Sonia Mossé naît le à Paris[1]. Elle est d'origine juive ; ses parents sont Emmanuel Mossé (1876-1963), avocat à la cour d'appel de Paris, et Natasza Goldfain (1890- ?). Sa demi-sœur, Esther Levine (née le 9 mai 1906 à Saint-Pétersbourg[2]-1943), de onze ans son aînée, est issue du premier mariage de sa mère avec Boris Levine, mort prématurément en 1915. Son demi-frère, Jean Joseph Mossé (1908-1995), de neuf ans son aîné, est issu du premier mariage de son père avec Marguerite Icard.
En avril 1917, le couple met fin a son mariage, peu avant la naissance de Sonia. Le mariage civil d'Emmanuel Mossé et de Natasza Goldfain n'a eu lieu qu'en mars 1920, en même temps que la reconnaissance de la légitimité parentale de leur fille. On ne sait rien de sa scolarité et de sa formation.
Dans les années de l'entre-deux-guerres, les théâtres, les ateliers de peinture, les studios de photographie, les maisons de couture et les cabarets offrent aux femmes des opportunités de carrière sans précédent. Sonia Mossé travaille et se lance dans plusieurs de ces domaines artistiques. En mars 1937, Jean-Louis Barrault met en scène Numance de Miguel de Cervantes au Théâtre Antoine à Paris, dans lequel elle tient le rôle de Renommée[8].
« Par contraste, les surréalistes ont présenté un mannequin conçu par une artiste féminine, Sonia Mossé. Le mannequin de Mossé, quasi-nu, semble porter un voile funéraire au lieu d'un voile de mariée pour la consommation d'un mariage, ce qui implique que cette institution signifie un véritable esclavage. Il s'ensuit des associations similaires entre le mannequin féminin et l'automatisme »[17]
— Lauren Walden, MDCCC 1800 - 6 | 2017
Fin 1938, peu avant le Nouvel An, Sonia Mossé inaugure le cabaret Chez Agnès Capri avec la chanteuse et actrice Agnès Capri et Michelle Lahaye qui a eu l'idée du projet[18]. Elles sont soutenues par Francis Picabia, Max Ernst, Alberto Giacometti, Jean Cocteau, Balthus, André Derain et Moïse Kisling qui fournissent des peintures et des dessins pour les financer[19],[20]. L'intérieur du cabaret est conçu par Sonia Mossé[21],[20]. Suzy Solidor, Charles Trenet ou encore Jacques Prévert ont rendu visite à la petite scène et avec leurs présence ont contribué à des soirées mémorables[18]. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate et que Paris est occupé par les troupes allemandes, le cabaret ferme ses portes et Mossé ainsi que Capri sont contraintes de quitter la capitale française.
« A cette terrasse avaient émigré les gens du Flore et je me suis assise juste derrière Sonia et Agnès Capri ; elles étaient beaucoup moins fringantes qu’avant ; à présent elles ne pensaient plus qu’à foutre le camp sur Nice : "Je ne peux pas repasser une nuit pareille", disait Sonia ; et elles faisaient fébrilement des calculs d’argent. »
Cependant, aucun autre indice ne permet de savoir si Sonia Mossé a effectivement quitté Paris.
Le port de l'étoile jaune est mis en vigueur le 19 septembre 1941[23] par l'ordonnance de police sur le marquage des Juifs à Paris. Cela conduit à l'exclusion sociale, à la discrimination et à l'humiliation de la population juive. L'étoile jaune est donc également à Paris une mesure publiquement visible pour la réalisation de l'holocauste. Mossé ne porte pas l'étoile jaune et continue à fréquenter les cafés interdits aux citoyens juifs[24].
Déportation et assassinat
On ne sait pas si Sonia Mossé est arrêtée par la police française ou par la Gestapo en février 1943, mais il est probable qu'une dénonciation a précédé cette arrestation. Elle est internée au camp de Drancy, près de Paris, et déportée le 25 mars 1943 avec sa demi-sœur Esther Levine dans le convoi 53 vers le centre d'extermination allemand de Sobibór[25] en Pologne occupée.
Bien que les actes de décès de Sonia Mossé[26] et d'Esther Levine indiquent le camp de concentration et d'extermination de Lublin-Majdanek comme lieu de décès, il semble qu'il s'agisse d'une erreur. D'après le témoignage d'un survivant du Convoi 53[27], on peut affirmer que les déportées ont été assassinées au Centre d'extermination de Sobibór le jour même de leur arrivée, le 30 mars 1943.
Postérité
Peu de ses œuvres ont été retrouvées. Il y a quelques dessins, quelques photos de ses œuvres plastiques par Raoul Ubac et Man Ray, deux peintures[28].
Le centre Georges Pompidou a acquis en 2021 un dessin à l'encre de Chine intitulé Trois Femmes . Il a été présenté lors de l'exposition Surréalisme en Septembre 2024[29].
Iconographie
Dora Maar, Modèle non identifié en déshabillé (Sonia Mossé ?), photographie, vers 1934[30]
Man Ray, Nousch et Sonia, dessin de Paul Éluard, Les Mains libres, 1937[33]
Man Ray, Sonia Mossé’s Mannequin, photographie, Exposition internationale du surréalisme à la galerie des Beaux Arts, Paris, 1938[34]
Georg Reisner, Paul Éluard and the Mannequin de Sonia Mossé, photographie, Exposition internationale du surréalisme à la galerie des Beaux Arts, Paris, 1938[35]
Raoul Ubac, Mannequin de Sonia Mossé, photographie, Exposition internationale du surréalisme à la galerie des Beaux Arts, Paris, 1938[36]
Florence de Mèredieu, « Robert Desnos, Sonia Mossé : la barbarie nazie », in Antonin Artaud dans la guerre, De Verdun à Hitler , Paris, éd. Blusson, 2013
Dans le 7e arrondissement de Paris, une plaque commémorative rappelle la vie et la déportation de Sonia Mossé. Elle a été inaugurée le 20 septembre 2023 à son dernier domicile, au 104 rue du Bac.
↑« Chez Agnès Capri », Paris qui chante : revue hebdomadaire illustrée des concerts, théâtres, cabarets artistiques, musics-halls, , p. 4 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
↑« MOSSE_Sonia », sur ressources.memorialdelashoah.org (consulté le ).
↑« Au théâtre ce soir : Numance de Cervantès », Ce soir : grand quotidien d'information indépendant, , p. 4 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
↑ a et b(de) Man 1890-1976 Internet Archive, Man Ray, Portraits : Paris, Hollywood, Paris ; aus dem Man Ray-Archiv des Centre Pompidou, München : Schirmer/Mosel, (ISBN978-3-8296-0503-8, lire en ligne).
↑Lauren Walden, From the Rue des Nations to the Rue aux Lèvres, Venice, Fondazione Università Ca’ Foscari, page 15.
↑ a et bLéo Sauvage, « Réveillons… Saint-Sylvestre chez Agnès Capri », Le Peuple : organe quotidien du syndicalisme, , p. 2 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
↑Pierre Barlatier, « Un nouveau cabaret ouvrira bientôt à Paris : Les "Trois mousquetaires" chez Agnès Capri », Ce soir : grand quotidien d'information indépendant, , p. 7 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).