Chambre à majorité monarchiste refuse d'étudier la question dans la mesure où de nombreux députés conservateurs considèrent l'insurrection comme « un dérèglement social et moral ». En 1873, l'élection du radical Désiré Barodet face au conservateur Charles de Rémusat fait de l'amnistie un thème électoral, et plusieurs figures républicaines comme Victor Hugo ou Georges Clemenceau usent de leur poids pour faire avancer la cause[118],[117]. Ce n'est qu'après la conquête totale du pouvoir par les républicains[Note 2] qu'une loi d'amnistie partielle est votée le . Soutenue par 345 voix contre 104, elle instaure le principe de la « grâce amnistiante », un « monstre juridique » qui « entraîne de très nombreuses exceptions » selon l'historienne Anne Simonin[119], mais elle permet toutefois à nombreux déportés ou exilés de rentrer en France[120],[118]. Elle est complétée l'année suivante, avec l'appui tardif de Léon Gambetta, par la loi du , votée quelques jours avant que soit commémorée la première fête nationale[117]. Le , à l'initiative des députés socialistes, l'Assemblée nationale adopte une résolution qui proclame la réhabilitation de toutes les victimes de la répression de la Commune de Paris, ce que la majorité présidentielle d'alors considère comme un devoir de mémoire autant qu'un devoir de justice. Cette décision est cependant critiquée par les forces de droite qui dénoncent « une instrumentalisation abusive et excessive » de l'événement à des fins électorales[121],[122]. La Commune de Paris et la provinceAussitôt après leur accession au pouvoir, les dirigeants de la Commune comprennent qu'ils ne pourront sortir victorieux de leur affrontement avec le gouvernement versaillais sans le soutien de la province. Ainsi, des émissaires sont envoyés à travers le pays dans les premiers jours qui suivent le soulèvement du et la Déclaration au peuple français du affirme que « c'est à la France de désarmer Versailles par la manifestation de son irrésistible volonté »[123]. Quelques jours plus tôt, le , André Léo et Benoît Malon lancent un « Appel aux travailleurs des campagnes » dans lequel ils prétendent que les intérêts des paysans sont les mêmes que ceux des ouvriers parisiens, les invitant ainsi à les rejoindre dans une guerre « à l'usure, au mensonge et à la paresse ». Ainsi les fédérés parisiens multiplient les initiatives pour rallier la province à la cause de la Commune, de la création d'une commission des Relations extérieures le à celle de l'Alliance républicaine des départements le , mais leur impact est limité[123]. Toutefois, l'élan républicain des dernières années du Second Empire n'est pas spécifiquement parisien et conduit à la formation de plusieurs communes insurrectionnelles en province, mais ces mouvements locaux sont eux aussi éphémères et, selon Michel Cordillot, ils s'effectuent « avec une chronologie et des modalités presque toujours différentes des événements parisiens et en fonction de spécificités locales qui doivent être examinées au cas par cas ». Le tissu économique local, les traditions politiques, la présence de personnalités ou d'organisation susceptibles de dynamiser et d'encadrer l'insurrection sont autant de facteurs déterminant les différents soulèvements[124]. Bien avant la capitale, la première Commune est celle de Lyon, où la République est proclamée en avance sur Paris le au matin. Elle dure jusqu'en janvier de l'année suivante, avant de reprendre de mars à avril[125]. Dans le contexte de l'invasion prussienne, l'effervescence populaire produit de nombreuses émeutes et fait naître le la Ligue du Midi pour la Défense nationale de la République, qui reçoit l'adhésion de plusieurs grandes villes du quart sud-est du pays comme Marseille, Lyon, Montpellier ou Grenoble et se voit imitée début octobre par la Ligue du Sud-Ouest à Toulouse et la Ligue de l'Est à Besançon[124]. Le soulèvement parisien du donne lieu à un nouvel épisode d'émeutes urbaines parfois attisées par les émissaires parisiens. Comme en septembre, Lyon est la première ville de province à se soulever : la mairie est envahie le et une Commune est installée le lendemain, avant d'être rapidement évincée par le conseil municipal qui bénéficie de l'appui de la majorité des commandants de bataillon de la Garde nationale. Dans les semaines qui suivent, des mouvements plus ou moins structurés apparaissent à Marseille, Narbonne, Saint-Étienne, Le Creusot, Toulouse, Perpignan, Grenoble, Limoges, Auxerre, Bordeaux, Nîmes ou encore Besançon[124]. Le , le gouvernement d'Adolphe Thiers fait voter une loi très restrictive et qui prévoit notamment que seules les communes de moins de 20 000 habitants pourront avoir un maire élu, de sorte que les revendications parisiennes apparaissent encore plus légitimes aux yeux des habitants des grandes villes du pays. Pourtant, la majorité des républicains provinciaux ne soutiennent pas la Commune parisienne : d'une part, ils lui reprochent d'être sortie du cadre de la légalité et s'interrogent sur la réalité de son soutien populaire ; d'autre part, ils craignent qu'elle cherche à imposer ses vues à l'ensemble du pays. La volonté de défendre une République démocratique l'emporte ainsi sur les questions sociales et les républicains provinciaux se contentent de proposer une médiation entre Paris et Versailles, en vain[124]. Construction de la basilique du Sacré-Cœur sur la colline de MontmartreC’est d’abord en réparation de la défaite de 1870 qu’est souhaitée la construction de la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre. Dans une lettre adressée aux curés de son diocèse le 4 septembre 1870, jour de la proclamation de la troisième république, l'évêque de Nantes, Félix Fournier, attribue la défaite de la France à une punition divine après un siècle de déchéance morale depuis la Révolution de 1789[126]. Cette lettre a pu inspirer un vœu prononcé en décembre de la même année par le philanthrope Alexandre Legentil devant son confesseur le père Gustave Argand, dans la chapelle du collège Saint-Joseph de Poitiers dont ce dernier était le recteur[127], et rédigé en janvier 1871. A posteriori, la loi du 24 juillet 1873 invente une autre justification : « expier les crimes des fédérés »[128],[129],[130]. Sa construction débuta en 1875. Le choix d'ériger la basilique sur la colline de Montmartre était hautement symbolique pour la droite victorieuse : c'est là que débuta l'insurrection le 18 mars lorsque les troupes d'Adolphe Thiers tentèrent d'enlever à Paris les canons qui y étaient entreposés et que les Parisiens considéraient comme leur propriété puisqu'ils les avaient eux-mêmes payés par souscription. Après la cérémonie de pose de la première pierre, Hubert Rohault de Fleury fit explicitement le lien : « Oui, c'est là où la Commune a commencé, là où ont été assassinés les généraux Clément Thomas et Lecomte, que s'élèvera l'église du Sacré-Cœur ! Malgré nous, cette pensée ne pouvait nous quitter pendant la cérémonie dont on vient de lire les détails. Nous nous rappelions cette butte garnie de canons, sillonnée par des énergumènes avinés, habitée par une population qui paraissait hostile à toute idée religieuse et que la haine de l'Église semblait surtout animer ». Un précédent lieu de culte, l'église Saint-Marcel de la Maison-Blanche, fut d'ailleurs construit dans des circonstances semblables : surnommée la « chapelle Bréa », du nom du général Jean Baptiste Fidèle Bréa, abattu lors des Journées de Juin. On ne trouve pas de mention de cette motivation dans le texte de loi voté par l'Assemblée nationale, mais déjà à l'époque elle était dénoncée par l'opposition de gauche. Par ailleurs de nombreuses villes françaises ont donné le nom d'Adolphe Thiers à une voie publique, voyant en lui le fondateur de la Troisième République plutôt que le responsable de la répression de la Commune. Place dans l'histoireLa Commune a souvent depuis été revendiquée comme modèle — mais avec des points de vue différents — par la gauche marxiste, l'extrême gauche et les anarchistes ; elle a inspiré de nombreux mouvements, qui y ont cherché des leçons leur permettant d'entreprendre d'autres révolutions : la révolution russe et les conseils (soviets), la révolution espagnole et les collectivités, etc. Depuis 1882, une association, fondée au départ comme une société d'entraide des communards de retour d'exil, puis devenue Les Amies et Amis de la Commune de Paris 1871, défend ce qu’elle considère comme les valeurs et l'œuvre de la Commune[131]. HistoriographieLa Commune de Paris est l'objet de nombreuses études plus ou moins historique et la bibliographie critique réunie en 2006 par Robert Le Quillec compte près de 5 000 entrées[132],[133]. Quentin Deluermoz observe que dès 1871, la Commune devient un « objet d'histoire » car, parmi les nombreux témoignages et ouvrages pamphlétaires qui paraissent dans les mois qui suivent l'événement, elle fait « l'objet de recueils de documents et travaux historiques, caractéristiques de cette période de refondation académique du savoir historique ». Bien que l'objectivité de certains auteurs puisse être mise en question, ils s'efforcent d'établir les faits en s'appuyant sur en s'appuyant sur l'analyse des journaux, des documents officiels ou des procès des communards. Ainsi, dans Les Convulsions de Paris, Maxime Du Camp porte un regard critique sur l'action des fédérés mais s'attache à mener un travail « impartial ». À l'opposé, l'ancien communard Prosper-Olivier Lissagaray défend l'idéal et l'héroïsme des insurgés dans son Histoire de la Commune de 1871 tout en décrivant les acteurs et le déroulement des faits de manière argumentée[133]. Dans les dernières années du XIXe siècle et durant l'entre-deux-guerres, la Commune devient « un objet privilégié » l'histoire socialiste puis marxiste[133],[134]. Lecture de Karl MarxKarl Marx évolue dans son appréciation de l'expérience de la Commune, qu'il a suivie avec attention, étant notamment informé depuis Paris même par Auguste Serraillier et Élisabeth Dmitrieff. Le 9 septembre 1870, il met en garde contre la « folie désespérée » que représenterait « toute tentative de renverser le nouveau gouvernement quand l'ennemi frappe presqu'aux portes de Paris », et appelle les ouvriers français à « [profiter] de la liberté républicaine pour procéder méthodiquement à leur propre organisation de classe ». Il se montre cependant admiratif à l'égard de la résistance des Parisiens pendant le siège, qu'il perçoit comme un combat non seulement pour l'« indépendance nationale », « mais aussi pour la liberté de l'Allemagne et de l'Europe ». Après l'insurrection du 18 mars, qu'il n'a pas anticipée, il tente de faire passer aux Parisiens le conseil de marcher sur Versailles sans tarder et bascule dans le pessimisme devant l'immobilisme communard à ce sujet. Il devient brièvement optimiste par la suite et salue la suppression de l'armée et de la police, la démocratisation et la séparation des Églises et de l'État. Le 30 mai, il achève la rédaction de La Guerre civile en France dans laquelle il analyse ainsi l'expérience : « C'était essentiellement un gouvernement de la classe ouvrière, le résultat de la lutte de la classe des producteurs contre la classe des appropriateurs, la forme politique enfin retrouvée, qui permettait de réaliser l'émancipation économique du Travail ». En 1881, il écrit : « Outre qu'elle fut simplement la rébellion d'une ville dans des circonstances exceptionnelles, la majorité de la Commune n'était nullement socialiste et ne pouvait pas l'être. Avec un tout petit peu de bon sens, elle eût pu cependant obtenir de Versailles un compromis favorable à toute la masse du peuple, ce qui était la seule chose possible alors. À elle seule, la réquisition de la Banque de France eût mis un terme décisif aux fanfaronnades versaillaises »[135]. Karl Marx se veut également critique sur la compétence des dirigeants de la Commune[136]. Karl Marx juge néanmoins que la Commune fut l'une des expériences les plus démocratiques depuis l'aube de la société de classes : « Au lieu de décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante devait "représenter" et fouler aux pieds le peuple au Parlement, le suffrage universel devait servir au peuple constitué en communes […] Son véritable secret, le voici : c'était essentiellement un gouvernement de la classe ouvrière, le résultat de la lutte des producteurs contre la classe des appropriateurs, la forme politique enfin trouvée qui permettait de réaliser l’émancipation économique du travail »[réf. nécessaire], Karl Marx est par ailleurs surpris voire admiratif du pacifisme qu'ont exercé les communards : « Du 18 mars à l'entrée des troupes de Versailles à Paris, la révolution prolétarienne resta si exempte des actes de violence qui abondent dans les révolutions, [...] que ses adversaires ne trouvent pas matière à exhaler leur indignation, si ce n'est l'exécution des généraux Lecomte et Clément Thomas, et l'affaire de la place Vendôme. [Mais] Le Comité central et les travailleurs de Paris [ne furent pas] responsables de l'exécution de Clément Thomas et de Lecomte [et] le prétendu massacre de citoyens sans armes place Vendôme est un mythe dont [les politiciens] n'ont absolument pas voulu dire un mot à l'Assemblée, s'en remettant exclusivement pour le diffuser [aux journaux européens]. [La panique des bourgeois] fut leur seul punition. Même les sergents de ville, au lieu d'être désarmés et mis sous les verrous comme on aurait dû le faire, trouvèrent les portes de Paris grandes ouvertes pour aller se mettre en sûreté à Versailles [...], même [les espions de Versailles] pris dans Paris, [...] même les sergents de ville pris avec des bombes incendiaires sur eux, étaient épargnés »[137]. Révolutions russe et chinoiseL'écho de la Commune dans la Russie tsariste, avec une population largement analphabète, met du temps à se déployer. Néanmoins, dès 1872, la littérature anti-communarde commence à être traduite en russe, avec la traduction de l'ouvrage Le Livre noir de la Commune de Paris : L'Internationale dévoilée. La référence à l'insurrection parisienne se développe avec la révolution de 1905, le groupe anarchiste Les Communards (Kommounary) appelant à transformer Białystok selon cette perspective et le journal Kommouna, organe d'une aile radicale des socialistes-révolutionnaires, appelant à la commune dans toutes les villes. Les analyses des révolutionnaires occidentaux sont alors traduites et imprègnent la culture politique des militants russes[138]. Dans L’État et la Révolution, Lénine consacre la Commune de Paris pour son caractère prophétique et sa valeur exemplaire[139]. Il transmet le mythe communard aux premiers communistes chinois dans les années 1920[139]. L'arrivée au pouvoir des bolcheviks entérine le terme de kommouna dans l'imaginaire, à la fois compris comme gouvernement ouvrier et communauté d'égaux. Parmi les 32 exploitations collectives en activité dans un district rural au sud de Kharkov dans les années 1919-1920, deux d'entre elles sont dénommées « Commune de Paris ». Le discours sur cet évènement devient plus homogène au fil du temps, les maisons d'édition officielles et les traductions d'auteurs occidentaux éclipsant les points de vue libertaires. Léon Trotski y consacre un chapitre de Terrorisme et communisme en 1920 et expose Les Leçons de la Commune en 1921 dans lesquelles il explique que l'indécision des masses parisiennes dans la conduite du mouvement s'explique par l'absence d'un parti. La Commune devient peu à peu un motif de la culture soviétique. Elle est alors représentée au théâtre, au cinéma (par exemple dans Les Aubes de Paris de Grigori Rochal) et dans les arts plastiques, mais son évocation se vide peu à peu de sa signification et de sa portée émancipatrice[138]. Les premiers communistes chinois célèbrent comme une fête traditionnelle l’anniversaire de l’insurrection parisienne[139]. Mao Zedong mobilise la référence à la Commune de Paris à partir du Grand Bond en avant, et en particulier au lancement de la révolution culturelle : il présente le premier dazibao de l'événement — dans lequel Nie Yuanzi, professeure de philosophie à l'université de Pékin, attaque le recteur dont elle dépend — comme « la proclamation de la Commune de Pékin des années soixante du 20e siècle, en Chine » dont la « portée dépasse celle de la Commune de Paris »[139],[140]. La sinologue Marie-Claire Bergère relève qu'à l'occasion de la révolution culturelle, Mao utilise « l’appel des communards parisiens à la destruction de l’État pour déclencher son offensive contre les organes du gouvernement et du Parti communiste chinois »[139]. La Résolution en 16 articles du 8 août 1966, qui fixe le cadre de la révolution culturelle en Chine, déclare qu'« il est nécessaire d’appliquer un système d’élection générale semblable à celui de la Commune de Paris », ce qui restera sans effet[139]. Dans leur proclamation du 5 février 1967, les ouvriers « rebelles révolutionnaires » qui proclament la Commune populaire de Shanghai, emmenés par Zhang Chunqiao, évoquent « la nouvelle Commune de Paris des années 1960 » et reprennent les principes de la Commune de Paris en précisant qu’ils peuvent être destitués à tout instant[139],[141]. Très rapidement, Mao rejette, dans sa pratique, l'idéal d'autonomie locale associé à la Commune de Paris[139]. Il fait rebaptiser la Commune populaire de Shanghai, qui aura duré vingt jours, en « Comité révolutionnaire de la ville de Shanghai »[139],[141]. L'historien Alain Roux, spécialiste du mouvement ouvrier à Shanghai au XXe siècle, indique : « Il n’y a pas en Chine d'étude concrète de ce que fut la Commune de Paris. Rien sur sa dimension de pouvoir nouveau avec le rôle d’une assemblée générale élisant des délégués révocables, de la démocratie directe, au moins au départ. Tout cela, en Chine, on n’y pense pas. L’influence de la Commune est plus sémantique. C’est un thème : le drapeau rouge. Un mot d’ordre : le pouvoir prolétarien, la destruction par la force du pouvoir bourgeois capitaliste »[139]. Au XXIe siècle, sous Xi Jinping qui cherche à faire de la Chine un modèle pour elle-même et abandonne les références historiques à l'Occident, les revues du Parti communiste chinois citent la Commune de Paris comme un exemple raté de mouvement révolutionnaire ouvrier[139]. Historiographie contemporainePour l’historien François Furet, « aucun événement de notre histoire moderne, et peut-être de notre histoire tout court, n’a été l’objet d’un pareil surinvestissement d’intérêt, par rapport à sa brièveté. Il dure quelques mois, de mars à mai 1871, et ne pèse pas lourd sur les événements qui vont suivre, puisqu’il se solde par la défaite et la répression. […] Le souvenir de la Commune a eu la chance de se trouver transfiguré par un grand événement postérieur : la révolution russe de 1917 l’a intégré à sa généalogie, par l’intermédiaire du livre que Marx avait consacré à l’événement dès 1871[142]. Pourtant, la Commune doit beaucoup plus aux circonstances de l’hiver 1871 et au terreau politique français qu’au socialisme marxiste, auquel elle ne tient par rien »[143]. Pour les historiens François Broche et Sylvain Pivot, « la Commune, dépourvue d'idées neuves, de valeurs fondatrices et de dirigeants d'envergure, ne fut jamais en mesure de précipiter l'enfantement d'un monde nouveau »[144]. L’historien Alain Gouttman écrit dans La Grande Défaite (2015) : « Devant l'histoire, les communards se sont montrés le plus souvent médiocres, à quelque poste qu'ils se soient trouvés entre le 18 mars et le 26 mai 1871. Ils n'en incarnent pas moins, dans la mémoire collective, une grande cause, la plus grande de toutes peut-être : celle d'une société jaillie du plus profond d'eux-mêmes, où la justice, l'égalité, la liberté n'auraient plus été des mots vides de sens. Une utopie ? En tout cas, une grande espérance qui les dépassait de beaucoup, et dont ils furent à la fois acteurs et martyrs ». La plus récente synthèse, de l'historien Jean-Louis Robert, propose de dépasser l'opposition entre les principales interprétations de la Commune : prémices de la révolution ouvrière et de la dictature du prolétariat, remise en cause libertaire de l’État et des dominations, insurrection d’abord républicaine et patriote, mouvement de circonstance loin de tout mouvement long, rebond des insurrections populaires qui accompagnent l’histoire de France... Plaques et monuments commémoratifsUne plaque commémorative des derniers combats se trouve rue de la Fontaine-au-Roi, dans le 11e arrondissement de Paris.
Un bas-relief et une autre plaque commémorative des derniers combats de la Commune, se trouvent également à la jonction des rues de la Ferme-de-Savy et Jouye-Rouve, dans une entrée du parc de Belleville.
ChronologieDans les arts et la cultureIconographiePeintureDes peintres, présents au moment des faits, vont être directement témoins, voir acteurs, de l'insurrection parisienne. Certains vont choisir de la représenter a posteriori. Ainsi Édouard Manet, retiré à Bordeaux et qui rentre début juin[145] dans la capitale ; traumatisé, il produit deux lithographies. Sur place, très actif, Gustave Courbet lance un appel à la création de la Fédération des artistes de Paris qui regroupe 290 personnes le 15 avril 1871[146] ; s'il en préside le comité[147], ce n'est qu'une fois arrêté et emprisonné, depuis sa cellule, qu'il remplit un carnet de croquis représentant les familles d'insurgés parquées, et dont il est le témoin direct[148].
PhotographiePlusieurs photographes documentent la Commune de Paris, dont Bruno Braquehais dans sa série de La Chute de la colonne Vendôme. Le camp versaillais est soutenu par les photomontages engagés de Jules Raudnitz — Le Sabbat rouge — et d'Eugène Appert, les Crimes de la Commune.
GravureDes milliers de caricatures (pour la plupart des lithographies) dépeignant les personnalités politiques de l'époque et le comportement des Parisiens assiégés sont produites à Paris pendant la guerre franco-prussienne puis sous la Commune, souvent par le biais des journaux et magazines satiriques illustrés. D'importantes collections sont conservées au musée d'art et d'histoire Paul Éluard (Saint-Denis), au musée Carnavalet à Paris (fonds Maurice Quentin-Bauchart), à la British Library[149] et au Victoria & Albert Museum (Londres), ou encore aux bibliothèques universitaires de Cambridge[150] et d'Heidelberg. À l'automne 1871, Alfred Cadart publie l'album Paris et ses avant-postes pendant le siège (1870-1871), douze eaux-fortes signées Léopold Desbrosses[151]. En 2022, les Cahiers Tristan Corbière n° 4 (éditions Classiques Garnier) publient 24 caricatures de communards et du « parti de l'ordre » réalisées par le poète breton Tristan Corbière[152]. Ces dessins, que l'on croyait perdus, ont été retrouvés à la bibliothèque de Bologne. Benoît Houzé retrace dans ces cahiers leur histoire et analyse leur contenu. SculptureSculpture monumentaleUn monument aux victimes de la Commune a été érigé au cimetière du Père-Lachaise, dans la 72e division. Art urbain
LittératureBande dessinée
RomanL'historienne Laure Godineau indique qu'« un mur s'est dressé entre les communards et le milieu littéraire » et que « la liste des détracteurs est longue », citant George Sand, Gustave Flaubert, Maxime Du Camp (Les Convulsions de Paris, 1878), Théophile Gautier (Tableaux de siège, 1871), Leconte de Lisle, Ernest Renan, Edmond de Goncourt, Champfleury, Edmond About, Alphonse Daudet (Souvenirs d'un homme de lettres, 1886), Louis Veuillot, Francisque Sarcey, Alexandre Dumas fils, Paul de Saint-Victor, Jules Barbey d'Aurevilly, Hippolyte Taine, Émile Littré, Paul Bourge ou encore Eugène-Melchior de Vogüé[116]. A contrario et hormis Jules Vallès, grand défenseur de la Commune à laquelle il a lui-même participé, notamment à travers son roman L'Insurgé,et aussi l'Histoire de la Commune de 1871 par P-O Lissagaray, Arthur Rimbaud a « pleinement sympathisé avec les insurgés ; il consacra à la Commune et à la répression au moins deux poèmes : L'Orgie parisienne ou Paris se repeuple et Les Mains de Jeanne-Marie, en hommage aux femmes combattantes »[116]. Émile Zola fait office de « cas particulier » : « correspondant du journal La Cloche, il donne des articles pendant les événements de 1870-1871 qui ne ménagent pas l'Assemblée de Versailles, tout en condamnant la Commune. Cependant, dans son roman La Débâcle, qu'il publie en 1892, Zola donnera le beau rôle au paysan Jean Macquart, le soldat versaillais plein de sagesse (« l'âme même de la France équilibrée et grave »), contre son ami Maurice Levasseur, l'intellectuel communard qu'il a tué : « Tout le symbole est là ; c'est la mauvaise partie de la France, la raisonnable, la pondérée, la paysanne, qui supprime la partie folle. » »[116]. Paul Lidsky publie en 1970 aux éditions François Maspéro son mémoire de DESS intitulé Les Écrivains contre la commune. Réédité aux éditions de La Découverte en 2010, cet ouvrage est considéré comme une référence dans son domaine[154],[155]. L'auteur y montre combien, à l'exception de quelques auteurs comme Hugo, Rimbaud ou Villiers-de-L'Isle-Adam, la quasi-totalité des auteurs célèbres à l'époque (Flaubert, Dumas Fils, Du Camp, les frères Goncourt, Gautier, Sand…) témoigne d'une haine et d'un mépris absolus pour un phénomène dont ils ne cherchent pas à comprendre les causes. En 2020, l'auteur ajoute un chapitre à la dernière réédition, intitulé Les artistes pour la Commune.
Théâtre et spectacles
Musique
FilmographieCinéma
TélévisionSérie
OdonymieLa ville d’Évry-Courcouronnes possède un quartier dont le nom des rues est dédié à la Commune de Paris. On trouve par exemple le mail du Temps des cerises, la place de la Commune, la place des Fédérés, le square Charles-Amouroux, le boulevard Louise-Michel, l'allée de l'Affranchi, la rue Léo-André, etc. Une sculpture représentant une main qui tient une paire de cerises se trouve devant le groupe scolaire du Temps des cerises. La ville de Vitry-sur-Seine possède un quartier nommé la Commune-de-Paris. La ville du Kremlin-Bicêtre a, dès sa fondation, attribué des noms de communards à des rues dispersées sur le territoire communal : Jean Baptiste Clément, Charles Delescluze, Paul Lafargue, Élisée Reclus, Louis Rossel…). Elles se croisent avec nombre d'artères portant, quant à elles, le nom de protagonistes de la Révolution française. Paris possède une place dans le 13e arrondissement en référence à la commune de Paris, la place de la Commune-de-Paris et un grand nombre de communes de la banlieue parisienne possèdent une rue de la Commune-de-Paris dont Aubervilliers, Romainville, l'Île-Saint-Denis et Le Blanc-Mesnil en Seine-Saint-Denis, Villejuif, Villeneuve-le-Roi, et Bonneuil-sur-Marne dans le Val-de-Marne, Vigneux-sur-Seine, Morsang-sur-Orge et Saint-Germain-lès-Corbeil en Essonne et Mitry-Mory en Seine-et-Marne. En 1923, une localité de l'oblast de Nijni Novgorod en Russie soviétique fut renommée Pamiat’ Parijskoï Kommouny, soit littéralement « Mémoire de la Commune de Paris ». Hô Chi Minh Ville (Vietnam) possède une place de la Commune de Paris (Công trường Công xã Paris en vietnamien). À Tirana (Albanie) un quartier de la ville s'appelle Commune de Paris (Komuna e Parisit en albanais) Notes et référencesNotes
Références
Voir aussiBibliographieSources primaires et témoignagesLes témoignages dits de première main doivent donc être présentés dans l'ordre chronologique de publication pour des raisons historiographiques évidentes :
Autres témoins
Ouvrages historiques
Ouvrage de synthèse
Autres éléments bibliographiques
Filmographie
Conférence télévisée
Documentaires
Iconographie
Cartes
Articles connexes
Liens externes
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